Ils seront unis, samedi, à La Trinité : la famille Le Pen face au deuil

@Pierre GUILLAUD / AFP
@Pierre GUILLAUD / AFP

On l’a comparée à la famille Kennedy, mais les différences entre la famille Le Pen et la famille de l’ancien président des États-Unis sont nombreuses. Les Le Pen ne sont pas parvenus au pouvoir en France, les tragédies y sont moins nombreuses et ses figures ne ressemblent guère à celles du fameux clan américain. Mais il y aura tout de même un peu de cela, lors des obsèques du patriarche, ce samedi 11 janvier à La Trinité-sur-Mer, dans le Morbihan : cette famille française née d'un fils unique orphelin de père sera soudée, discrète et unie dans le fief familial breton, autour du cercueil de l'homme politique le plus marquant pour le patriotisme français des quarante dernières années.

Les mots après le décès de Jean-Marie Le Pen tranchent sur l’image que la gauche cherche à donner du personnage. Marine Le Pen, qui n’a jamais caché la difficulté d’être la fille de Le Pen, petite ou plus tard femme politique, a écrit sur X un message particulièrement sensible, qui résume le père distant, retrouvé sur le tard : « Un âge vénérable avait pris le guerrier mais nous avait rendu notre père. La mort est venue nous le reprendre. Beaucoup de gens qu’il aime l’attendent là-haut. Beaucoup de gens qui l’aiment le pleurent ici-bas. Bon vent, bonne mer Papa ! »

 

 

Le clan familial plus fort que tout

La vie politique est dure. On le sait, la présidente du groupe RN à l’Assemblée, restée longtemps aux côtés de son père ces dernières semaines, a appris son décès par une dépêche AFP, dans l’avion qui la ramenait de Mayotte en France. Elle avait évoqué dans son livre la dureté de l’homme qui lançait à ses filles, victimes des attaques cruelles de leurs camarades sur leur nom : « Vous pourriez être toutes nues dans la neige ! » La succession politique de Le Pen et les scissions et départs ont aussi laissé des traces. Marine Le Pen a coupé, un temps, ses relations avec le fondateur du RN, avouant publiquement avec des accents de vérité qu’elle en souffrait. Marion a rompu, un temps, avec sa tante pour rejoindre Zemmour avant de revenir à la tête d’un parti allié au RN. Marie-Caroline a suivi Mégret avec son mari Philippe Olivier, aujourd’hui conseiller spécial de Marine Le Pen. Mais le clan familial a été le plus fort. « C'est une Le Pen », murmurent les cadres pour chacune des filles ou la petite-fille du chef. L’attachement au père et grand-père écrase les vicissitudes de la vie politique.

Ainsi, quand Thomas Sotto, le 20 novembre dernier sur RTL, demande à Marine Le Pen sans ménagement si son père est en fin de vie, Marine Le Pen se cabre. « Je ne vous répondrai pas. Je trouve que c’est trop violent comme question et ça touche à l’intimité de sa vie privée et de la nôtre aussi. » Les filles du « diable » vomi depuis quarante ans par Libération, les médias publics et bien d’autres ne le décrivent ni comme un saint, ni comme un tortionnaire, mais comme un père. Le message de Marie-Caroline Le Pen efface les disputes du passé : « De ce chagrin, tu ne pourras pas me consoler. À Dieu Papa », lance-t-elle, sur X.

 

 

On a vu les larmes de Jany Le Pen, volées sans ménagement par BFM TV. Marion Maréchal a elle aussi évoqué cette figure marquante pour la droite française et pour sa vocation politique personnelle. « Daddy, ne t’inquiète pas : la mission que tu m’as confiée il y a treize ans avec ta lettre, je ne l’ai pas oubliée, écrit-elle aussi, sur X. Je tâche, depuis, de relever cette mission. Je ne suis pas la seule. » Contactée, Marion Maréchal ne souhaite pas réagir davantage pour le moment.

 

 

Avec le temps, le patriarche a passé l’éponge sur les brouilles avec ses enfants comme avec ses lieutenants, y compris avec le « félon » Bruno Mégret, qui avait provoqué une scission dans le mouvement en 1998.

