Il y a quelque chose de pourri dans le fonctionnement de l’aide à la création

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La France, via l'aide à la création, s'est penchée sur les fins de mois difficiles de plusieurs artistes. Avant que Florent Pagny et autres Bernard Lavilliers n'apparaissent sur scène dépenaillés, éclairés par une lampe torche et jouant sur des guitares délabrées, la commission leur fit parvenir de toute urgence de quoi subvenir aux dépenses inhérentes à leur profession. Selon Le Figaro, Florent Pagny reçut ainsi 271.000 euros qui lui permirent de financer un pied de micro en or massif, Bernard Lavilliers perçut 120.000 euros pour son nouveau chapeau, Benjamin Biolay et Juliette Armanet touchèrent, respectivement, 119.000 et 154.000 euros en réparation de quelques cordes vocales cassées.

Bien que cette répartition soit d'une parfaite légalité, la Cour des comptes s'étonne que des artistes roulant carrosse bénéficient d'une telle générosité. La maison de disques de Johnny Hallyday fut également aidée à hauteur de 333.890 euros, entre 2019 et 2022, toutes ces sommes rondelettes étant attribuées en compensation des téléchargements effectués sur divers supports et qui échappent ainsi aux rétributions habituelles constituées de droits d'auteur et royalties. Pour financer ces dons mirifiques et réputés réparateurs de préjudice, le consommateur paye une taxe de 14 euros pour tout achat de smartphone et s'acquitte de prélèvements sur toute une batterie d'accessoires informatiques : disques durs externes, clés USB, cartes mémoire, baladeur MP3, box Internet, téléviseur avec mémoire, tablettes… Et gare à celui qui chante « Toute la musique que j'aime » dans sa cuisine ! Il lui en coûtera un envoi de colis à la veuve. Un panier repas ou un filet garni… au bon vouloir du rockeur amateur.

Peu enchantée par ces chanteurs grassement aidés, la Cour des comptes estime que « les dépenses consacrées à la création artistique ont vocation à favoriser la diversité musicale, les nouveaux talents et les projets innovants ». Les artistes en devenir ne récolteraient, eux, que les miettes du gâteau. La logique comptable ne fait pas de quartier : la faible diffusion de leurs œuvres ne constitue qu'un tout petit manque à gagner pour l'industrie musicale, ils ne perçoivent donc qu'un reliquat du magot. Moralité du principe : moins tu gagnes, moins on t'aide. La cigale de La Fontaine connut en son temps ce type de déboires, ce qui ne l'empêcha pas de revenir chaque été casser les oreilles du citadin surmené.

Sur la base de cet exemple frappant, certains feront remarquer que les plus grands ne bénéficièrent d'aucune subvention. L'impératif de gagner sa vie coûte que coûte a pu amener des Jacques Brel, Brassens ou Rolling Stones à des surpassements créatifs qu'ils n'eussent peut-être pas réalisé en d'autres circonstances… D'autres citeront Van Gogh dont la détresse matérielle l'amena là où on sait… Les Beatles s'accordaient à dire que l'obligation de jouer huit heures par jour durant des mois dans une sombre salle de Hambourg leur avait fait faire d'immenses progrès… Les mystère de la subvention sont impénétrables. C'est là son moindre défaut.

Jany Leroy
Jany Leroy
Chroniqueur à BVoltaire, auteur pour la télévision (Stéphane Collaro, Bêbête show, Jean-Luc Delarue...)

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Sans vouloir entrer dans la polémique, je remarque que les aides apportées à Johnny Haliday ou Florent Pagny, artistes uniques et incontournables, sont dérisoires comparées à ce que perçoivent certains joueurs de baballe…

    • Cependant, ces artistes ont-ils besoin d’aide ? À ce niveau de notoriété, ils gagnent très bien leur vie. Je ne comprends pas ces distributions de bon argent.

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