Il y a un an mourait Buisson : si seulement Sarkozy l’avait (vraiment) écouté
Il a disparu sur la pointe des pieds, seul, aux Sables-d’Olonne, il y a un an jour pour jour, un lendemain de Noël. Avait-il assisté, la veille, à la messe de minuit, en rite traditionnel, comme il l’affectionnait, dans la chapelle vendéenne qu’il fréquentait habituellement ? A-t-il pu entendre, une dernière fois, ce Minuit chrétien, cantique populaire entonné aux douze coups par quelque stentor local, auquel le coffre et la foi tiennent lieu de talent, comme il le décrit dans son avant-dernier essai, La Fin d'un monde (Albin Michel), qui brosse, avec la passion sans concession qui le caractérise, le délitement du monde rural ? Comme le vieillard Siméon, s’est-il dit alors Et nunc dimittis ? Le 26 décembre, c’est aussi la Saint-Étienne, martyr par lapidation, et l’image, pour Patrick Buisson est bien trouvée : journaliste mordant à Minute, Valeurs actuelles puis LCI, avant de fonder la chaîne Histoire, essayiste au talent fulgurant, amoureux des mœurs paysannes françaises mieux que Gustave Thibon - auquel il a, du reste, consacré un documentaire touchant -, il a pris des coups, très durs, plus souvent qu'à son tour.
C’est encore plus beau quand c’est inutile, disait Cyrano de Bergerac, et c’est avec cet esprit très français de mousquetaire des causes perdues qu’il aura vécu. De l’Algérie française à Éric Zemmour en passant par l’Action française.
Qualifié par Ariane Chemin et Vanessa Schneider, dans son brûlot éponyme, de « mauvais génie » de Sarkozy, il fut surtout un génie incompris. Car si Sarkozy l’avait écouté, les accords de 68 avec l’Algérie, par exemple, qui font couler tant d’encre aujourd’hui, auraient été, depuis bien longtemps, dénoncés. Et il y a tant d’autres sujets : ces piétés populaires abandonnées dont le pape vient de découvrir les vertus à la faveur d’une invitation en Corse par le cardinal Bustillo, Patrick Buisson les a défendues il y a déjà des années. Cette union des droites qu’il appelait, comme solution de nos maux, de ses vœux, et que seuls les principaux intéressés réfutent - qui peut prétendre qu’il n’y a pas plus de points communs entre Le Pen et Retailleau qu’entre Jean-Luc Mélenchon et les précédents ? - il l’aura faite, au vu des célébrités présentes, autour de son cercueil à Saint-Ferdinand-des-Ternes.
À ce sujet — Patrick Buisson, une personnalité hors les murs
Intelligent, rapide, conceptuel, analytique
Il aimait les pièces noires et grinçantes d’Anouilh, mais il ressemblait plutôt à une héroïne de Giraudoux : Cassandre à lunettes et crâne chauve, il s’est employé, toute sa vie, à mettre en garde contre une guerre qui a déjà eu lieu et qui a été gagnée par la « Décadanse » (c’est le titre de son dernier livre). Intelligent, rapide, conceptuel, analytique, conscient de la situation critique mais aussi atrabilaire, « doté d’une âme inquiète », selon ses propres mots, il est également à la fois L’Homme pressé de Morand et Le Misanthrope de Molière : il n’avait pas de temps à perdre avec ce que les Anglais appellent la « small talk », et que nous autres pourrions traduire par « parler pour ne rien dire ». Pour tout cela, il n’était pas homme du Tout-Paris vibrionnant et séducteur, il n’avait donc pas que des amis, jusqu’à son propre fils, Georges Buisson, qui, en 2019, a commis un livre intitulé L’Ennemi (Grasset), réglant ses comptes avec son géniteur - « jamais en première ligne, toujours aux premières loges » et, surtout, « depuis 50 ans », selon lui, « de toutes les aventures d’extrême droite » - auquel il doit pourtant, à la faveur de cette délation filiale célébrée dans les médias, une célébrité fugace.
Cette société qui a tué le père, Patrick Buisson n’avait de cesse de la dénoncer ; il l’a expérimentée dans sa chair.
Il partage avec Raspail, Volkoff et quelques autres autres la caractéristique d’avoir connu le purgatoire de son vivant. Pour un péché très grave aux yeux du monde : avoir eu raison avant et à contretemps. Combien de talents formidables éteints, cachés pour avoir fait partie des infréquentables ? Un jour viendra, peut-être, où ce Panthéon des oubliés sera réhabilité. En attendant, charge à Boulevard Voltaire, auquel Patrick Buisson a donné tant de preuves d’amitié, de cultiver la mémoire de ces personnalités.
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27 commentaires
Merci pour votre bel article, encore merci à Patrick Buisson…à lire, relire et surtout. ..à faire connaître aux plus jeunes pour que la Tradition vive…
Merci Madame CLUZEL pour cet édito sur P BUISSON ! je l’ai trouvé juste et bienveillant.
Nicolas Sarkozy a utilisé les valeurs défenduent par Patrick Buisson, pour l’emporter sur un plan électoral, mais pour mieux les trahir ensuite et trahir par la même occasion Patrick Buisson ! Voila pourquoi plus jamais je ne voterais RPR, UMP les Républicains ! Ce ne sont que des ramassis de traitres ! Hervé de Néoules !
Pour un politique il est parfois utile d’écouter le bon sens, qui comme chacun sait est la chose eu monde la mieux partagée. Il est bien dommage qu’une partie significative de nos élus nationaux n’aient pas été présents le jour de sa distribution. Ils avaient réunion du parti…
Sarkozy n’a écouté personne, sinon justement Patrick Buisson pour assurer –et seulement cela– son élection. Après, il s’est assis sur les résultats du référendum de 2005, il a mis fin à la bien mal nommée double peine, il a départementalisé Mayotte. Plus tard, il a soutenu Macron. Au total, Sarkozy a été un nuisible parmi d’autres, et l’oublier serait opportun.
Il avait raison de se méfier de Sarkozy jusqu’à l’enregistrement de ses revirements pour s’en protéger.
Effectivement, comme vous dites, Sarkozy n’a pas écouté Buisson. Il a préféré écouté Strauss-Kahn (en le pistonnant au FMI), Attali (en lui demandant conseil), Kouchner (en lui confiant le Quai d’Orsay) ou BHLevy (en lui prêtant l’Armée Française pour aller jouer les justiciers en Lybie). Tous, bien entendu, de droite, comme chacun sait (;-) ! Mais pour qui roulait vraiment Sarko ?