« Papon est mort, Le Pen est toujours vivant »

La famille Le Pen fait bloc. Cette émotion familiale palpable dessine ainsi un homme différent de l’image noire que tente de ressusciter une certaine presse. La fabrication médiatique de « l’ogre » Le Pen a occupé la presse de gauche et les médias généralistes durant quarante ans. Elle ressuscite à sa mort avec quelque chose d’artificiel et de minoritaire. Il faut reconnaitre que l’ancien lieutenant en Algérie a parfois fourni la matière de sa propre diabolisation à une machine médiatique qui ne demandait que cela. Le mot « ogre » sera repris ad nauseam. Le 15 janvier 2011, Libé relate l’émission qui lancera Le Pen le 13 février 1984, en présence de ses filles Marie-Caroline, Yann et Marine. « Plutôt belles, dans le genre wagnérien, se souvient Alain Duhamel, contradicteur de l'ogre, écrit LibéJe les aurais bien imaginées avec des nattes et des corsages à balconnets. » Marine Le Pen a seize ans… Ogre, ce mot est réservé aux meurtriers en série : Fourniret et autres... et à Le Pen. Incapable de lutter contre une dizaine de médias qui assurent 90 % de l’audience télé et radio, Le Pen lancera son propre journal, National Hebdo. En vain.

Il a compris que la bataille est d’abord médiatique. À cette aune, l’ogre Le Pen a un successeur ; non pas Marine Le Pen, qui s’est largement dédiabolisée, mais… Bolloré !

Comme d'autres, le quotidien assis depuis l’origine sur la rente de l’anti-lepénisme, a commis quelques unes peu visionnaires. Libération voit, le 21 septembre 1998, en pleine crise du FN secoué par la scission avec Mégret, « le crépuscule du vieux ». Bien vu, l’aveugle ! Quatre ans plus tard, le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen atteint le second tour de l'élection présidentielle, suscitant la stupéfaction horrifiée de la gauche française dont la mâchoire se décroche devant l’écran de télé. Et lançant une mobilisation de 100 % du paysage médiatique, digne des grandes heures de l’Union soviétique. Le 19 février 2007, la famille Le Pen subit cette une du même Libération : « Papon est mort, Le Pen est toujours vivant ». Padamalgam, comme on dit. Le 28 juin 2014, le quotidien titre « Le Pen pire et fille ». Le combat politique est âpre : in fine, la violence sans limites dirigée contre la famille Le Pen a peut-être réussi à enrayer la montée vers le pouvoir du patriarche, mais elle a échoué à éliminer les Le Pen du jeu politique.

Plus de quarante ans après l’explosion de Le Pen à L’Heure de vérité, la famille qui se réunira à La Trinité-sur-Mer autour du catafalque présente le visage d'une certaine unité et peut raisonnablement rêver de se saisir du pouvoir suprême en France. Comme les Kennedy !

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Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

45 commentaires

  1. Face aux dégénérescences de ces centaines de manifestants, décérébrés et pourtant plein de pognon si l’on voit la marque de champagne qui coulait à flot, les joints, les feux d’artifice, les manteaux de fourrure, etc., on a honte d’être Français et l’on ne peut que soutenir de tout coeur cette famille française dans le deuil.

  2. Un homme qui n’a jamais vraiment eu qu’un seul adversaire à sa hauteur : lui-même.
    Je retiendrais celui qui animé par ses convictions, a quitter le confort de son banc de parlementaire pour rejoindre ses frères d’armes.

