[HISTOIRE] Ces communes que nous aimons tant !
« Les communes… heureusement ! » Tel était le thème du 106e Congrès des maires qui s’est tenu cette semaine à Paris. Heureusement ? Effectivement, la commune reste sans doute l’une des institutions qui tient encore debout, dans ce pays. Peut-être parce quelle est profondément enracinée dans notre Histoire. En effet, le mandat municipal est probablement le plus ancien mandat électoral de notre pays. Plus ancien que celui de député, puisqu’il existait avant la Révolution. Il est donc celui de l’enracinement : dans notre Histoire, dans nos terroirs, dans le quotidien de nos concitoyens. Au passage, on notera que le seul chef de l’État de la Ve République (à l’exception du général de Gaulle, évidemment hors catégorie) qui n’a pas été conseiller municipal est Emmanuel Macron. Tout un symbole !
Nos communes ont une identité, une histoire. Et l’histoire de nos communes est intimement liée à celle des libertés locales. Identités et libertés (avec un s) sont des mots qui vont bien ensemble, pour paraphraser une chanson des Beatles ! Formellement, nos communes, telles qu’elles sont aujourd’hui, existent depuis le décret du 22 décembre 1789 pris par l’Assemblée constituante. Un décret relatif au nouveau découpage administratif de la France avec, notamment, la création des départements. Je cite son article 7 : « Il y aura municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne. » C’est donc un texte fondamental qui illustre à merveille ce que sont nos communes aujourd’hui. Pourquoi a-t-on des communes qui s'étendent sur des milliers d’hectares et d’autres sur quelques dizaines à peine ? La réponse est dans ce décret.
La commune : tout, sauf révolutionnaire !
Les découpages de nos communes remontent bien souvent au Moyen Âge, quand ce n’est pas à l’Antiquité. Elles ne sont donc pas le résultat d’un charcutage arbitraire, technocratique. On n’a pas fait table rase du passé, en 1789 : ce décret inscrit nos communes dans la continuité des institutions qui existaient avant la Révolution, communautés d’habitants et paroisses. Pris par la Constituante, issue elle-même des États généraux convoqués par Louis XVI au printemps 1789, il reçut ses lettres patentes de ce même Louis XVI.
D'ailleurs, on l'échappa belle. En effet, certains députés avaient imaginé le découpage de la France en départements carrés de 18 lieues de côté, chaque département aurait été divisé en 9 districts de 6 lieues et eux-mêmes découpés en 9 cantons de deux lieues de côté. Chaque canton aurait été le lieu de l’assemblée primaire. Et tout ça aurait dû entrer dans la boîte ! Finalement, les députés ont privilégié sagement la continuité et le principe de réalité. Consubstantiellement, nos communes sont tout, sauf révolutionnaires !
On naît, on vit, on meurt dans la commune
À ce sujet — [EDITO] Taxe d’habitation : coucou, la revoilou ?
Cette continuité – et cette identité – de la commune, est tellement évidente qu’elle s’inscrit dans les actes les plus essentiels de notre existence, sans même que nous nous en rendions compte : la vie, le mariage, la mort. L’état civil était une compétence confiée à l’Église catholique, officiellement depuis François Ier. Cette compétence fut transférée aux communes par un décret de l’Assemblée législative, le 20 septembre 1792, la veille de la proclamation de la République. Désormais, on n’inscrirait plus les baptêmes, les mariages, les sépultures, mais les naissances, toujours les mariages et les décès.
Continuité, aussi, à travers les droits qui étaient reconnus aux communautés depuis des siècles. Et qui dit droits dit libertés. Liberté, par exemple, de posséder des biens. Le distinguo, que les maires d’aujourd’hui connaissent bien, entre le domaine public inaliénable et le domaine privé de la commune ne date pas d’hier ! Liberté, encore, d’ester en justice. Nos archives regorgent de ces minutes de procès entre communautés voisines pour des questions de limites. Procès entre nos communautés et les seigneurs du lieu qui pouvaient durer des décennies, voire des siècles. L’auteur de ces lignes en connaît un en Provence, pour une question de droit d’eau sur une rivière, qui prospéra du milieu du XVIIIe siècle aux… années 30 du XXe siècle !
Le citoyen : en principe, un contribuable...
Liberté, essentielle, de désigner ses élus. Certes, le suffrage n’était pas universel mais on votait beaucoup, dans nos communautés, avant la Révolution. Les chefs de famille ou de feux participaient aux assemblées générales des communautés. L’inscription au rôle des contributions était capitale. Car qui dit communauté, commune, dit contribution au fonctionnement de la communauté, de la commune. Qui dit contribution dit impôt. Le citoyen est, en principe, un contribuable… C'est du reste en cela que la suppression de la taxe d'habitation était intrinsèquement perverse.
