Il y a 45 ans : Giscard, un président jeune et seul

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L’image qui reste de la présidence de Valéry Giscard d’Estaing (VGE) est celle du 19 mai 1981, après sa défaite face à son adversaire, François Mitterrand. Il est seul dans un bureau en clair-obscur, face caméra. Après un discours aigre-doux-amer, il lance un dernier « Au revoir » et, sortant par la porte arrière de son bureau, laisse une pièce vide.

C’est cette même solitude qui marque l’entrée en scène du candidat devenu Président, sept ans plus tôt, le 19 mai 1974. La caméra de Raymond Depardon[ref]« Une partie de campagne », par Raymond Depardon. Le film est censuré jusqu’en février 2002.[/ref] qui suit celui qui va devenir le troisième chef d’État de la Ve République, le trouve dans son bureau sombre du palais du Louvre. À cette époque, il est ministre d’État, ministre de l’Économie et des Finances. Ce soir du 19 mai 1974, à 20 h 00, les résultats tombent à la radio et à la télévision. VGE est seul dans son vaste bureau ministériel. Personne n’est autour de lui, ni sa femme ni ses enfants. Il est Président mais personne ne l’acclame. Les vivats viendront plus tard.

La campagne présidentielle s’est déroulée dans des conditions particulières. Le président Georges Pompidou est mort le 2 avril. Conformément à la Constitution, l’intérim est assuré par le président du Sénat, Alain Poher (1909-1996), dont c’est le deuxième intérim après la démission du général de Gaulle en 1969… Pas moins de douze candidats sont officiellement validés, dont un candidat royaliste, Bertrand Renouvin. Arlette Laguiller participe à sa première élection présidentielle. C’est la deuxième tentative pour Alain Krivine, qui s’était présenté en 1969 alors qu’il était soldat au 150e régiment d’infanterie.

En 1974, François Mitterrand, déjà sur les rangs en 1965 mais pas en 1969, se présente sous l’étiquette Union de la gauche après avoir réussi à regrouper autour de lui les communistes, les socialistes et les radicaux de gauche. La droite, quant à elle, se divise avec trois candidatures : Jean Royer, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chaban-Delmas (1915-2000). La candidature de ce dernier est torpillée par Jacques Chirac et quelques députés qui, dans l’appel des 43, dénoncent la multiplicité des candidatures à droite. Chirac, qui a connaissance de rapports secrets des renseignements généraux, sait déjà que Chaban-Delmas n’obtiendra qu’un score insuffisant pour le qualifier au second tour. La campagne est vive, soutenue dans les principaux camps. Elle mobilise les électeurs qui se présentent massivement aux urnes : 84,23 % au premier tour et 87,33 % au second.

Un peu à la surprise générale, c’est François Mitterrand qui vire en tête, le soir du 5 mai 1974, avec 43,25 % des suffrages exprimés. VGE arrive deuxième, avec 32,60 %, devant Jacques Chaban-Delmas, avec 15,11 %.

L’entre-deux-tours est décisif : les petits candidats Jean Royer (1920-2011), Jean-Marie Le Pen et Émile Muller (1915-1988)[ref]Jean Royer- Divers droite récolte 810.000 voix (3,17%), Jean-Marie Le Pen - FN 190.921 (0,75%), Émile Muller-Mouvement démocrate socialiste de France 176.279 voix (0,69%)[/ref]appellent tous sans réserve leurs électeurs à voter VGE. C’est aussi le débat entre Mitterrand et VGE qui marque un tournant. Grâce à sa formule « Vous n’avez pas le monopole du cœur », le ministre de feu Georges Pompidou grappille quelques milliers de voix qui lui permettent de l’emporter d’une courte tête : 50,81 % des voix pour VGE, contre 49,19 % à Mitterrand. Il y a un peu plus de 425.000 voix d’écart. Jusqu’en 2017, VGE sera le plus jeune Président élu au suffrage universel direct.

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