[Histoire] Le Front populaire, ou la gauche qui contribua à faire Pétain

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En avril 1938, malgré la rupture du Front populaire, les forces qui le composent - à savoir principalement le Parti radical (PR) et la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO), ancêtre direct du Parti socialiste actuel - restent encore à la tête de l’État et rassemblent la majorité des députés de la Chambre. En effet, même s’il y a rupture des alliances politiques sur lesquelles on a fait campagne pour les dernières législatives, pourquoi renoncer à son confortable siège dans l’Hémicycle ? Ainsi, c’est cette même majorité de gauche garante du destin de la France jusqu’en 1940 qui entraîna, en vérité, notre nation dans le régime de Vichy en octroyant les pleins pouvoirs au maréchal Philippe Pétain.

Pétain, le légaliste

Quoi qu’on dise, quoi qu’on pense de l’homme qui a serré la main d’Hitler, nul ne peut dire que Pétain fut un putschiste tandis qu’il accédait de façon légale à la tête de l’État, notamment à l’aide de la gauche. En effet, c’est le successeur de Léon Blum et président du Conseil de 1938 à 1940, Édouard Daladier, qui appelle en premier le héros de Verdun à la rescousse et à rejoindre son gouvernement, alors en pleine tourmente. Pétain refuse une première fois mais ne peut résister au second appel qui lui est fait, le 17 mai 1940, par Paul Reynaud, nouveau chef du gouvernement d’Albert Lebrun et qui déclare, selon Henri Amouroux, qu’« il prendra les fonctions qu’il voudra, […] sa présence immédiate est indispensable, […] on a besoin de lui ». C’est ainsi que le maréchal finit par répondre favorablement, le 16 mai 1940, à ce nouvel appel après avoir entendu les supplications d’un ancien chef du Front populaire et d’un autre politicien appartenant, lui, à la mouvance centriste. Philippe Pétain devient ainsi vice-président du Conseil avant qu’« à l’appel du président de la République [Albert Lebrun] », le 17 juin 1940, et face à la défaite, il ne prenne « la direction du Gouvernement de la France ».

Les pleins pouvoirs… avec l'appui de nombreux parlementaires de gauche

Après la signature de l’accablant armistice à Compiègne, le 22 juin, le nouveau gouvernement s’installe à Vichy, où sont réunis les députés et les sénateurs. Ces derniers sont rassemblés dans le casino de la ville thermale, improvisé comme un nouvel Hémicycle, afin de débattre, de choisir et de voter si, oui ou non, le maréchal Pétain doit avoir les pleins pouvoirs, notamment constitutionnels.

Au terme du scrutin, le résultat est clair : sur 846 inscrits, 669 se sont exprimés, 569 en faveur de Pétain et 80 contre (dont une majorité de gauche parmi lesquels Léon Blum ou encore Vincent Auriol, futur président de la IVe République). Parmi les partisans du nouveau chef de l’État français, il se trouve 339 élus de gauche, c’est-à-dire plus de la moitié des votes, dont au moins 174 ont fait partie de groupes politiques ayant composé le Front populaire. Le reste du scrutin est composé de 182 députés de droite et du centre. Parmi les parlementaires ayant participé à ce vote, nous trouvons de grands noms de la gauche comme Joseph Caillaux, figure du Cartel des gauches et ancien président du PR, Camille Chautemps, ancien ministre du Front populaire ou encore Pierre Laval, futur grand collabo devant l’Éternel et membre de la SFIO jusqu'en 1922.

Les communistes aux ordres de Moscou

Mais où sont les communistes, dans tout cela ? Ces derniers, qui avaient fait partie de la coalition électorale du Front populaire mais n'avaient pas participé au gouvernement en 1936, peuvent bien rétorquer, aujourd’hui, qu’ils n’ont pas voté en 1940 les pleins pouvoirs à Pétain. Et pour cause ! La raison était qu'ils avaient trahi la France avant que l’on ne condamne à mort la IIIe République. En effet, le PCF, alors servile créature politique aux ordres de Staline, et malgré son hostilité contre les idéologies fascistes, s’était plié aux directives de Moscou ainsi qu’au pacte de non-agression germano-soviétique contracté le 23 août 1939. Dès lors, les communistes français avaient tout fait pour que la France ne rentre pas en conflit avec l’Allemagne nazie et s’étaient opposés « à la guerre impérialiste » qui s’imposait le 1er septembre 1939. Il avaient ensuite refusé d’aider une « Pologne fasciste qui a rejeté l'aide de l'Union soviétique et opprimé d'autres nationalités » ! Face à cette situation et aux risques de trahison du PCF contre les intérêts de la France, Daladier décida d'abord de dissoudre par décret, le 26 septembre 1939, le PCF dont le propre chef, Maurice Thorez, avait déserté l’armée française pour mieux fuir en URSS, puis de déchoir de leur mandat, en janvier 1940, les soixante parlementaires communistes.

Il est bon de rappeler aujourd'hui que nombreux furent les parlementaires issus du Front populaire à voter les pleins pouvoirs à Pétain en 1940. Un Front populaire dont la nouvelle NUPES se veut l'héritière en se baptisant Nouveau Front populaire.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

52 commentaires

  1. Et oui il est bon de temps en temps de rappeler la VRAIE histoire de notre pays pas celle revisitée soit par inculture soit par une idéologie dangereuse pour la France.

