Histoire de l’euthanasie dans l’Allemagne nazie

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Alors que la polémique sur l'euthanasie revient en force avec l'affaire Vincent Lambert, il faut se rappeler que seules les autorités catholiques eurent le courage de s’opposer au programme Aktion T4 mis en place par Hitler en 1939 dans le but d’éliminer les personnes handicapées. Dès 1935, cette euthanasie de masse était programmée par le régime nazi qui utilisa les travaux du juriste Karl Binding et du psychiatre Alfred Hoche. Ces derniers avaient publié, en 1920, un livre intitulé Le droit de détruire la vie dénuée de valeur. Les nazis reprirent à leur compte les arguments développés dans cet ouvrage. En premier lieu, il apparaissait nécessaire d’éliminer les personnes improductives, décrétées inutiles et même nuisibles car considérées comme un poids économique pour la société. Sous le régime nazi, toute action et toute vie sont analysées à travers le prisme de l’économie et de la productivité.

Le deuxième argument en faveur de l'euthanasie se rattache au dévoiement du concept de compassion : par pitié pour les malades considérés comme incurables, il faudrait les tuer afin de les délivrer de leur souffrance. Enfin, le régime nazi promeut l’euthanasie eugéniste, élément structurel de son idéologie : les personnes handicapées représenteraient un danger pour la « pureté de la race » et le développement de la nation.

Ainsi, durant les années 1920 et 1930, l’euthanasie est au centre des débats en Allemagne. Malgré la vive opposition d’un grand nombre d’intellectuels, en particulier les théologiens, la notion d’euthanasie est progressivement acceptée. L’État soutient ce débat par une active propagande dans l’espoir de faire basculer l'opinion publique de son côté. Notons que les médecins étaient la profession comptant la plus grande proportion de membres du parti nazi.

L’occasion de la mise en pratique de l’euthanasie se présente en août 1939 avec l’affaire Knauer : un couple d’Allemands demande au Führer l’autorisation de tuer leur enfant incurable. L’autorisation est donnée par l’État nazi qui, opportunément, utilise ce cas particulier pour généraliser une pratique prévue de longue date. Une circulaire du mois d’août 1939 ordonne aux médecins de signaler toutes les naissances d’enfants mal formés. Leur euthanasie se fait par voie médicamenteuse. Quelques semaines plus tard, en octobre, Hitler rédige un décret qui autorise l’euthanasie des malades déclarés incurables. Resté officieux, ce décret est le point de départ d’une campagne d’élimination désignée sous le nom de code Aktion T4.

Des questionnaires sur les patients sont envoyés dans tous les asiles allemands et autrichiens. Ils sont volontairement très flous pour que les médecins qui les remplissent n’en comprennent pas la finalité. La sélection des malades ne porte pas tant sur la gravité de leur pathologie que sur leur aptitude au travail. Plus de 70.000 handicapés physiques ou mentaux sont ainsi assassinés entre août 1939 et janvier 1941. Malgré la volonté de garder l’opération secrète, les rumeurs filtrent de plus en plus, l’inquiétude et les protestations se multiplient. Seuls les catholiques ont la conscience et le courage de s'opposer à cette campagne d'extermination. L’évêque de Münster, Clemens von Galen, va jouer un rôle fondamental dans l’arrêt du programme Aktion T4. Depuis 1934, il ne cesse de critiquer la politique du gouvernement allemand et, en juillet 1941, il dénonce, en chaire, dans plusieurs sermons, la politique d’euthanasie du pays en évoquant « une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitimise le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler, des estropiés, des incurables, des personnes âgées et des infirmes ». Le 28 juillet, ayant connaissance d’une prochaine rafle de personnes handicapées, il porte plainte en justice contre l’État allemand. Cette action devant les tribunaux va faire reculer le régime nazi et entérine sa renonciation au programme Aktion T4.

En représailles, Hitler projette d'arrêter l'évêque de Münster pour le condamner à mort ; il renonce finalement, craignant la réaction de la population catholique. Ainsi, le courage d’un évêque a permis l’arrêt d’un programme de mise à mort organisé à l’échelle d’un pays. Clemens von Galen, défenseur héroïque des personnes les plus vulnérables, a été béatifié le 9 octobre 2005. Par cette béatification, Benoît XVI a voulu ainsi mettre en exergue l’esprit de charité et de résistance à l’injustice qui doit animer les catholiques.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:48.

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