[Histoire] La Toison d’or de la princesse Leonor

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Du côté de son père, son arbre généalogique croule sous le poids des couronnes les plus prestigieuses d’Europe. C’est ainsi qu’elle descendrait 249.000 fois de Saint Louis, selon le calcul des généalogistes. Ce nombre vertigineux n’a rien d’étonnant, quand on sait que le roi émérite Juan Carlos, son grand-père paternel, compte parmi ses seize arrière-arrière-grands-parents pas moins de sept Bourbons (d’Espagne, Sicile et Orléans), tous descendants de Louis XIII, roi de France, et aucun roturier. Elle, c’est la princesse Leonor, héritière de la couronne d’Espagne. Ce 31 octobre, jour de sa prestation de serment, elle était belle, du haut de ses 18 ans, et même touchante par ce qu’on devine être une certaine timidité et peut-être modestie dans ses gestes encore hésitants. On ne peut s’empêcher de penser au contraste saisissant avec Emmanuel Macron, payé pour représenter la France, fanfaron et hâbleur, bourgeois pas gentilhomme pour un sou, qui n’en est pas encore revenu d’avoir reçu, récemment, le roi Charles III. Certes, la princesse Leonor n’a aucun pouvoir, si ce n’est celui de nous charmer, mais elle incarne d’ores et déjà une continuité de la nation espagnole qu’aucun président de la République française ne pourra jamais faire pour la France, en tout cas pas l’actuel, malgré ses clins d’œil grossiers à la monarchie. Cette continuité, la princesse Leonor l'arborait sur son blazer blanc en portant la Toison d’or.

L'héritage bourguignon

La Toison d’or ! Ou le mythe qui s'entrelace avec la continuité historique. Le mythe, car cet ordre de chevalerie, fondé il y aura bientôt six siècles (le 10 janvier 1430), par un Capétien, Philippe III le Bon, troisième duc de Bourgogne et avant-dernier duc de la somptueuse maison des Valois-Bourgogne, voulait s’inspirer de la mythologie grecque. Fastueuse maison des ducs de Bourgogne qui réussit à se constituer au cours des XIVe et XVe siècles un vaste et très hétéroclite domaine, ni royaume, ni empire, coincé entre royaume de France et Saint Empire romain germanique. Splendide maison des ducs de Bourgogne dont les bâtards transmettaient à tout va, entre deux cavalcades de Bruxelles à Dijon, à une floppée d’autres bâtards le sang de Saint Louis. Magnifique maison des ducs de Bourgogne dont l’épopée s’acheva dans le désastre glacial d’un 5 janvier 1477, près de Nancy, après la défaite de Charles le Téméraire face aux troupes du duc de Lorraine. Un désastre évoqué dans ce beau et tragique poème d’Aragon : « Je suis ce Téméraire au soir de la bataille/Qui respire peut-être encore sur le pré/Mais l’air et les oiseaux voient déjà ses entrailles/Pour m’ouïr il n’est plus que soldats éventrés/Déjà mes yeux sont pleins de vermine et de mouches/La nuit emplit déjà mon corps défiguré/Lentement les fourmis ont habité ma bouche/De mon armure noire envahi par le froid/Pourrai-je murmurer mon histoire farouche ? » Sic transit gloria mundi !

Branche autrichienne et branche espagnole

La Toison d’or aurait pu disparaître définitivement dans les fondrières de la défaite, mais telle le phoenix, autre mythe, elle reprit - pardon pour la trivialité de l’expression – du poil de la bête grâce à la fille du Téméraire, Marie de Bourgogne, qui épousa Maximilien de Habsbourg, empereur du Saint Empire romain germanique, et transmit ainsi à cette famille la Toison d’or. Bourguignonne, la Toison d’or entrait dans la maison de Habsbourg qui bientôt allait régner jusqu’en Espagne avec Charles Quint, petit-fils de Marie et Maximilien. Lorsque Charles II, dernier Habsbourg d’Espagne, meurt en 1700, et au terme de la guerre de Succession, le trône d’Espagne échoit à son petit-neveu, Philippe de France, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV. Il y aura désormais deux ordres de la Toison d’or : la branche autrichienne et la branche espagnole. Et il en a été ainsi jusqu’à aujourd’hui. L’ordre autrichien est un ordre dynastique, dont la grande maîtrise appartient à la maison de Habsbourg, et reconnu comme tel par la République d’Autriche. La Toison d’or espagnole, elle, est en quelque sorte un ordre national dont le grand maître est le souverain. Philippe VI la distribue avec plus que parcimonie, puisque qu’il ne l’a décernée qu’à une seule personne depuis qu'il est roi : la princesse Leonor. Juan Carlos avait été plus inflationniste : Nicolas Sarkozy en fut même décoré en 2005, sans doute sur recommandation du gouvernement Aznar, chose qui n’était pas arrivée à un Président français depuis Gaston Doumergue…

On peut se moquer de cette décoration, comme de toutes les décorations du reste, et de ceux qui les portent, comme le faisait Stendhal dans Le Rouge et le Noir : « Regardez le prince d'Araceli ; toutes les cinq minutes, il jette les yeux sur sa toison, sur sa Toison d'Or ; il ne revient pas du plaisir de voir ce colifichet sur sa poitrine. Ce pauvre homme n'est au fond qu'un anachronisme ... » Il n’empêche, et n’en déplaise à l’auteur de La Chartreuse de Parme, qu’en six siècles, ce colifichet n’a été distribué qu’à une poignée de personnages : environ deux mille, si l'on compte les deux branches. C'est de cette fabuleuse histoire qu'est héritière en partie la princesse Leonor qui porte si bien sa Toison d'or...