Ce principe d’élection des représentants municipaux connut, certes, des vicissitudes après la Révolution et l’Empire, et il fallut attendre Louis-Philippe pour qu’il soit rétabli. Napoléon III lâcha un peu la bride aux maires vis-à-vis de l’autorité des préfets, mais la grande loi fondatrice de nos communes d’aujourd’hui est celle de 1884. La République était désormais bien installée, dans une France encore profondément rurale, paysanne. Cette loi attribua une clause générale de compétence à la commune, ce qui représenta une extension significative de ses attributions. Et ce, à travers un article de loi très simple : « Le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune. » Point barre ! On aimerait lire, aujourd’hui, des textes de loi aussi clairs ! En fait, dans cette loi était en germe le principe de la libre administration des collectivités locales. Un principe certes constitutionnel depuis 2003, mais aujourd’hui tellement battu en brèche par l’emprise de plus en plus grande de l’État mais aussi des communautés de communes ou d'agglomération. Sans parler du processus de métropolisation, nouveau moloch de la technostructure…
L’identité de la France commence là où commencent nos identités communales. Le principe de Liberté, avec un grand L, inscrit sur le fronton de nos mairies n’est qu’un vain mot si nos libertés communales disparaissent. Et sans libertés, plus d’identité. L’Histoire nous montre que c’est un combat de tous les jours.
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22 commentaires
Les Communes étant le Pouvoir politique en prise direct avec les citoyens, le gouvernement actuel (et largement aussi les précédents) veulent effacer leurs moyens d’action, pour privilégier les Pouvoir éloignés, tels la Région ou l’union européenne.
Moins de démocratie permet de faire plus de business mondial, tant pis si la France coule (ou, pour eux, tant mieux : plus de nations = plus d’entrave à la financiarisation mondiale ! Leur rêve, quoi).
Les maires , avec l’aide des CCI,ont détruit nos centres villes et aujourd’hui on leur donne des subventions, notre argent, pour réparer leurs erreurs
Merci de ce brillant rappel historique mais ce qui n’est pas historique ce sont ces « communautés de communes » qui ont été crées pour replacer des maires déchus ou des coquins voraces et nous coûtent un fric fou pour ne rien rapporter si ce n’est compliquer tout.
Les communautés de communes sont, à mon avis, la plus grosse erreur qui a été commise. C’est une couche supplémentaire qui nous fait payer et encore payer pour des frais de fonctionnement et des doubles salaires d’élus. Avec un rapport quasiment nul ou pire pas de rapport du tout voire des coûts.
C’est effectivement ce qui participe au mille feuille administratif et donc créé un coût supplémentaire .
Mais l’élection des présidents de l’intercommunalité , est un enjeu majeur pour certains acteurs politiques dans la construction de leur carrière , même si on a quelques difficulté à comprendre ce que cela peut amener de positif pour le citoyen et la vie de la commune. C’est toujours une tentative de plus d’éloigner l’administré des pouvoirs de décision là où le maire de la commune est au plus proche des habitants. Oui, mais, quand on voit que ce qui importe le plus est non pas la compétence mais la parité homme – femme , et le non cumul des mandats et donc la tambouille politicarde pour l’obtention des postes au détriment de l’efficacité au service des citoyens , on voit que l’on paye pour des gens qui sont souvent déconnectés des problèmes mais pas du déroulé de leur carrière .
souvent avec la complicité active des maires !
Bonjour,
L’âme française est née essentiellement dans la terre. Nos racines ancestrales nous maintiennent inconsciemment dans l’influence rurale.
J’ai eu, il y a deux décennies, l’honneur et le plaisir d’avoir été un des élus sur une liste municipale. On acquiert la connaissance, indispensable, de toutes les couches sociales, de leurs qualités et de leurs défauts propres. Ce fût une expérience enrichissante, psychologiquement uniquement.
Ceci m’a conforté dans l’idée que les candidats, aux élections législatives, ne devraient être que des personnes ayant effectué au moins un mandat municipal, à quel niveau fût il dans l’équipe d’élus.
Bonjour,
L’âme française est née essentiellement dans la terre. Nos racines ancestrales nous maintiennent inconsciemment dans l’influence rurale.
J’ai eu, il y a deux décennies, l’honneur et le plaisir d’avoir été un des élus sur une liste municipale. On acquiert la connaissance, indispensable, de toutes les couches sociales, de leurs qualités et de leurs défauts propres. Ce fût une expérience enrichissante, psychologiquement uniquement.