  3. Pour en revenir au décès de Jean-Marie Lepen , ce fut une fin…heureuse que beaucoup enviraient ; au milieu de ses filles aimantes , de son ex femme , de sa petite fille chérie, Marion , et de toute sa famille ,quelle belle mort !
    De plus le bateau Lepen est intact prêt à prendre le large … et le pouvoir !
    Il peut être fier de son oeuvre parce qu’il a su faire fructifier la fibre nationale et transmettre l’amour de la France à ses filles , malgré toutes les embûches qu’elles ont pu rencontrer, d’être issues de la lignée Lepen .
    Ce sont des combattantes comme lui .
    C’était un vrai « bonhomme » comme on dit dans certains milieux . Pour la France il a voulu s’enrôler dans la résistance à l’âge de la puberté , il a fait le guerre d’Indochine et d’Algérie dans des régiments de pointe qui allaient au contact , et sa famille a hérité de cet esprit de combattants qui ne se dégonflent pas devant l’adversité mais au contraire sont galvanisés par celle-ci, surtout quand ils savent qu’ils défendent la noble cause de la France .
    On l’a comparé à Mélenchon qui a aussi quelques talents d’orateur mais la comparaison s’arrête là .
    C’est son son exact contraire . Mélenchon s’est acharné à détruire ce qui a fait la France et son héritage, pendant que Lepen s’est attaché à la défendre bec et ongle et parfois armes à la main .
    Mélenchon est un combattant de prétoire au milieu d’un auditoire qui n’a jamais entendu une balle siffler au dessus de sa tête.
    Si je pouvais le comparer à un autre homme politique des cinquante dernières années ce serait Georges Marchais , le STO en moins, mais je ne lui ferais pas un procès pour cela car je n’ai pas vécu cette période. Lui aussi a eu droit aux quolibets et à la diabolisation .
    Il a défendu le « produire français  » , et a mis en garde contre l’immigration et en a subi quelques conséquences lors des buldoozers contre les foyer pour maliens de Vitry sur Seine alors qu’il était secrétaire du PCF.
    Ce n’est pas pour rien que beaucoup de communistes se retrouvent aux RN et non pas à LFI, ce qui est paradoxale, mais explicable .
    Leurs troupes respectives ont fait souvent le coup de poing surtout au moments des collages d’affiches mais c’était les meilleurs ennemis du monde ;
    Les deux ont été brocardés pour des phrases qui tenaient plus d’un côté bravache pour ne pas faire plaisir à l’ennemi du politiquement correct imposé ; le « détail de l’histoire  » et le « bilan positif du régime soviétique  » en faisaient partie.
    Je pense sincèrement que Jean Marie Lepen aurait fait un bon président mais il savait qu’on ne l’aurait pas laisser gouverner comme les français l’auraient voulu .
    De toute façon il ne pouvait faire pire que tous les gens soit disant plus diplomés les uns que les autres, qui se sont succédés depuis toutes ces années où Lepen a marqué le paysage politique français , mais à quoi sert toute cette élite surdiplomée quand c’est pour se la jouer perso ou pire utiliser ses compétences contre le pays et donc son peuple .
    En tout cas , Jean Marie Lepen peut reposer en paix, la conscience tranquille , il n’est pas comptable de l’état désastreux de la France mais, au contraire , l’alerteur infatiguable de ce qui allait nous arriver .

    • Effectivement, même si cette perspective peut faire trembler, on imagine que cela ne saurait tarder. On en a eu la preuve avec l’immonde bal de la place de la République. L’endroit était bien choisi pour ressusciter un certain 21 janvier 1793…

  4. Je suis entièrement d’accord avec « INDIGOT » : Un décès au moment où tout lui donne raison ! Il avait raison sur toutes les longueurs . Il aurait été un grand président pour les Français et la FRANCE . Un vrai patriote en somme ! Merci monsieur Lepen .

  5. J ai eu des responsabilités au. FN et l ai rencontré de nombreuses fois un jour , vers 1985 ,je lui ai proposé de m occuper de l écologie il m a envoyé balader et je prétend être visionnaire, on me le dit, j étais déjà avec Gérard Nicoud en 1970.
    J étais plus proche des idées de Jean Pierre Stirbois anti communiste primaire et anti Gaulliste, entre l absolution des communistes Thorez puis L Algérie puis la constitution de 58 .

    • Désolé, mais ici en terre celte, on abrite depuis quelques temps ceux qui nous détestent, et si la tempête n’a fait tomber que les chênes et les croix des calvaires, c’est juste parce qu’elles ne sont pas encore assez violentes pour faire vaciller les menhirs. Le mythe de ce peuple fier et inflexible en a pris un drôle de coup dans l’aile.

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