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

19 commentaires

  1. J’éprouve de la sympathie pour la monarchie en général, mais je me suis résigné quant au retour de ce système politique en France.
    Toutefois les descendants de nos souverains devraient être connus des Français , le prince Louis duc d’Anjou aîné des Bourbon, le prince Jean d’Orléans et le prince impérial Jean-Christophe Bonaparte ,après tout la république n’a été véritablement instaurée qu’après le Second-Empire dans les années 1871-1880 ,et non en septembre 1792 au moment ou Louis XVI fut destitué ,une république sans président .

    • Belle république! que celle des années trente, quand régnait l’anarchie encouragée par le Komintern, quand on brulait les églises, assassinait les prêtres, les religieuses et les hommes politiques; république à laquelle la nôtre ressemble un peu plus tous les jours.

    • Vous passez allègrement sous silence le coup d’Etat de la gauche en 1931 qui, sous prétexte de sa victoire aux élections MUNICIPALES décréta illégalement la République. Le roi Alphonse XIII, voulant éviter un bain de sang, s’exila volontairement sans avoir abdiqué. Et Franco fit tomber une république instaurée sans fondement.

  2. Mais ces grandes Familles, ne sont ni plus, ni moins que la famille inconnue. Elles ont eu des heures de gloire, et des heures sombres, bien noires, qu’on ose pas évoquer. Un roi, une reine, ne sont que des êtres humains, avec son lot de grandeurs et de compromissions, certes il y eut parmi les rois et reines des êtres exceptionnels, mais comme dans le tiers état. La reine d’Angleterre a enterré son règne, son fils et ses petits enfants on désacralisait la fonction. Autre temps autre mœurs.

  3. Amusant la remarque sur les 249000 fois descendante de Saint Louis. Comme moi, quoi…
    Comme on n’a qu’un père et une mère, donc 4 grands parents, 8 arrière grands parents, etc… On a 2 puissance n arrières arrières (n fois) grands parents. Si on compte 4 générations par siècle, et comme le brave Saint Louis vivait en 1250, et que la princesse est née au début du 21eme siècle, il y a 750 ans qui les séparent, donc 30 générations, donc aujourd’hui, tout humain avait à l’époque 2 puissance 30 aïeux. Soit 1073741824 aïeux vivant à cette époque, soit environ 4 fois plus que toute la population humaine de l’époque de Saint Louis. Comme à l’époque on ne voyageait pas des masses, il est très probable que si vous êtes français dit de souche, vous n’avez aucun aïeux ayant vécu à l’époque de Saint Louis qui soit un amérindien, un asiatique ou un africain. Il est évident que n’importe quelle personne de l’époque, qu’il soit roi ou manant est quelque part dans votre arbre généalogique, et plusieurs fois de suite. Ceci étant, la soi-disant noblesse a eu largement plus tendance à la consanguinité que la moyenne, ce qui n’a pas été pour arranger les choses (voir la tronche moyenne des Habsbourgs). La République a au moins le mérite de 1) n’attribuer le pouvoir à une personne que pendant un temps très limité, ce qui évite d’avoir un imbécile au pouvoir durant des décennies (imaginez avoir Macron au pouvoir jusqu’à sa mort…), et 2) d’avoir des gens qui ne souffrent pas trop de consanguinité.

    • L’absence de consanguinité ne protège pas de toute pathologie, surtout psychiatrique. Ex réitéré : Macron.

  4. Dans cette très monarchique présidence française on fait la distribution de la Légion d’Honneur, comme on distribue du pain d’épices à la Saint Nicolas, le vrai, pas Sarko.
    La France n’a que la decoration qu’elle mérite et qu’elle a dévoyée, quitte à faire trépigner dans son caveau de quartzite Napoléon Ier.

  5. Magnifique princesse. Mais pour ce qui est de la toison d’or en France nous n’avons qu’un Don Salluste.

  6. Ah! La Toison d’Or…
    Un magnifique ordre de chevalerie, dont vous nous rappellez fort bien les origines, mon Colonel.
    Et ceci nous rappelle ce que Napoléon a voulu faire en créant la Légion d’Honneur. Malheureusement dévoyée dans la main de civils et politiques trop généreux, elle reste difficile à obtenir pour les seuls militaires, dont les services éminent au feu, parfois même la mort seule, leur permet d’accéder à la distinction de Chevalier.
    Mais là aussi Macron est passé, qui la distribue à tout va, à des soldats et sous-officiers morts pour la France, certes, alors que la Médaille Militaire était spécialement prévue pour eux, depuis Napoléon III.

    • Médaille Militaire créée par Napoléon III parce que lui et sa caste (rien n’a changé aujourd’hui) ne voulaient pas que la « valetaille » bénéficie des ordres nationaux.
      Voir un simple grognard avec la légion d’honneur déplaisait au plus haut point à certains notables et bourgeois qui ne l’avaient pas.

  7. Quelle retenue, quelle leçon de grandeur cette « Grande d’Espagne » fait montre. Puisse nos présidents s’en inspirer. Merci monsieur Michel pour l’historique de cette Toison.

  8. M. Michel, je suis Gaulliste viscéral et farouche républicain. Votre article rappelant la saga de ces princes qui n’étaient pas encore de France et qui « semaient à une flopée de batards le sang de St Louis » me conforte dans mon rejet absolu de considérer ces gens-là. Que l’héritière du trône d’Espagne soit bien élevée, charmante et tout ça, fort bien. Mais celà m’est totalement indifférent.

  9. De la classe , de l’élégance , du savoir vivre , des bonnes manières pas des arrivistes qui ne pensent qu’à se sucrer sur le dos du peuple laborieux .

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