[HISTOIRE] Don Juan d’Autriche, le vainqueur de Lépante
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Si la victoire de la chrétienté à Lépante, le 7 octobre 1571, a sauvé l’Europe de l’expansion ottomane, c’est grâce au courage et à la vaillance des nombreux soldats venus de tout l’Occident pour défendre leur civilisation. Cependant, ce triomphe militaire n’aurait pas été possible sans un jeune homme dont le nom est aujourd’hui absent de nos livres d’Histoire et qui fut pourtant, au XVIe siècle, sur toutes les lèvres en Europe : Don Juan d’Autriche. Ce prince de sang aura alors connu une vie semblable à celle d’une étoile filante : éclatante de gloire, mais malheureusement éphémère.
Un bâtard légitimé
Né le 24 février 1547 à Ratisbonne, Juan est le fruit d'une liaison adultérine entre Charles Quint et Barbara Blomberg. Bien qu'illégitime, et ignorant tout de l’identité de son père, le jeune enfant est protégé de loin par l’empereur du Saint Empire romain germanique qui veille sur lui et s’enquiert de son éducation. Avant sa mort en 1558, Charles Quint, souhaitant lui garantir un avenir digne de son sang Habsbourg, exprime le souhait que son fils soit légitimé et pris en charge par son frère aîné, Philippe II d’Espagne. Respectant les dernières volontés de son père, Philippe reconnaît son demi-frère et lui accorde le titre de Don Juan d’Autriche. À ce moment, il lui révèle aussi le secret de sa véritable filiation : « Philippe II demanda à l'enfant s'il savait bien qui était son père. L'enfant ne répondit pas ; alors le roi dit : "Prenez courage, mon Enfant, vous êtes fils d'un homme illustre ; l'Empereur Charles, qui vit dans le Ciel, est votre père et le mien." »
Doté de grandes capacités militaires, Juan se distingue rapidement et souhaite faire ses preuves auprès de ses pairs. Ses premiers succès surviennent ainsi lors de ses campagnes contre les pirates barbaresques qui menacent les côtes espagnoles, puis durant la guerre des Alpujarras (1568-1571), où il réprime la révolte des Morisques, des musulmans restés sur le territoire ibère après la Reconquista et soi-disant convertis au catholicisme. Ces premières victoires consolidèrent ainsi la réputation de Don Juan comme brillant stratège.
Lépante, la bataille des géants
L'année 1571 marque le plus grand défi de la vie de Don Juan. En effet, la même année, l’Empire ottoman, en pleine expansion, conquiert l’île de Chypre, ancienne possession vénitienne, ce qui alarme la chrétienté. Pour contrer cette menace, une coalition nommée la Sainte Ligue est formée. Mais qui serait à la hauteur de commander la flotte de l’Occident, forte de 212 navires, face aux 300 galères ottomanes ? Philippe II propose le nom de son jeune demi-frère, Don Juan d’Autriche, qui obtient cette lourde responsabilité. Ainsi, âgé de seulement 24 ans, Juan prouve à l’Europe entière ses talents tactiques en menant à la victoire la flotte chrétienne contre celle d’Ali Pacha à Lépante, le 7 octobre 1571. Cette victoire brise le mythe de l'invincibilité de l’Empire ottoman en Méditerranée et marque le début du déclin de sa puissance maritime puis de ses forces terrestres lors de sa défaite à Vienne en 1683.
Une gloire immense mais éphémère
En sauvant l’Europe, Juan d’Autriche redonne espoir à la chrétienté et devient une figure héroïque acclamée dans tout l’Occident. Il faut dire que notre fringant commandant a tout pour plaire : il est beau, il est jeune et, surtout, il est victorieux. Malheureusement, cette aura glorieuse n’est pas du goût de tout le monde et fait des jaloux, des envieux, en commençant par son propre frère, Philippe II, qui craint que son cadet ne lui fasse de l’ombre. Il n’hésite donc pas à envoyer Juan aux Pays-Bas espagnols comme gouverneur de cette province en proie à des révoltes politiques et religieuses. En effet, la Hollande, alors sous domination espagnole connaît de nombreux troubles, notamment entre protestants et catholiques. Cependant, malgré toute sa bonne volonté et sa grande intelligence, Don Juan ne réussit jamais à résoudre ces épineux problèmes en raison de sa mort soudaine. En effet, à peine âgé d’une trentaine d'années, il est emporté par le typhus le 1er octobre 1578. Conformément à ses dernières volontés, son corps est rapatrié en Espagne pour être enterré à l'Escurial aux côtés de Charles Quint, ce père qu’il n’aura jamais connu.
