Il y a 40 ans, Jean-Marie Le Pen crevait l’écran à L’Heure de vérité

Ce qui n’a pas davantage changé, c’est la clairvoyance de l’invité en matière migratoire
Jean-Marie Le Pen

C’était il y a quarante ans, le 13 février 1984, sur Antenne 2, qui ne s’appelait pas encore France 2. Les moins jeunes de nos lecteurs doivent encore s’en souvenir. Ce soir-là, un certain Jean-Marie Le Pen avait, pour la première fois de sa carrière, les honneurs de L’Heure de vérité, l’émission politique la plus prestigieuse de l’époque.

Et ce qui aurait pu n’être qu’un moment télévisuel anodin devient un coup de tonnerre médiatique. À l’époque, tout l’état-major du Front national tient dans un trois-pièces du 11, rue Bernoulli, dans le huitième arrondissement parisien. Dès le lendemain, ses deux malheureuses lignes téléphoniques sont au bord de l’implosion. On fait la queue pour adhérer. La province n’est pas en reste, malgré une implantation des plus modestes. Bref, une étoile est née.

Certes, le FN avait déjà commencé un début de percée électorale, à Aulnay-sous-Bois (93) ou Dreux (28). Pour les rares clampins qui connaissent le nom de Le Pen, son image renvoie à celle du reître avec bandeau sur l’œil, à l’élection présidentielle de 1974. Mais cette émission change définitivement la donne. Son public d’avant ? Celui de meetings aux rangs clairsemés, ne rassemblant que sympathisants radicaux de longue date acquis à sa cause. Mais là, c’est pour la première fois au grand public qu’il s’adresse.

Et puis, il y a les élections européennes…

La preuve : quatre mois plus tard, le Front national recueille 10,95 % des voix aux élections européennes, talonnant ainsi le PCF (11,20 %). Bref, la vie politique ne sera plus jamais comme avant, le FN, avant de devenir RN, commençant à passer de jeune pousse à valeur sûre, d’opposition symbolique à force de gouvernement. Pour ce faire, il aura fallu quarante ans, mais tout aura symboliquement démarré ce jour-là.

Paradoxalement, et à revoir ce moment mythique, on constate, en revanche, qu’autre chose n’a pas changé depuis : l’obsession de ces journalistes à toujours vouloir tout ramener aux questions du racisme et de l’antisémitisme. Lors de cette Heure de vérité, Jean-Marie Le Pen doit donc rappeler que son nom était inscrit sur les monuments aux morts, alors que celui d’un Georges Marchais ne l’est que sur les fiches de paye des usines Messerschmitt, en Allemagne. Un demi-siècle plus tard, sa fille est encore tenue de se justifier de ces mêmes procès en sorcellerie.

Quant au mépris de classe, il est déjà là, lui aussi. Il suffit de voir le masque, à la fois mondain et suffisant, d’un Jean-Louis Servan-Schreiber, en costume sur mesure, tenter d’en tailler un à Jean-Marie Le Pen, dont le tailleur, lui, est manifestement un brin moins riche. D’où le renvoi du gandin dans ses cordes par le Menhir lui accordant que pour « élégant et feutré », son « inquisition politique » n’en est pas moins réelle.

Ce qui n’a pas changé non plus, c’est la clémence du microcosme politico-médiatique quant aux morts du communisme. La preuve par cette minute de silence improvisée, histoire de célébrer les victimes du goulag. Là, tout le monde est pris de court sur le plateau, comme elle le serait encore aujourd’hui ; et la séquence devient illico mythique.

Un visionnaire en matière d’immigration

Ce qui n’a pas davantage changé, c’est la clairvoyance de l’invité ; en matière migratoire, surtout. Jean-Marie Le Pen dénonce, avec quelques décennies d’avance, cette politique visant à importer de malheureux immigrés, histoire de tirer à la baisse le salaire des travailleurs français. Reconnaissons qu’en leur temps, Jean Jaurès et la CGT ne disaient pas autre chose. Mais le « petit plus » lepéniste consiste à évoquer l’explosion démographique du sud de l’Europe ; sujet désormais central du débat public.

Bref, ces propos tenus il y a quarante ans n’ont jamais été autant d’actualité. Et dans le registre de la clairvoyance, on peut encore se rapporter à ce débat plus récent l’ayant opposé, le 15 mars 2018, à Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics.

Là encore, un Jean-Marie Le Pen visionnaire à propos de l’explosion migratoire à Mayotte, pour laquelle il entend déjà remettre en cause le droit du sol. Ce qui révulse, à l’époque, le jeune clone de Nicolas Sarkozy, alors que le même se targue maintenant de mettre en place semblable mesure dans cette île ultramarine.

