[Histoire de l’art] Pour le patron de l’INHA, « l’art français » n’existe pas !

Allégorie de la Peinture, par Edmond Collignon, 1856.
Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Allégorie de la Peinture, par Edmond Collignon, 1856. Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

« Existe-t-il un art strictement français ? » Posée par le directeur de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), Éric de Chassey, dans The Art Newspaper, la question surprend. D’autant qu’elle ne semble pas tant suscitée par l’inquiétude scientifique que par… la loi Immigration contre laquelle M. de Chassey a déjà signé une tribune. La réponse est rapide : « À l’heure où la préférence nationale revient au goût du jour », il faudrait débarrasser l’histoire de l’art « des biais nationalistes ou ethnocentristes ».

Considérant quelques destins individuels - Nicolas Poussin, Français qui vécut longuement en Italie et y mourut, ou Van Gogh, Néerlandais dont le talent éclata en France et qui y mourut… -, il en vient à conclure « qu'il n'existe, au sens propre du terme, pas d'art français, pas plus que d'art strictement national ». Vlan !

Hélas pour lui, la démonstration n’est pas probante. Il y a eu, de tous temps, des artistes voyageurs mais aussi des écoles nationales. On visualise bien ce que signifient « art français », « art flamand », « art italien », « art allemand ». Utiliser ces étiquettes ne constitue pas tant un « biais nationaliste » (et encore moins « ethnocentriste ») qu’une façon naturelle de considérer les choses, quitte à les redéfinir de temps à autre - ce qui est différent d’une négation. Mais, selon le directeur de l’INHA, tout n’est que circulations et relations mondialisées.

Éric de Chassey : un parcours… très national

Mais qui est donc Éric de Chassey, au juste, sinon quelqu’un qui, tout en repoussant le « biais nationaliste », vit sur la bête… nationale ? Nommé directeur de la Villa Médicis par Sarkozy (2009), reconduit à ce poste par Hollande (2012), il veut inclure Julie Gayet dans le jury de la Villa - l’actrice et maîtresse du Président Hollande est très amie avec Anne Consigny, actrice et femme d’Éric de Chassey. Ce qui provoque des grincements de dents. Le ministre de la Culture ne valide pas le choix et Julie Gayet est privée de vacances romaines.

Lorsqu’en 2015, le directeur de l’École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) est débarqué et qu’on annonce Chassey pour le remplacer, des esprits malins y voient une manœuvre de Julie Gayet pour placer le mari de sa copine. Les intéressés démentent, mais le tollé est tel que Chassey n’ira pas à l’ENSBA. Pas grave : il est nommé par Hollande à la tête de l’Institut national de l’histoire de l’art (2016) et reconduit par Macron (deux fois, en 2019 et 2022). Peu importe le Président ou sa maîtresse, Éric de Chassey n’est pas à la rue.

Petite musique macroniste

Par le passé, ce proche des Gracques (le think tank de centre gauche libéral à qui l’on doit le rapprochement de Macron et Bayrou) fut sur la même longueur d'onde que le Président qui - il n'était encore que candidat - déclarait, en 2017 : « L'art français, je ne l'ai jamais vu. » Leur monde est identique. C’est la société liquide sans frontières, nomade. Tout n’est qu’échanges, fluidités, indéterminations, qu’il s’agisse d’hommes ou de biens, d’idées ou de capitaux… Libérés des repères ancestraux et des identités, diluons-nous dans le grand tout indifférencié.

La portée de la perspective « déconstructiviste » du texte ne doit pas être minorée. L’INHA est un institut puissant et reconnu. Les propos de son directeur se traduiront par des choix budgétaires, par l’orientation clairement politique d’expositions, de colloques, de parutions, où la science cédera le pas à une lecture niant toute existence à l’art français. En tant que ministre de tutelle de l’INHA (l’autre étant Sylvie Retailleau), Rachida Dati serait fondée à rappeler à Éric de Chassey l’une des missions de l’institut : « Contribuer à mettre en valeur les recherches en histoire de l'art produites sur tout le territoire national » - et non les fausser.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

31 commentaires

  1. « Biais ethnocentristes » : c’est sûr que ça fait plus chic que « races »…dont chacun sait par ailleurs, malgré certaines apparentes obsessions institutionnelles, qu’elles n’existent pas !

  2. En Macronie, il est de bon ton de cracher dans la soupe qui vous est copieusement servie, si vous venez du juste milieu social.

  3. L’art français n’existe pas….. Quid le mobilier qui équipe les ministères, l’Elysée, copié par les édifices d’apparats des principales capitales dans le monde (d’inspiration deu style Louis xIV, Louis XV, Louis XVI et le 1er Empire, la Restauration, etc….)

  4. Si il n’y a pas d’art français, les subventions publiques de la culture doivent être supprimées. Les contribuables de la Nation France n’ont pas de raison de financer ce qui ne les regarde pas.

  5. Voilà déjà une piste pour des distributions de mauvais points de la part de Rachida Dati, de quoi en faire trembler d’autres pour de bon.
    Que chacun assure sa part d’Art et de Cuture français, la fumeuse IA n’a pas encore tout nivelé ni générée des œuvres globalisées…

  6. Mais les ignorants de son espèce ne méritent même pas qu’on les écoute , ils sont minables . Que savent ils faire à part dénigrer , renier . Que l’on supprime donc son poste et son équipe s’il n’y a pas d’art français et bon débarras .

  7. Un excellent exemple montrant l’existence de l’art français existe est le fait qu’on ait essayé de l’imiter: ainsi de JS Bach écrivant ses « Suites Françaises » et quantité d’autres morceaux dans le « style français ».

  8. Donc 1 piste à supprimer de toute urgence puisque non justifié. Un petit pas vers la réalisation d’économies, économies plus qu’urgentes !

  9. je croyais les frontières françaises ouvertes … que ne les franchissent pas, sans idée de retour : c’est simple

  10. Peut-on rappeler à tout hasard que l’art gothique désigné sous ce vocable au XIXe siècle, était connu au Moyen Age sous le nom d' »opus francigenum » c’est à dire d’art français ? Serait-il possible de renvoyer cette superbe ignorance lire le beau livre de Louis Réau qui fut longtemps un classique des études d’Histoire, « L’Europe française au siècle des lumières ». Hélas, les lumières sont bien éteintes et les gardiens du temple ne savent plus que prendre des vessies pour les lanternes.

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