Hommage à Philippe de Gaulle, héros français : pas de Panthéon pour « Sosthène » ?
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L’amiral de Gaulle (1921-2024) est mort dans la nuit du 12 au 13 mars. La lignée du Général ne s’éteint certes pas avec lui, mais avec lui s’éteint la trace visible de l’épopée de la France libre. Le seul fils de Charles de Gaulle était né au moment où son père, obscur officier d’infanterie mais déjà très conscient de son destin, attendait que les circonstances eussent besoin de lui. Le grand Charles voulait pour lui une carrière diplomatique, mais l’appel de la mer, appuyé par les circonstances, fut plus fort. Admis à l’École navale, il s’embarque en famille pour l’Angleterre puis, après avoir été matelot et pompier dans la marine de la France libre, fait une rapide formation sur les navires français. Il est l’un des premiers, sinon le premier, de la poignée de braves qui rejoignit le Général en juin 40. Il le fit par piété filiale, par admiration, par amour, mais sans le moindre calcul. Philippe de Gaulle, jeune enseigne de vaisseau, se forme à Dartmouth, à l’École navale britannique, puis fait une guerre magnifique, sur des navires bien sûr, mais aussi sur hydravion et même sur terre, participant à la libération de la France (dont celle de Paris), à la tête du premier peloton du premier escadron du régiment blindé de fusiliers marins, qu’il mènera sous le feu, d’Alençon à Berchtesgaden. Sous ses ordres, parmi d’autres, le second maître Alexis Moncorgé, dit Jean Gabin, un autre héros mutique.
Beaucoup de talents
Blessé six fois, Légion d’honneur, instructeur parachutiste, pilote de chasse, pilote d’hélicoptères (un des premiers de l’armée française), héros de l’Indochine (en avion), de l’Algérie et de Suez (en hélico), Philippe de Gaulle assiste à la prise de pouvoir de son cher père en 1958. Celui-ci a une véritable affection pour son admirable fils, qu’il voit bien lui succéder un jour à la tête du pays (il l’écrira à plusieurs reprises, y compris à l’intéressé). Mais voilà, on évite les embrassades et les renvois d’ascenseur : on est chez les de Gaulle, dans une famille où les enfants n’avaient – disait l’amiral - « jamais vu [leur] père en pyjama » et où, pour ne pas être accusé de népotisme, le général ne fit pas de son fils, pourtant plus que méritant, un compagnon de la Libération. Le capitaine de vaisseau de Gaulle deviendra amiral par ses propres forces, non seulement sans un coup de pouce, mais aussi au milieu d’une adversité solide dans un milieu militaire de plus en plus antigaulliste. À la retraite, il deviendra, sur le tard, sénateur de Paris. En parallèle – nous parlions hier des polymathes -, il est écrivain (notamment sur son père), peintre, sculpteur, affichiste, décorateur, maître tapissier – tout cela avec beaucoup de talent : pour les curieux, ses œuvres sont visibles sur Internet. On lui doit le dessin de pièces de monnaie, de billets de banque, du logo de la Société nationale de sauvetage en mer ainsi qu’un grand nombre de toiles, maquettes, tapisseries, décorations dont le talent a été unanimement salué. Pas trop mal, non ?
Michel Audiard (dans « Vive la France ») faisait de lui le plus évident des futurs Présidents français. Il n’en a pas été ainsi : la France aime la monarchie, mais seulement quand on fait semblant de lui cacher les successions dynastiques. Philippe de Gaulle méritait un destin, mais il ne fallait qu’un de Gaulle par siècle. Comble de pudeur, quand il militait pour son père, c’était sous pseudo : membre du service d’ordre du RPF, il était « Sosthène », en hommage à Sosthène de La Rochefoucauld, fidèle de Charles X. Aussi admirable que discret, une fois de plus.
Bon, et maintenant, quel hommage ? Un tour de passe-passe pour le faire compagnon à titre posthume ne serait pas inenvisageable. La République n’a pas de telles pudeurs. Le Panthéon ne serait pas impossible non plus, mais l’austère simplicité romaine de la famille de Gaulle s’en accommoderait mal. En attendant, contentons-nous, comme à la fin d’un film de Schoendoerffer, de saluer respectueusement et silencieusement l’amiral, qui quitte le bord.
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28 commentaires
Vous ne croyez pas que vous faîtes un peu trop…
Ne pas confondre gigantisme et grandeur comme le disait si bien Jean Anouilh.
Personnellement, considérant le père et compte tenu de ses ambiguïtés, des coups tordus, de sa gestion de la guerre d’Algérie et de l’abandon des harkis et des pieds-noirs et même s’il a eu d’un autre côté des actions positives, je préfère largement le fils au Père, sa personnalité droite et les actions méritoires de toute sa vie militaire et civile. Hommage à cet homme qui a vécu dans l’ombre, dans la droiture et la dignité.
Moi j’admire le père .