I Am Not Your Negro, ou l’honneur sauvé des César…
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Les César se suivent et se ressemblent. Avec ses figures obligées et ses 120 battements par minute, récompensés, forcément, par le César du meilleur film. Parce qu’il le fallait bien. Et quelques statuettes de plus pour faire bonne mesure, s’agissant d’une minorité souffrante ; les activistes homosexuels malades du SIDA. Parce qu’il était sûrement délicat de faire autrement.
Pourtant, surprise tant heureuse qu’inattendue, deux autres minorités souffrantes ont été mises à l’honneur : les paysans français et les Noirs américains. Ainsi, le poignant Petit Paysan, d’Hubert Charuel, se retrouve titulaire de trois compressions césariennes : meilleur premier film, meilleur acteur (Swann Arlaud) et meilleur second rôle féminin (Sara Giraudeau).
Hubert Charuel est lui-même fils de paysans. Il sait de quoi il parle quand il filme Pierre, éleveur de vaches. Ses bêtes, il les aime. Et quand elles tombent malades - épidémie oblige -, il refuse d’abattre son troupeau, tel qu’exigé par les autorités sanitaires. Le tout est mis en scène sans pathos. Les grandes douleurs sont muettes ; les souffrances authentiques aussi.
Pas plus de pathos dans le césarisé I Am Not Your Negro, le documentaire de Raoul Peck, inspiré de la vie et de l’œuvre de l’écrivain afro-américain James Baldwin, proche ami de ces grandes figures de la cause noire que furent Martin Luther King et Malcolm X. Nous sommes aux États-Unis, aux grandes heures de la ségrégation raciale. Des suprémacistes blancs y défilent, brandissant des banderoles affirmant "mixité raciale = communisme". C’est-à-dire que nous sommes aux antipodes de l’actuelle France, dans laquelle des rentiers de l’antiracisme tels que Louis-Georges Tin, patron du CRAN (Conseil représentatif des associations noires de France) ou la journaliste Rokhaya Diallo jouent à se faire peur avec les fantômes d’un Ku Klux Klan dont ils n’ont entendu parler que dans les livres.
Oui, ces gens seraient bien inspirés de jeter un coup d’œil à cet édifiant documentaire. On y voit James Baldwin qui, luttant contre un authentique racisme institutionnel, refuse justement de racialiser le problème et de cracher sur un pays qui, malgré tout, est aussi le sien. Pour lui, les Blancs ne sont pas intrinsèquement mauvais, seulement victimes de l’histoire américaine et de cette violence consubstantielle ayant fait des États-Unis la seule nation au monde à avoir été fondée sur un génocide. Violence artistiquement mise en scène dans les westerns, violence ensanglantant régulièrement les campus universitaires, violence d’un peuple en armes ayant toujours eu besoin d’un ennemi emblématique pour justifier cette même violence : aujourd’hui l’islamiste, hier le communiste ou le Noir. Le Noir communiste, voire.
Toujours à propos de nos professionnels de la lutte contre ce racisme qui, de longue date, gangrènerait la société française, il y a les souvenirs de James Baldwin qui, après-guerre, passa de longues années à Paris, là où "il oublie enfin qu’il est noir". Il est vrai qu’alors, pour nombre d’artistes afro-américains, la France faisait figure de havre de paix. Quincy Jones, Memphis Slim, Luther Allison, Big Bill Broonzy, Billie Holiday - pour ne citer que ceux-là - en savaient quelque chose. C’est, d’ailleurs, la France que James Baldwin choisit pour rendre le dernier soupir, dans sa villégiature de Saint-Paul-de-Vence, en 1987, là où il faisait si bon vivre à l’en croire.
C’est un grand classique de l’Histoire, voulant que, lorsque cette dernière en vient à se répéter, c’est pour passer de la tragédie à la farce. La tragédie, James Baldwin l’a connue. C’est pour cela qu’il l’évoque sans haine, ni violence, ni larmoiements. Une dignité dont certains actuels farceurs devraient peut-être s’inspirer, au lieu de chérir bruyamment un malheur qu’ils ont eu le bonheur de ne pas connaître.
PS : I Am Not Your Negro et Petit Paysan sont disponibles en DVD.
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