Houellebecq : un pape du rire
Les propos de Houellebecq, sur la religion catholique, dans la revue First Things, façon « vieux pochard au bec en zinc » de Pagnol, montrent, si besoin était, que notre coqueluche nationale est un vrai pince-sans-rire. Mieux : un pape du rire. Le sourire de Desproges nous en aurait convaincus, sur scène, si besoin était.
Après un avis intéressant sur Zemmour, « réac, catho, non chrétien », avatar du jésuite Naphta dans La Montagne magique, Houellebecq papillonne sur tout : anglicanisme, rendez-à-César, foi du charbonnier, Pascal, en disant, sans le vouloir, des billevesées. C’est que n’est pas « neveu de Rameau » qui veut. Notre fringant remarié cherche une voie médiatique nouvelle : la politique ? Et si c’était à lui que « pape François » devait faire appel pour régénérer l’Église en crise ? Pour Houellebecq, l’Église ne peut-elle pas retrouver sa splendeur ?
Il faut dire que Houellebecq tient des propos canon. Jugeons plutôt. L’Église devrait limiter ses interventions et ne pas s’immiscer dans « des domaines qui ne sont pas de son ressort : la recherche scientifique, le gouvernement des États, l’amour humain ». Elle devrait faire taire sa manie « d’organiser des conciles » qui déclenchent des schismes, « renoncer aux encycliques, mettre un frein à son invention doctrinale comme le dogme de l’Immaculée Conception et l’infaillibilité pontificale… qui heurtent trop la raison, gros animal paisible », accorder plus d’importance au ressenti qu’à la raison. Bannir le protestantisme. Faire du pentecôtisme. Retrouver la foi du charbonnier. Renoncer à sa prétention universelle et imiter « la modestie orthodoxe ». Et même s’intégrer à l’orthodoxie ce qui demanderait du temps. Le Filioque ? Bagatelle ! C’est bien vu, drôle, génial, énorme : Houellebecq tient là son meilleur rôle.
Notre romancier doit son succès hexagonal à sa « vision décapante de la société » : pipes taillées dans les rues obscures, description puissante des matelas, style dépourvu (volontairement) de saveur, jeu « décalé » entre conformisme et transgression. Ainsi s’encanaillent, en le lisant, les épouses catholiques, heureuses du salut final, possible, du héros. Feu Jean d’O disait : « Un éditeur et un lecteur vont toujours aux pages de c... » Pas que. Récemment, à l’opéra de Carmen, un mâle tout nu, bien outillé, faisait tourner, dans le noir, sous un spot, sa virilité impeccable. Et les spectateurs de se demander : pourquoi diable cet Apollon traverse-t-il la scène, sans mot chanter, pour disparaître comme il est venu ? Pour une marque de sous-vêtements ? Une exhibition de la pudeur ?
À partir d’un certain âge, le sexe est mollasson. Le désespoir perd sa profondeur. Comme dirait Bardamu dans Voyage, évoquant la lettre de Montaigne à sa femme pour la mort de leur fille : « C’est du désespoir d’époque. » Ici, du « malconfort » bobo. L’auteur le sait mieux que personne.
Et de citer Dostoïevski : « S’il faut choisir entre le Christ et la vérité, je choisis le Christ... », précisant : « en version française nous avons Blaise Pascal ». Géniale, cette phrase, dirait Luchini, pour qui est géant Bossuet, que le regretté Lagerfeld lui avait fait découvrir. Le mélange des genres, c’est porteur. Nul doute qu’après la Légion d’honneur, Houellebecq revêtira tout bientôt l’habit vert.
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