Immigration : Éric Coquerel (LFI) et le patron du MEDEF, même combat !

Photos de Patrick Martin (à gauche) et Éric Coquerel (à droite) sous licence Creative Commons
Photos de Patrick Martin (à gauche) et Éric Coquerel (à droite) sous licence Creative Commons

« Il faut stopper l’immigration officielle et clandestine », disait le communiste Georges Marchais, le 9 janvier 1981. « Il est inadmissible de laisser entrer de nouveaux travailleurs immigrés en France alors que notre pays compte près de deux millions de chômeurs français et immigrés », martelait-il encore. Quarante ans plus tard, la gauche en aurait-elle tiré des enseignements ? Pas vraiment.

Invité de BFM Politique, le 15 septembre dernier, le député de Seine-Saint-Denis (LFI) Éric Coquerel a affirmé que « le problème numéro un, dans ce pays, n'est pas la question de l'immigration. Quand on parle avec le patronat éclairé, la France n'a pas suffisamment d'immigrés. » La gauche serait donc devenue l’idiote utile du grand patronat ? Pour de nombreux essayistes et syndicalistes, la réponse est oui. Loin, très loin des dérives du système capitaliste identifiées par Marx, qui dénonçait une « armée industrielle de réserve », la gauche se fait – depuis quarante ans – le chantre du « village global », au détriment des travailleurs français, jetés dans les bras du Rassemblement national. Depuis le rapport « Projet 2012 », publié en 2011 par le think tank progressiste Terra Nova, les partis de gauche ont choisi. Plutôt que la classe ouvrière française, ceux-ci privilégient « la France de demain », « plus jeune, plus diverse, plus féminisée ».

Insoumis et patrons de tous les pays, unissez-vous !

Les positions d’Éric Coquerel devraient bien arranger Patrick Martin, le président du MEDEF. Chien et chat, le député insoumis et le grand patron se retrouvent pourtant sur un point : l’ouverture des frontières à tous vents. Fin 2023, le successeur de Geoffroy Roux de Bézieux tenait, sur Radio Classique, un discours fait pour plaire aux sans-frontiéristes : « D’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social et notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers. » Des propos que détricotaient pourtant, quelques mois auparavant, le syndicaliste Joseph Thouvenel auprès de L’Incorrect : « [C’est] faux. Pour un certain nombre de métiers […] se pose la question des rémunérations et des conditions de travail. C’est à cela qu’il faut s’attaquer, avant de faire venir une main-d’œuvre corvéable à merci et dont une partie non négligeable est en situation illégale. »

Le grand patronat commencerait-il à virer à l’extrême gauche ? C’est plutôt l’inverse : la gauche tout entière s’est ralliée au grand patronat. « Jusqu’à la crise des années 1970, l’immigration était encouragée par les milieux libéraux et la droite, car elle favorisait la concurrence sur le marché du travail et permettait de recruter une main-d’œuvre moins chère. Sans que cela soit toujours assumé publiquement, car les syndicats et la gauche y étaient plutôt hostiles », explique le chercheur au CNRS Hervé Joly auprès de nos confrères du Monde.

Des voix discordantes à gauche ?

« La gauche est enfermée dans un cercle vicieux », notent Bassem Asseh, premier adjoint socialiste à la mairie de Nantes, et Daniel Szeftel, militant socialiste, dans leur contribution pour la Fondation Jean-Jaurès, publiée en janvier 2024. « Malheureusement, à gauche, le tournant idéologique pris dans les années 1980 [création de SOS Racisme en 1984 ou encore Marche des beurs en 1983, NDLR] conduit à une véritable amnésie : le discours sur la régulation de l’immigration semble oublié et chaque tentative de renouer avec lui est systématiquement assimilée à un discours raciste et d’extrême droite », constatent les deux socialistes.

