Images choquantes : « Les journalistes doivent demeurer libres d’informer »

illu portrait A Belot

À Annecy, le 8 juin, l'un des principaux soucis du gouvernement a été d'empêcher la diffusion des images de l'agression. Ne risque-t-on pas, à terme, d'arriver à une censure de fait de toutes les images ou vidéos témoignant de la réalité de l'insécurité en France ? Maître Alain Belot répond.

Gabrielle Cluzel : le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, le 8 juin, a tout de suite indiqué que le gouvernement était en lien direct avec Twitter France « pour assurer le retrait de toute image choquante ». Il a aussi rappelé « que leur diffusion [était] punie par la loi ». Dans une série de messages sur Twitter, le ministère de l’Intérieur a exhorté à ne pas diffuser les « contenus choquants » liés à l’attaque d’Annecy, ni même à les  « liker ». Mais que dit la loi, exactement, sur ce sujet ?

Me Alain Belot. La loi en la matière est déjà particulièrement ancienne car elle date du 5 mars 2007. Le législateur avait, en son temps, souhaité réprimer la pratique du « happy slapping » (ou « joyeuse baffe »). Cette pratique consistait, comme son nom l'indique, à frapper, plus ou moins violemment, une personne (choisie parfois au hasard) et à filmer la scène le plus souvent à l'aide d'un téléphone portable. L'intérêt, ensuite, était de la poster sur Internet et qu'elle soit vue par le plus grand nombre. On utiliserait, aujourd'hui, le terme « viral ». En France, certains jeunes des banlieues se sont aussi « amusés » à filmer des voitures en train de brûler après les avoir incendiées. C'est ce qu'on a appelé le « happy burning ».

Telles sont les raisons qui ont imposé cette loi. Désormais, est constitutif d'un acte de complicité des atteintes volontaires à l'intégrité de la personne [...] le fait d'enregistrer sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit, des images relatives à la commission de ces infractions (art. 222-33-3, alinéas 1 et 2).

En outre, le fait de diffuser l'enregistrement de telles images est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende (alinéa 3).

Au-delà de la volonté de lutter contre le « happy slapping », l'idée de la loi est également d'empêcher, au maximum, les provocations à la commission de l'infraction. Parfois, celui qui se sait filmé va être incité à aller plus loin, seulement pour se montrer davantage. À titre d'exemple, on a vu certaines affaires sordides dans lesquelles des viols collectifs étaient filmés et les enregistrements avaient largement contribué à l'effet de groupe.

Par ailleurs, et il ne faut pas le négliger, l'intention de la loi est également de protéger les victimes afin qu'elles ne soient pas vues, de tous, dans des circonstances particulièrement indignes. Il est absolument nécessaire de sauvegarder leur image, notamment sur les réseaux sociaux.

G. C. Pour le journaliste militant d'extrême gauche Tristan Mendès France, interrogé par La Croix - qui explique avoir signalé cette vidéo sur Twitter et reçu une fin de non-recevoir -, le problème est que « des mineurs peuvent être exposés à ces vidéos, ainsi que les proches des victimes ». Pourtant, personne n'avait fait montre de telles pudeurs pour diffuser la photo du petit Aylan...

A. B. Il faut ajouter que l'article précité contient deux exceptions : l'enregistrement ou la diffusion est possible lorsqu'il résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice.
Par conséquent, les journalistes peuvent, et ce, en fonction de leur propre charte éthique, décider de diffuser des vidéos montrant des atteintes volontaires à l'intégrité physique. Ils ne tomberont pas sous le coup de la loi.
Ce qui est fondamental pour le législateur, c'est le cadre dans lequel sont diffusés les enregistrements. Peu importe qu'il s'agisse de mineurs ou de proches des victimes.
S'agissant de la diffusion de la photo du petit Aylan, elle ne rentre pas dans le cadre de cette disposition légale. Ce qui est en réalité interdit, c’est de filmer ou de diffuser la commission des infractions que sont « les atteintes volontaires à l’intégrité des personnes » comme, par exemple, les violences volontaires, les meurtres, les assassinats, les viols, etc.
Dans l’affaire du petit Aylan, sa mort est accidentelle même si elle est tragique. C’est la raison pour laquelle publier la photo de cet enfant n’était pas constitutif de l’infraction évoquée. En revanche, une autre infraction existe, celle de l’article 122-17, qui est le fait de porter atteinte à l’intégrité d’un cadavre par quelque moyen que ce soit. La photographie et le film compris, naturellement. On pourrait se poser la question de ce point de vue-là. Et à considérer l'opinion de M. Tristan Mendès France, il aurait dû alors, en effet, s'indigner de la même manière.

