Hommage national au chevalier de Saint-George, génie oublié

Longtemps oublié des mémoires nationales, le chevalier de Saint-George, né sous le nom de Joseph de Bologne en 1745, a reçu un hommage appuyé à Paris, ce 27 avril 2025, à l'occasion du 280e anniversaire de sa naissance. Compositeur virtuose, escrimeur hors pair, officier engagé pour la liberté, ce métis guadeloupéen incarne la richesse et les contradictions de son siècle. La cérémonie a souligné non seulement son parcours exceptionnel mais aussi son rôle dans le lien historique qui unit la France à ses territoires ultramarins.
Une jeunesse brillante sous l'Ancien Régime
Joseph de Bologne est le fils d’un riche planteur, Georges de Bologne, et d’une esclave africaine. Il est reconnu par son père et est emmené très jeune en France. Arrivé à Paris, il y reçoit une éducation d’élite, imprégnée par l'esprit des Lumières. Le jeune Joseph étudie ainsi les lettres, les sciences et se distingue très tôt en escrime. Il excellera tant dans cet art qu'il deviendra l'une des plus fines lames d'Europe, capable de rivaliser avec d'autres maîtres comme le mystérieux chevalier d'Éon.
Cependant, outre ses prouesses martiales, celui qui se fait désormais connaître sous le nom de chevalier de Saint-George révèle aussi des talents musicaux exceptionnels. Virtuose du violon et compositeur accompli, il écrit, entre 1771 et 1789, pas moins de six opéras et dirige de prestigieux orchestres parisiens. Sa popularité croissante en fait ainsi l’un des favoris de la reine Marie-Antoinette, qui souhaite le nommer directeur de l’Académie royale de musique - l’actuel Opéra de Paris. Malheureusement, malgré son statut et sa reconnaissance auprès de la cour, Saint-George reste pour certains un mulâtre et son ascension fulgurante est empêchée.
Le combattant de la liberté sous la Révolution
À l’aube de la Révolution en 1789, Joseph de Bologne embrasse avec enthousiasme les idéaux de liberté et d'égalité, comme nombre d'autres pour qui l’Ancien Régime était un obstacle à leur juste ascension. En 1792, il s’engage dans les guerres révolutionnaires au nord de la France et prend la tête de la « Légion franche des Américains », également appelée « Légion Saint-George », composée principalement de soldats noirs et métis.
Cependant, la défection du général Dumouriez, commandant des armées du Nord et qui rejoint les ennemis de la Révolution en 1793, jette le soupçon sur ses officiers. Saint-George est alors arrêté et emprisonné. Après un an de détention, il finit par être libéré, mais il est renvoyé de l’armée par crainte qu’il ne soit en réalité un agent royaliste. Dès lors, sa trace devient plus incertaine, pour les historiens : certains suggèrent qu’il aurait tenté de rejoindre Saint-Domingue pour prêter-main forte à Toussaint Louverture. Ce qui est sûr, c'est qu’il décède à Paris le 12 juin 1799, mais sa tombe, ce dernier lieu de repos, ne fut jamais retrouvée. L'absence de sépulture fit alors sombrer peu à peu dans l’oubli le souvenir du chevalier de Saint-George, jusqu'à aujourd'hui.
Paris rend hommage au chevalier
Afin de « réparer un oubli de l’Histoire » et de « saluer un homme dont la vie est un hymne à la République universelle », selon les mots de Manuel Valls, une cérémonie officielle a été organisée par le ministère des Outre-mer. Une plaque commémorative a été inaugurée au 49, rue Saint-André-des-Arts, ancienne demeure parisienne du chevalier de Saint-George.
L'ancien Premier ministre de François Hollande a souligné le talent protéiforme du personnage, selon le média Outremers360 : « Le commémorer, c'est faire surgir du passé une parole d'avenir, c'est redonner une voix à un récit enfoui, à une mémoire effacée. La vie du chevalier est une singularité de l'Histoire, il a défié son siècle, il s'est imposé comme un grand escrimeur, un militaire de rang, un musicien et un compositeur de génie. Nous honorons un homme singulier mais aussi un héritage, celui des cultures ultramarines qui, longtemps, n'ont pas eu voix au chapitre. »
Rendre hommage au Chevalier de Saint-George, c’est faire surgir du passé une parole d’avenir. C’est redonner une voix à un récit enfoui, à une mémoire effacée.
À travers cette plaque, nous honorons un homme singulier donc, mais aussi un héritage : celui de cultures ultramarines. pic.twitter.com/9xPtV08NOJ
— Ministère des Outre-mer (@outremer_gouv) April 28, 2025
Pour Claude Ribbe, conseiller d’arrondissement et auteur du Chevalier de Saint-George (Perrin), ainsi que du pamphlet Le Crime de Napoléon, comparant l’Empereur à Hitler, « l'histoire est complexe. Saint-George est le fruit de cette complexité, de cette contradiction, mais le métissage [...] est une richesse, c'est notre richesse française. Ce n'est pas seulement une mémoire de Saint-George, c'est aussi pour rendre justice aux 200.000 Ultramarins qui vivent à Paris et dont on ne parle jamais ou plutôt dont certains ne parlent qu'au moment des élections. » Mais en réduisant Joseph de Bologne à sa seule couleur de peau, Claude Ribbe atténue la portée véritablement universelle du destin du chevalier de Saint-George, qui fut avant tout un génie de son siècle, admiré même par une reine de France, indépendamment de ses origines.

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2 commentaires
D’après ce qui est dit dans l’article, le chevalier de St Georges aurait donc pâti davantage de la république que de l’ancien régime… Etonnant, non?
Si je ne fais pas erreur ,le père D’Alexandre Dumas,le Général Dumas Davy de la Paillerie,lui aussi metis,,a combattu aux côtés du Chevallier de StGeorges pendant la Révolution.