Si certains, à gauche, souhaitent traiter la question migratoire avec pragmatisme, c’est bel et bien contre vents et marées. Tantôt qualifiés de réactionnaires comme François Ruffin – qui dénonce les campagnes politiques de LFI construites sur des « bases quasi raciales » dans son nouveau livre – ou de lepénistes comme Régis Debray en 2010 – après la publication de son Éloge des frontières –, la marge de manœuvre est faible, à gauche. De quoi caresser dans le sens du poil les milieux d’affaires qui se montrent, dans le même temps, très frileux face au programme économique du Rassemblement national. Ce programme inclut, entre autres, un contrôle strict de l’immigration. Chez LFI, les « classes populaires » chères à Marchais n'ont plus d'intérêt, l'immigration est un projet et le « patronat » n'est plus l'ennemi public. Sacré virage !

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/09/2024 à 22:36.
Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Il faut arrêter de se moquer de nous, et de nous prendre pour des jambons en essayant de nous mettre dans le crâne qu’il y a des métiers que les Français (de souche) ne veulent pas faire. Chez moi cela fait 32 ans que je vois UNIQUEMENT des Français (de souche) derrière des camions-poubelles, été comme hiver. Jamais vu un seul « migrant ». C’est simplement qu’au lieu de se mettre au chômage, les Français (de souche) feraient bien de se mettre au travail.

  2. Les employeurs ont toujours recherché de la main d’oeuvre pas chère , et l’immigration est la solution , depuis plus de cinquante ans . sans se soucier des conséquences.
    La nouveauté est la position de la gauche sur le sujet , dans les années 60 elle voulait limiter l’immigration pour défendre les salaires des travailleurs , voir les déclarations de Georges Marchais du parti communiste .

  3. Des immigrés, pour quoi faire. Il y aura de moins en moins d’emplois, et de plus en plus qualifiés.
    Et nous avons des millions de chômeurs.

  4. Par quel miracle une telle entente se révèle possible, les communistes clamant que l’embauche de migrants conduisant à la dévalorisation des salaires et le MEDEF se satisfaisant de ces embauches à moitié prix

  5. Entre les TUC et autres contrats pour les jeunes payés en-dessous du SMIG puis du SMIC dans les années 80, est né le RMI ensuite le RSA (ressources sans contrepartie) en attendant le revenu universel que l’on projette de mettre en place. Pourquoi voudriez-vous que certains d’entre eux – et ils sont nombreux – travaillent ? On ne vit pas de ces revenus-là sans allocations. Et donc croissance des dépenses sociales assurée. Car tout a été fait pour bannir la notion même de valeur du travail. Les gens qui font partie de ce groupe sont jugés pratiquement incapables de s’insérer dans le monde actif avec les progrès actuels. Alors on va chercher ailleurs, toujours pour un moindre salaire, des personnes qui se retrouvent à faire les petits boulots délaissés et qui finiront, elles aussi, tôt ou tard, par les rejoindre. Un pays ne peut se construire sur de telles bases, ni se développer. Il y a ceux qui, profitant de la situation, s’enrichissent au mépris de l’avenir et de l’intérêt général. Le patronat tout comme Coquerel ne s’en formalisent guère allant jusqu’à justifier les raisons de cet état de choses et tant pis pour les Smicards qui tirent la langue. « Après eux le déluge ». La faillite est au bout du chemin. On y est presque.

  6. L’un comme l’autre cherchent les avantages des immigrés : des travailleurs pas cher pour l’un , des adhérents manifestants pour l’autre . les 2 se rejoignent pour faire payer à la société française le coût social et humain d’une telle importation . Au global , bénéfice = perte !

  7. Les grandes entreprises ont besoin de travailleurs asservis et LFI d’électeurs; d’où les mêmes besoins. Peu importe que les électeurs soient asservis.

  8. Tiens, un scoop…A propos, qui a permis (en particulier)l’élection de Macron en 2017 et 2022? Qui a préparé avec Macron la magouille électorale du second tour des législatives? Il serait temps que tous ceux qui veulent modifier le processus politique de la France se rassemblent derrière le RN et ses figures de proue pour imposer la présidentielle anticipée qui peut les amener à l’Elysée.

    • Oui, parce que ce coût est un bénéfice pour un certain nombre! Si cela ne rapportait pas (aussi bien en nombre de voix aux élections, qu’en nombre d’euros pour les trafiquants) cela fait longtemps que le problème serait résolu!

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