G. C. Le risque n'est-il pas qu'à terme, toutes les images ou vidéos montrant la réalité de l'insécurité soient censurées ?

Il faut d'abord rappeler que la loi ne concerne que les infractions « d'atteintes volontaires à l'intégrité physique ». Les atteintes aux biens, comme les dégradations, ne sont pas concernées. Aussi, comme on l'a vu, la loi encadre la possibilité de diffusion. En effet, il ne faut pas qu'elle soit dévoyée et que son objet premier soit détourné, au profit d'un gouvernement qui préfère ignorer l'inacceptable montée de l'insécurité dans notre pays.
Les journalistes doivent demeurer libres d'informer selon les moyens qu'ils estiment justes et nécessaires.
Et le quidam qui prend une vidéo d’une infraction peut la transmettre à la police pour aider au travail d’enquête. Il peut aussi l’adresser à un journaliste. Dans ce cas, il sera, de toute évidence, protégé par le secret des sources.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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9 commentaires

  1. Dans un monde normal, le journaliste qui souhaite publier une information doit établir une demande en sept exemplaires sur un imprimé réglementaire que tout journaliste disposant d’une carte de presse à jour peut se procurer en écrivant au ministère de l’information en précisant les caractéristiques principales de l’information concernée. Dans ce monde normal, le ministère dispose d’un délai de huit jours pour lui faire parvenir les sept exemplaires de cet imprimé (les photocopies ne sont pas autorisées). L’imprimé de qu’âtres pages 21×29,7 prévoit les éléments qui doivent être fournis par le journaliste et notamment son état-civil, son curriculum vitae, l’information très circonstanciée qu’il désire publier, son origine, le nom et les coordonnées des personnes grâce auxquelles il a obtenu cette information, le nom et les coordonnées de l’organe de presse auquel l’information est destinée et le format de la publication projetée. Le ministère doit saisir la commission de la liberté de la presse dans un délai d’une semaine et cette commission dispose d’un délai de de deux semaines pour prendre sa décision. En cas de contestation de cette décision, le journaliste peut saisir la juridiction administrative qui doit rendre son jugement dans les douze mois. En cas d’appel, la Cour d’Appel administrative doit statuer dans les vingt quatre mois. En revanche, les organes de presse qui possèdent une carte du parti au pouvoir (suivez mon regard) sont dispensés de cette procédure pour des durées de six mois renouvelables. Voilà ce que devrait être la procédure pour obtenir une presse libre et transparente … dans un monde normal.

  2. Au sujet des « images » de l’attaque de cet ex militaire syrien à l’encontre d’enfants dans des poussettes, le gouvernement et macron doivent être condamnés pour « mise en danger de mort avec préméditation contre les français » … Les touristes attaqués ont eux aussi à porter plainte … L’assaillant n’a pas demandé la nationalité des victimes … donc il savait qu’il avait de grandes chances d’attaquer des français ! …
    la « récupération politique » est infâme mais rien ne sera changé au niveau français et encore moins au niveau de l’UE … La gangrène sera totale ou il va falloir amputer au niveau de l’UE …

  3. Si ça gêne le garde des SOTS , surtout ne faites rien, sinon la prison vous attend et l’amende. Quand j’entends journellement pour telle infraction, tant d’années de prison et une somme considérable en amende, n’est ce pas du wokisme . Car ces gens qui pratiquent ces infractions, la prison, ils s’en foutent, et l’amende encore plus, car à moins de les déshabiller, il n’y a rien à prendre.

    • J’aime beaucoup, « le garde des SOTS ». Les « Petits garnements » savent que les prisons sont pleines et qu’ils ne paieront jamais l’amende. La vie est belle, pour eux!

  4. En clair, ils ne faut pas que les Français sachent ce qui se passe. Une marche blanche suffit après le drame.

  5. Dans le cas d’Annecy la censure des images de l’attaque procède plus de la peur du gouvernement de montrer l’horreur de la violence terroriste, et de ce fait d’avoir affaire à toute accusation indignée, à la colère des Français s’apercevant que ce gouvernement ne fait rien pour assurer leur sécurité, et que bien au contraire, il amplifie l’insécurité par l’immigration incontrôlée et le tourisme terroriste à travers tout le pays.…
    Censure rime souvent avec dictature…

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