  2. MERCI pour cet article très édifiant ! Les chiffres sont implacables : sur 669 votants, plus de la moitié , les 339 élus de gauche ont apporté leur avis favorable
    Cette leçon est à retenir au moment où une nouvelle coalition de gauche va peser sur les scrutins des 30 et 7 juillet prochains…

    • À partir de novembre 1934, François Mitterrand milite pendant plus d’un an aux Volontaires nationaux, mouvement de jeunesse de la droite nationaliste des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque. Porté par un courant très anticommuniste, il adhère à ce mouvement jusqu’à la dissolution des ligues factieuses. Il participe aux manifestations contre « l’invasion métèque » en février 1935 puis à celles contre le professeur de droit Gaston Jèze, après la nomination de ce dernier comme conseiller juridique de l’empereur d’Éthiopie Haïlé Sélassié Ier, en janvier 1936. Il cultive par la suite des relations d’amitiés ou de famille avec des membres de la Cagoule. Le 15 octobre 1942, il est reçu par le maréchal Pétain, avec plusieurs responsables du Comité d’entraide aux prisonniers rapatriés de l’Allier.

  3. Un Front populaire dont la nouvelle NUPES se veut l’héritière, et ils ont osé…… et ils l’ont fait ! une HONTE !

  4. Merci de rappeler la véritable Histoire. Je m’étonne que la Droite ou les media (CNews, Europe1, JDD, VA,..) ne se serve pas de ces réalités, à savoir, que Pétain était dans un gouvernement de gauche, que Maurice Thorez et ses communistes ont collaboré avec HItler jusqu’en 42, que nazi signifie national-SOCIALISTE, donc gauchiste, et que les premiers résistants en 40 étaient les jeunes d’extrême-droite (ce que répétait le chanteur Philippe Clay, qui en faisait partie, dans les années 70)

  5. Dommage que nous n’ayons pas, en France, le calme pour analyser notre histoire.
    L’article est intêressant,certes, mais pas vraiment à l’ordre du jour.
    Il pose en revanche la question du « Maréchal Pétain »qui devra bien, un jour, être analysée calmement, intelligement et historiquement.
    Merci à ce monsieur de l’avoir posée ainsi et présentée de cette façon mais il y aurait tant à dire et plein de choses qui ne seraient pas à la gloire de la France ni surtout de l’autoproclamé « plus grand des français » .
    Tout cela n’est pas d’actualité mais j’aimerais, avant de mourir, voir ce sujet enfin traité de façon intelligente, en suivant une méthode vraiment d’historien, en oubliant la politique qui a bien peu à voir à ce stade d’ignorance .

  6. Ecrasante majorité du vote, c’est exact. Ceci dit, malgré quelques satisfecits quand à la « bataille des idées » _ le magistère de la « bien-pensance » reste à gauche ( on voit certains footballeurs,  » artistes » subventionnés, syndicats subventionnés etc ). La gauche reste associée à la justice sociale ; mais… elle autre chose aussi, et là, c’est occulté ( historiquement ). Plus près de notre époque, elle s’est wokisée et travaille même à tellement de bouleversements « sociétaux » _ qu’ils appellent progrès_ que, à part eux, peu de gens s’y retrouvent vraiment…

  7. Oui… Tandis que les communistes étaient alliés avec les nazis, et que les magistrats prêtaient tous serment à
    Pétain ;sauf UN… mais oui.
    Pendant ce temps les fameux fachos d’extrême droite rejoignaient le Général pour poursuivre la guerre avec la France Libre.
    Il serait bon de rappeler l’histoire de ces grands démocrates de gauche ;quelle honte !

  8. Décidément on sert Pétain à toutes les sauces, la LFI a lancé le bal, ça lui revient dans les gencives. On pourrait également évoquer Mitterrand ou Jaurès, tous deux ont été de droite et parfois pour l’un des deux de droite extrême avant de virer socialistes. Opportunisme, convictions, peut-être un peu des deux? Pétain a été une gloire puis une honte. Mais les deux autres ont également leur part d’ombre. S’y référer sans cesse tient plus de la bêtise que de l’avis éclairé. Laissez les morts en paix mesdames et messieurs les candidats et préoccupez vous des vivants et de l’avenir de notre pays puisque vous prétendez vouloir y définir les lois.

  9. De même que le PC a trahis la France à cette époque en se soumettant aveuglément à Staline, ce qu’il reste du PC aujourd’hui, se renie et trahit une nouvelle fois, en se ralliant à Mélenchon, l’antisémite. Le nouveau Laval…

    • Vous oubliez que de gaulle aussi s’est soumis à Staline. Mais çà les français veulent l’oublier.

      • De Gaulle ne s’est jamais soumis à Staline. Il a joué la carte Staline pour faire contrepoids à l’ostracisation dont il faisait l’objet de la part de Roosevelt et des américains…

  10. LFI, cette nouvelle nupes appelée front populaire il me semble, est bien pire que Pétain ! Les actions criminelles de Pétain se sont déroulées dans un contexte d’occupation nazi de la France, alors que la nouvelle peste brune est née en France et, cerise sur le gâteau, engendrée par l’extrême gauche autoproclamée humaniste !

    • Mais pas immoral de bâtir une vérité qui n’a jamais été. Comme le sauveur de la France depuis Londres. Ou le bradeur d’une partie de la France. Ca aussi, il faudra le dénoncer

  11. De même que le nazisme est la contraction de « national-SOCIALISME »! Histoire de France falsifiée, Pétain bouc émissaire qui arrange bien les truqueurs d’aujourd’hui !

  12. Ces quelques lignes démontrent sans conteste l’ignorance crasse des composants de la gauche actuelle.

      • Le bulot c’est bon avec une mayo a l’estragon faite maison.
        Par contre en ce qui concerne l’intelligence d’une partie des français ce serais plutôt celle du poisson rouge tournant en rond dans sont bocal posé sur le buffet.

  13. A vichy on mote des monuments aux 80 parlementaires qui ont voté contre mais on ne vous dit jamais combien furent par la suite des résistants effectifs; une petite minorité. En tout cas moins que les 1er résistants qui furent de droite.

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