Ignorance, illettrisme et mauvais classements : pour poursuivre le débat et l’inventaire
Boulevard Voltaire publie, depuis quelques jours, des extraits d’un livre de monsieur Casali qui touchent parfois à l’éducation en France, mais qui, s’ils ne sont pas dénués de logique, me paraissent étrangement entretenir la mauvaise conscience que nos deux derniers gouvernements idéologues donnent aux Français. Tout d’abord, sur le thème de l’ignorance de nos jeunes lecteurs : de mon point de vue, il ne me semble pas que les romans pour adolescents qui fleurissent aujourd’hui creusent un fossé avec les anciennes générations. Au contraire. Si les anciens ne lisent pas Harry Potter ou Cherub, cela n’empêche pas d’échanger avec les jeunes lecteurs de ces romans sur les questions de l’importance de l’amitié ou de la difficulté à trouver sa place dans la société, ni d’évoquer Montaigne et La Boétie ou encore la légende arthurienne. Certains anciens ne connaîtront peut-être pas Le Génie du christianisme de Chateaubriand, mais auront pu lire Le Sopha de Crébillon : cela les empêchera-t-il pour autant de discuter avec les lecteurs de Cicéron ou de Démosthène ? D’autant que les problématiques humaines et les enjeux se réduisent à peu de thèmes, toujours les mêmes, d’une civilisation à l’autre, d’une époque à l’autre : la vie, la mort, l’amour, la foi, la perte, la survie, la souffrance… On perd peut-être de vue aujourd’hui les textes anciens car nous vivons à une époque où l’on considère que l’on peut "plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?/Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau".
Mais nous sommes toujours obligés, et nous le serons davantage encore dans les années à venir, de nous tourner vers les Anciens pour enrichir nos propos et nos productions, sentir que nous faisons partie d’une famille de pensée et de cœur qui ne date pas d’hier et qui se poursuivra demain. C’est une sorte d’instinct de conservation. D’ailleurs, les jeux de rôle qui continuent de foisonner aujourd’hui permettent de s’immerger dans une atmosphère différente de la réalité, de plonger dans un monde post-apocalyptique, féerique ou fantastique à partir de romans ou de films qui font référence ou, au contraire, de reconstituer un cadre de vie historique le plus près possible de la réalité (à partir des dernières données historiques).
Sur le thème de l’illettrisme, ensuite, il convient d’attirer l’attention sur un phénomène inquiétant et que l’on n’a pas encore, semble-t-il, quantifié : l’illettrisme des cadres. Nos supérieurs hiérarchiques sont parfois plus ignares que nos élèves ou nos ouvriers et il faut commencer par le rappeler à monsieur Macron : constamment occupés à trouver la personne qui se chargera de rédiger les comptes rendus, certains cadres finissent par perdre totalement le contact avec l’écriture et c’est une souffrance pour certains d’entre eux.
Enfin, nous devrions peut-être arrêter de vouloir nous comparer entre pays. Les classements, PISA par exemple, sont finalement profondément injustes et inadéquats. En matière d’instruction, chaque nation a ses propres critères d’exigence en fonction de ses propres besoins et de sa propre histoire. Cultivons les différences et ne cherchons pas à nous uniformiser : certaines nations ont davantage de facilités en mathématiques que la nôtre ? C’est très bien car cela ne nous empêchera ni d’être meilleurs dans une autre discipline ni de produire éventuellement un jour un petit génie des mathématiques. Posons-nous la seule vraie question : de quelles connaissances nos élèves français ont-ils besoin ou quelles connaissances souhaitons-nous leur transmettre pour en faire des personnes humaines libres et non des robots à produire ?
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