Le destin de Don Juan d’Autriche fut ainsi celui d’une gloire immense mais fugace. En sauvant la chrétienté d’une islam conquérant, il se hissa parmi les héros de son époque. Mais, à l’instar d’Alexandre le Grand, il fut arraché à la vie trop tôt, avant de sombrer malheureusement dans l’oubli.
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16 commentaires
Est-ce lui l’origine de l’expression Don Juan pour désigner un bel homme séducteur qui enchaîne les conquêtes amoureuses ?
Après avoir lu l’article de M. Mascureau, je suis obligé de corriger certaines erreurs qu’il contient. Et voici ces propos en l’honneur du héros de Lépante.Tout d’abord, il faut dire que Don Juan n’était pas un bâtard, mais plutôt le fils naturel de Charles Quint, avait été chez Mme Bárbara Blomberg, l’Impératrice Mme Isabelle du Portugal étant déjà morte.Il convient également de souligner que l’élection de Don Juan au commandement suprême de la flotte a été décidée par le pape Pie V. De même, il faut ajouter que notre personnage a connu son père. Charles V dit à son intendant principal et précepteur du jeune homme de lui amener le petit garçon parce qu’il voulait le rencontrer, et ce fut ainsi. Si M. Mascureau veut en savoir plus sur Don Juan, je lui recommande sa biographie écrite par le prêtre Luis Coloma ou le magnifique livre que lui a dédié Arturo Uslar Pietri, « La Visite dans le temps ».
Bâtard signifiant né hors mariage et ses parents n’ étant pas mariés, Don Juan peut être qualifié de bâtard.
…a sauvé l’Europe de l’expansion ottomane, c’est grâce au courage et à la vaillance des nombreux soldats venus de tout l’Occident pour défendre leur civilisation.
Aujourd’hui encore, en Espagne, dans le corps armé de la Legion Española, il existe un régiment (TERCIO) qui porte le nom: de Don Juan de Austria. C’est le IIIe Tercio qui combattît au Sahara occidental, puis à la restitution du territoire au roi du Maroc: Hassa II par le roi Juan Carlos, ce régiment fut stationné aux Iles Canaries; à Fuerteventura dans la petite ville de Puerto Rosario. Aujourd’hui, ce Tercio est stationné quelques parts dans le sud de la péninsule hibérique.
Un épisode d’une affaire douloureuse qui commence en 631. Et dure encore.
Très bon article, merci de faire revivre Don Juan d’Autriche. Une « petite » omission . Toutes les nations chrétiennes s’étaient unies pour combattre l’empire Ottoman à Lepante sauf une : La France.
Un siècle plus tard Louis XIV refusa de venir au secours de Vienne assiégé par les Turcs.
Vieille tradition de la diplomatie française datant de l’alliance de François I° et du Grand Turc…. qui perdure de nos jours.
Des traîtres au plus haut niveau de l’État. À l’époque déjà…
Exact…ce qui confirme ma détestation de ce pays !!
Il faut raison garder : si François Ier s’est allié au grand turc, ce n’est pas tant par affinité, d’autant que le royaume était de religion chrétienne, mais surtout pour limiter la puissance de Charles Quint, dont les possessions territoriales étaient en passe d’encercler la France et de la détruire
Et les Ottomans n’auraient pas détruit la France s’ils étaient passés ? S’allier à l’ennemi par calcul politique s’appelle « coucher avec le diable », je crois. En des temps plus récents on appelait cela la collaboration.
Si la victoire de la chrétienté à Lépante, le 7 octobre 1571, a sauvé l’Europe de l’expansion ottomane, je crains que le 21ième siècle voit la défaite de cet occident de moins en moins chrétien.
Hélas! …. Mille fois: Hélas!
Ça fait 5 siècles que l’empire Ottoman cherche sa revanche… Et ils croient que c’est pour maintenant…
La question est de savoir s’ils ont raison de le croire.
Très bon article, très intéressant pour ceux qui aiment l’histoire de l’Espagne. Le soldat Miguel de Cervantes perdit son bras lors de cette fameuse bataille de Lépante. Il fut ensuite prisonnier des Turcs pendant 5 ans à Alger. Il finit par s’évader, tout cela bien sûr avant d’écrire les 2 volumes de son Don Quichotte. Autres temps, autres mœurs ; les écrivains n’étaient pas forcément des habitués des cours et des salons…
Aujourd’ hui…Annie Ernaux est prix Nobel de littérature !!