Il y a 100 ans : la loi des huit heures de travail par jour
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Approuvée le 17 avril 1919 par la Chambre des députés, la loi fixant le temps de travail à huit heures par jour pendant six jours, soit 48 heures par semaine, est approuvée le 23 avril suivant par le Sénat.
Pourquoi voter à cette date-là cette vieille revendication ouvrière ? Parce que Georges Clemenceau (1841-1929), qui était certes de gauche, mais foncièrement antibolchevique, ne souhaitait pas qu’une vague rouge vienne submerger la France. Après avoir vu les soubresauts de l’après-Guillaume II en Allemagne et déjà mesuré toute la portée politique, économique et sociale de la dictature du prolétariat en Russie, le Tigre entend préserver le pays d’une énième révolution. Déjà exsangue, le pays n’a pas besoin d’un fardeau supplémentaire. De plus, en accordant aux ouvriers les « 3 x 8 », c’est-à-dire huit heures de travail, huit heures de loisirs et huit heures de sommeil, il tue dans l’œuf les velléités de la CGT d’appeler à la grève générale le 1er mai suivant.
Portée par le député du Rhône et ministre du Travail Pierre Colliard (1852-1925), la loi des huit heures s’inscrit dans la suite logique des dispositions précédentes : le décret de 1848 limitant à 12 heures la journée de travail, la loi de 1892 réduisant le temps de travail des femmes et des enfants, et celle de 1900 réduisant le temps de travail à 11 heures par jour, celle de 1906 définissant le repos hebdomadaire. Dès la fin de la guerre, Pierre Colliard ordonne une enquête aux échelles nationale et internationale, en faisant appel aux inspecteurs du travail et aux ambassadeurs. Il s’inspire aussi des travaux de l’Association nationale française pour la protection légale des travailleurs (APLT) et de la conférence de Leeds réunie en juillet 1916, qui prônent l’inscription de la question de la réduction du temps de travail dans les traités de paix et la mise en place de conventions signées par différents pays .
D’ailleurs, cette disposition des huit heures figure dans le traité de Versailles, ce dont se réjouit Marcel Sembat (1862-1922), député SFIO de la Seine, qui pourtant s’interroge en une de L’Humanité du 18 avril 1919 : « Les huit heures, et après ? »
Concrètement, cette loi fixe le temps de travail à 48 heures par semaine maximum, disposition toujours en vigueur un siècle plus tard, « dans les établissements industriels et commerciaux [...] de quelque nature qu’ils soient, privés ou publics, laïques ou religieux, même s’ils ont un caractère d’enseignement professionnel ou de bienfaisance ». Mais déjà des voix se font entendre pour étendre ces dispositions aux ouvriers forestiers, agricoles et viticoles…
Surtout, l’instauration des 48 heures s’effectue sans réduction de salaire pour l’ouvrier. Cette disposition est l’œuvre du député de la Loire non inscrit Aristide Briand (1862-1932), qui a déposé un amendement que cosigne son collègue Alliance démocratique de la Loire-Inférieure, Gabriel Guist'hau (1863-1931) : « La réduction des heures de travail ne pourra être une cause déterminante de la réduction des salaires. Toute clause contraire est nulle et non avenue. »
Cette loi reste en vigueur jusqu’au Front populaire, qui instaure la semaine de 40 heures et deux semaines de congés payés.
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