[HISTOIRE] Saint Hilaire, le « Rhône de l’éloquence latine »

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Chaque 13 janvier, les Poitevins honorent la mémoire d'une figure chère à leur cœur et à leur histoire locale : saint Hilaire, premier évêque de Poitiers. Personnage central dans la christianisation du Poitou, il a également marqué toute la Gaule par son héritage théologique et l'enseignement qu'il a transmis à ses disciples. Sa vie, également marquée par des combats religieux contre les hérésies, a profondément façonné l'histoire religieuse et culturelle de Poitiers, mais aussi celle de toute la chrétienté.

Des origines gallo-romaines à la conversion au christianisme

En 315, dans une Gaule en plein bouleversement, naît à Poitiers un jeune garçon nommé Hilaire. Issu d'une famille aristocratique gallo-romaine, ce dernier bénéficie d'une solide éducation en rhétorique et en philosophie. D'abord païen, Hilaire découvre les Évangiles à la faveur de l'édit de Constantin, qui met fin aux persécutions contre le christianisme. Fasciné par cette nouvelle foi qui gagne chaque jour de nouveaux adeptes, il ose demander le baptême vers 345, entraînant son épouse et sa fille dans cette démarche. Son érudition et son charisme font alors de lui une figure respectée parmi les fidèles de Poitiers, qui décide de le choisir comme évêque vers 350. Cette élection par acclamation, Vox populi, vox Dei, typique des débuts de l'Église, témoigne ainsi de la ferveur populaire à l'égard de cet homme reconnu pour sa sagesse.

Le combat contre l'arianisme

À peine élu, Hilaire se retrouve confronté à un défi de taille : l'arianisme, une hérésie niant l'égalité du Père et du Fils dans la Sainte Trinité. Fidèle au concile de Nicée de 325, Hilaire s'oppose ainsi fermement à cette doctrine qui gagne du terrain grâce au soutien de certains empereurs et évêques. Son combat pour la vérité trinitaire lui vaut alors son excommunication et son exil jusqu’en Phrygie (actuelle Turquie), où malgré sa défaite, Hilaire continue le combat par l'écriture. Ainsi durant son exil, notre évêque poitevin écrit de nombreux ouvrages majeurs comme De Trinitate, où il réfute les thèses ariennes, ou encore De Synodis, destiné à clarifier les débats théologiques pour les évêques gaulois. À son retour en Gaule en 360 et fort de son influence, il contribue à la destitution des évêques ariens et à la consolidation du christianisme nicéen en Occident. L’historien Sulpice Sévère affirme ainsi à son propos : « C’est à lui seul que la Gaule dut d’être délivrée de la souillure de l’hérésie. »

Un bâtisseur et un éducateur spirituel

L’œuvre d’Hilaire ne se limite pas à la théologie. En effet, lors son épiscopat, il consolide l'Église locale en structurant le clergé et en encourageant la construction de lieux de culte. Certains vont même jusqu'à spéculer que c’est à son initiative que le baptistère Saint-Jean de Poitiers, l'un des plus anciens édifices chrétiens encore debout en France, fut ainsi bâti. Hilaire s'illustre également par son rôle d'éducateur spirituel. Ses écrits, comme son Commentaire sur l'Évangile de Matthieu ou son Hymnaire, permettent de rendre plus accessibles les enseignements du Christ tout en enrichissant la liturgie chrétienne. Ces écrits mais aussi la force de sa parole, valent alors à saint Hilaire d’être surnommé par saint Jérôme « le Rhône de l’éloquence latine ». Cette érudition attire également nombre d’élèves et de disciples auprès de l’évêque de Poitiers. Parmi eux, un jeune baptisé nommé Martin, fraîchement sorti de l’armée romaine, qui trouve en Hilaire un précieux mentor qui le conforte dans sa vocation.

L'héritage durable d'un saint visionnaire

Épuisé par une vie de combats et de luttes incessantes, Hilaire s’éteint en 367 à Poitiers, à l’âge de 52 ans. Très vite, son tombeau devient un lieu de pèlerinage sur lequel une église est érigée et prend le nom de Saint-Hilaire-le-Grand. Avant l’incendie qui failli faire disparaître l’édifice en octobre dernier, c’est dans une petite crypte située sous le chœur que reposaient les reliques de celui fut proclamé Docteur de l’Église par Pie IX en 1851. Mais au-delà de ces bâtiments, des écrits et des trésors de piété, le plus grand héritage de saint Hilaire à la France fut sans nul doute son plus grand disciple : saint Martin de Tours, l’apôtre des Gaules. L’ancien professeur de lettres de Poitiers, Prosper Boissonnade disait ainsi : « Quand saint Hilaire mourut, le prestige de l’église de Poitiers était fondé pour des siècles. Le sanctuaire qu’on lui éleva dans la suite n’eut d’égal dans la vénération des fidèles que celui de son propre disciple, saint Martin de Tours, dont il avait eu le mérite de susciter et d’encourager la vocation ».

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

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