À l’heure où ces lignes sont écrites, on peut mesurer le chemin parcouru en termes de lepénisation des esprits. Certes, on a souvent tort d’avoir raison trop tôt. Mais à force d’insister, on finit toujours par avoir raison, tout en espérant qu’il ne soit pas trop tard. Un jour viendra peut-être où les Français se rendront compte de tout ce qu’ils doivent, à leur corps défendant ou non, qu'ils l'aiment ou le détestent, à Jean-Marie Le Pen. Voilà qui ne serait que justice.

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Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

48 commentaires

  1. Continuons, continuons à tirer la charrue Le Pen et puis labourons les bonnes terres de France…!
    Nous gagnerons dans l’effort, et seulement à ce prix… courage à tous, et surtout n’oublions pas de voter à toutes les élections…!

  2. Cher monsieur Gauthier, ne pensez vous pas, un petit peu au moins, qu’aujourd’hui c’est Zemmour qui a tort d’avoir raison trop tôt ?

  3. Plus crues et pertinentes que celles de sa fille, les interventions de JMLP ont ceci de remarquable qu’avec l’âge elles se bonifient . Quand le cru est bon, quarante ans de cave lui donnent d’extraordinaires qualités de clairvoyance .

  4. Pas que en 1984 dès les années 70 Monsieur Le Pen nous annonçait déjà la catastrophe que nous vivons à l’heure actuel alors que la gauche avec le gouvernement regarde ailleurs et quant le sol tremble sous leur pieds alors ils vont de leur belles promesses qu’ils se gardent bien d’oublier le lendemain ou a l’extrême une jolie entourloupe avec l’aide du conseil constitutionnel. Évidement pour beaucoup ces bien pensants étaient encore en culotte courte voir même pas encore sorti de l’oeuf.

  5. Je me flatte – oui, je me flatte – d’avoir très tôt voté Le Pen et quand bien même on me disait « avoir peur de moi ». Mais je pense que la fille ne vaut pas le père et si je vote RN, c’est par défaut.

    • Ralphe, le père de MLP a ouvert la voie… Sa fille continue, et c’est ni facile, ni gagné.
      Il y a encore beaucoup à faire, surtout qu’on va se retrouver avec une dette, dans 3 ans, de 4.250 milliards €… Alors, s’il vous plaît,Ralphe, ne baissez pas les bras et restez avec nous pour continuer à travailler dans le bon sens… rien n’est parfait, et c’est difficile de plaire à tout le monde.
      On va commencer par le 9 Juin, et après, nous n’en serons qu’au début du vrai boulot, maintenant qu’on annonce la possibilité de succès de Marine Le Pen… courage et bonne humeur !!!

  6. C’est vrai qu’il a été visionnaire . Dommage qu’il n’ai pas cru lui même en son étoile. Il a preferé être le poil à gratter de la politique. C’est sa fille qui s’y colle.

  7. Il n’y a pas que lui, mais aussi P. De Villiers ! Il est bon de repasser ces moments d’anthologie ! Ce qui vaut à Cnews une mise au ban par RSF et le conseil d’Etat !

  8. Je voue à monsieur Jean Marie Le Pen, une véritable vénération, certainement un des plus grands hommes politiques Français. Homme de grande culture qui fait honte à notre pauvre classe plolitique actuelle qui, faut bien l’avouer, me fait honte. Longue vie à vous monsieur Le Pen.

  9. Lui s’inquiétait de l’immigration, sa fille parle de pouvoir d’achat, d’avortement dans la constitution et rend hommage à Badinter (ce dont sa famille lui est très reconnaissante…).

  10. Il l’a oublié mais en 1973 il y a un demi-siècle, quand Jean-Marie Lepen prenait la tête du Front National, Zemmour avait quinze ans. En 1981 et 1988, il votait pour François Mitterrand et en 2002 il votait pour Chirac contre le même Jean-Marie Lepen, en se bouchant le nez comme un quelconque bobo-sciences-po parisien.

    • Vous avez tout à fait raison et il est bon de le rappeler ; à présent ,et comme beaucoup , Z reprend les idées de JMLP , se faisant passer pour le visionnaire qu ‘ il n ‘est pas

  11. Excellent article qui rend hommage à un homme qui , visionnaire , a eut le mérite de nous avertir des dangers que nous subissons aujourd’ hui ; JMLP n ‘était pas parfait , mais qui l ‘est ? écrase par son fin sens politique , son aisance ,sa culture , son patriotisme toute cette cour des miracles qui tient lieu de gouvernement et autres politicards imposteurs ; ah ! si on l ‘ avait écouté et suivi au lieu de le trainer dans la boue , on aurait évité cette descente aux enfers ! MLP a pris la relève avec le succès que l ‘ on sait , souhaitons lui de concrétiser …

  12. Que ne l’avons nous pas écouter et suivi à l’époque . Par contre aujourd’hui celui qui se rapproche de lui par sa clairvoyance n’est pas sa fille mais Zemmour . Ferons nous la même erreur en ne croyant pas à sa vision d’avenir …..

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