Ils croyaient l’avoir tuée : ¡Caramba! Encore raté ! L’Église bouge encore (et c’est beau)

Le conclave débutera le 7 mai.
Capture d'écran ©France24
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Après les obsèques, voici le conclave. La date est fixée, il commencera le 7 mai… Depuis la mort du pape, le monde semble vivre à l’heure de l’Église. Mais ce n’est pas nouveau : c’est avec l’apparition des cloches, au Ve et VIe siècle, pour sonner les « heures », que la synchronisation de la société est vraiment née. On se mettait au travail avant prime et l’on rentrait pour vêpres. Toute la population s’est ajustée à ce rythme commun.

« Le pape est mort, vive le pape ! » pourra-t-on déclarer, dans quelques jours, quand la fumée blanche sortira du conclave, mais on peut dire aussi « l’Église est morte, vive l’Église ». On l’avait enterrée un peu vite. Mais son histoire, en somme, ressemble à celle de son époux mystique : on croit la mettre au tombeau, et elle ressuscite. ¡Caramba! Encore raté !, pestent ces messieurs de la libre-pensée. Le meilleur exemple en est le XIXe : jamais siècle n’a donné plus de vocations et de fondations religieuses en France, si peu de temps après la Révolution.

Aparté

L’Église rayonne notamment - et nombre d’internautes sur les réseaux sociaux ont souligné dans toutes les langues l’esthétique de cette célébration - par la beauté de ses rites, ses codes immémoriaux, son encens, ses cantiques, ses ornements, son architecture, ses œuvres d’art magnifiques.

Puisque l’on parle d’œuvre d’art, c’est devant un monumental Baptême du Christ du peintre italien Carlo Maratta que Donald Trump et Zelensky ont fait un aparté. On sait que tous les chemins mènent à Rome, y compris le chemin de la paix.

On notera que Trump, penché en avant, semblait beaucoup plus humble que lors de la dernière rencontre. C’est peut-être la figure tutélaire dans son dos qui a fait la différence : dans le Salon ovale, c’était Trump le chef, et cela se voyait. Là, il n’était plus le patron. On dit, du reste, volontiers que Trump et le pape François étaient aux antipodes, ce n’était pas complètement vrai. Ils étaient tout d’abord plutôt d’accord sur les sujets sociétaux - théorie du genre, par exemple -, ils se voulaient tous deux proches des périphéries, du peuple, et comme Trump, le pape François avait, de l’avis général, une façon assez brutale de diriger, en soufflant le chaud et le froid.

Un enterrement est d’ailleurs en soi une nature morte, une « vanité », comme on appelait ces peintures avec un crâne posé quelque part, sur la table, à côté de fleurs fanées, pour souligner la finitude de la vie humaine. Il est d’ailleurs regrettable que dans bien des endroits, les prêtres ne célèbrent plus de messes pour les obsèques au prétexte qu’ils y passeraient leurs journées (mais, au fond, qu’ont-ils de mieux à faire ? Tout leur sacerdoce ne vise-t-il pas à cette livraison finale ? À cet empaquetage des âmes, avec un maximum de papier bulle spirituel afin qu’il n’y ait pas trop de pots cassés à l’arrivée ?). On dit que le pape François mettait un point d’honneur à vivre comme le commun des mortels, mais aller faire la queue avec son plateau au self-service de Sainte-Marthe n’est rien. Le vrai privilège, celui auxquels tous n'ont pas droit, c’est une messe pour les obsèques.

D'autant que ça sert aussi à l'entourage. C'est lorsqu'ils enterrent leurs vieux parents que les moins portés à croire s’interrogent quand même sur l'« après ». Puissent, justement, les cinquante grands de ce monde, présents samedi au Vatican, avoir réfléchi, à cette occasion, aux comptes qu’ils auront à rendre là-haut, à la hauteur de leurs responsabilités. La disparition de la conscience en Occident - le fameux œil qui regardait Caïn jusque dans la tombe, dans le poème de Victor Hugo - n’est pas pour rien dans l’hubris et le sentiment de surpuissance de nos gouvernants. Les gisants et les orants montrent que les rois, avec tous leurs défauts, pensaient quand même à l’autre côté de la barrière. C’est pour cela, d’ailleurs, qu’à côté de la chapelle Sixtine, il y a une petite pièce qui s’appelle « la chambre des larmes ». Le pape nouvellement élu y va (et donc y ira, dans quelques jours) revêtir ses atours de souverain pontife et pleurer sur ses désormais lourdes responsabilités, dont il sera comptable le jour du Jugement dernier.

Qui ?

Qui sera le nouveau pape ? Les Jean-qui-pleurent affirment qu’au vu du bourrage des urnes - entendez le nombre de cardinaux nommés sous son pontificat par François -, espérer un pape conservateur revient à croire au père Noël qui, pour être habillé de rouge lui aussi, ne vote pas.

Les Jean-qui-rient trouvent quand même qu’après le tandem Jean-Paul II-Reagan, qui a réussi à faire tomber le mur de Berlin, un binôme avec Trump, qui viserait cette fois à reconstruire des frontières - contre la confusion des genres, la mondialisation, l’immigration, le syncrétisme religieux -, aurait de la gueule. Il n'est pas interdit de rêver.

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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