Ceci m’a conforté que les candidats, aux élections législatives, ne devraient être que des personnes ayant effectué au moins un mandat municipal, à quel niveau fût il dans l’équipe d’élus.
C’est un peu comme un gâteau prévu pour 6 personnes qu’il faudrait diviser en cinquante : le problème est-il le gâteau ou le nombre de personnes autour de la table ? Les communes, les communautés de communes, les départements, les régions, c’est un problème d’efficacité assurément à revoir. Le sujet avant que les choses ne dégénèrent davantage est-il de changer en urgence la taille du gâteau, à savoir trouver des ressources, ce qui paraît difficile vue l’urgence et le budget déjà déficitaire de la ménagère, soit de refuser des personnes autour de la table et de cesser de vouloir nourrir le monde entier. Comme toujours, et pour tout, ils détournent le problème pour ne pas avoir à le solutionner.
Un peu d’histoire – Belle recherche. Merci. On en vient à penser « communauté de communes ». Une invention dont on se privait très bien dans le passé et qui a paru indispensable au 20 ième siècle. A prendre un peu de hauteur, c’est la naissance de l’individualisation de notre société contrairement à ce que peut laisser croire ce rassemblement qui n’est qu’un abcès du défaut de communication. Car en cas de sujet commun à plusieurs communes, il suffit de désigner un chef de file et de rassembler opportunément les spécialistes nécessaires au traitement de la question. Mais non, nous avons créé une usine à gaz incontrôlable, oui, incontrôlable, les maires soucieux de ne pas enrhumer le décideur. Voilà une strate inutile, dans laquelle on sait tricoter au sens propre ou jouer sur micro-ordinateur. Du constaté …
« L’état civil était une compétence confiée à l’Église catholique, officiellement depuis François Ier. Cette compétence fut transférée aux communes par un décret de l’Assemblée législative, le 20 septembre 1792, la veille de la proclamation de la République. »
C’est comme cela que ces terroristes (pardon, ces révolutionnaires) ont brûlé toutes les archives dans la plus part des églises et presbytères de notre département (en cassant en même temps, statues et sculptures des porches des églises.
On ne meurt pas de ne plus avoir de traces de ses ancêtres, c’est vrai. Mais j’ai pour ma part l’impression que l’on m’a, en partie, déracinée de mes origines.
C’était sans doute le but.
Oui bien sur, on est attachés aux petites communes comme celle ou je suis né et ais encore des attaches, mais il faut reconnaitre, que ça ne correspond plus aux besoins en 2024 et que ça coute très cher. La France à elle seule a autant de communes que tous les autres pays européens réunis.
Les regroupements de communes ou » communautés de communes » ont vu naître de nouveaux seigneurs à l’égo surdimensionné, formatés pour appliquer la politique centrale venue d’en haut à sauce mondialo- progressistes.
Ils n’ont souvent pas beaucoup de considération pour les citoyens qu’ils sont censés représenter, mais plus ils font de zèle et plus ils touchent de subventions.
La démocratie en a pris un coup, leur nouveau et important pouvoir est omniprésent.
Chez nous, c’est totalement cela, hélas. Et en plus, on paye et pour la communauté de commune et pour la commune au niveau de notre taxe foncière!
Les communes, les mairies font partie de
l’histoire, de notre vie.
Ne pas oublier le clocher qui en est aussi l’affirmation, et auquel les Français sont attachés, même si ils ne mettent jamais les pieds à l’église, sauf pour les grandes occasions.
Bien
J’apprécie énormément la remarque sur la suppression de la taxe d’habitation, tout à fait dans l’acharnement macronesque à détruire tout ce qui fonctionne bien en France, tout ce qui a un sens.
Et je frémis en apprenant que nous avons échappé au découpage « à l’africaine », avec une règle et une équerre, avec certainement les mêmes résultats prévisibles, de nos communes et départements. Décidemment la révolution française a été aussi néfaste, et sans doute plus, que la Macronie actuelle. Avec le regretté Jean Raspail, crions : « Vive le Roi »!
En 2026 les communales, vue les nouvelles cultures a qui on a donné le pouvoir de voter, attendons nous a de tristes surprises.
Vous y croyez encore ? chez certains anciens peut-être mais globalement l’état des communes et en général des nombreuses structures locales sont dans le même état que leur Pays France. Ce sont les mêmes individus formés et pour quelques uns qui veulent sortir du lot tous actes imposé telle une dictature par la même mafia qui sort de ces écoles administratives et qui s’installent dans toutes les grosses structures locales pour y glander en paix et pire encore imaginez donc que ce sont les moins bons !