Immigration : Merkel et Sánchez appliquent un cautère sur une jambe de bois

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Un nouveau couple européen s'est noué, cette fin de semaine : Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, a reçu Angela Merkel dans sa résidence d’été du parc de Doñana, en Andalousie. On ignore s'ils ont dansé le flamenco ou si le jeune hidalgo a joué la sérénade pour charmer la mûre Teutonne : quoi qu'il en soit, ils ont scellé une union inattendue. En cadeau de fiançailles, Pedro Sánchez s'est engagé à reprendre tous les migrants qui arriveraient sur le territoire allemand après avoir déposé une demande d'asile en Espagne.

Ils sont également convenus d'apporter une plus grande aide financière au Maroc en matière de sécurité frontalière et d'y impliquer davantage la Commission européenne. Il faut dire que du Maroc partent ou transitent de nombreux migrants venus d'Afrique. L'Espagne, avec ses enclaves marocaines de Ceuta et Melilla, est particulièrement concernée. Elle arrive désormais en tête, avant l'Italie et la Grèce, dans l'accueil des migrants.

Mais cette union est loin d'être désintéressée. Le Premier ministre espagnol veut se donner pour modèle, mais il dispose de peu de soutien au Parlement. Il est donc tout content d'obtenir l'attention de la puissante Allemagne et d'apparaître comme un acteur important dans la politique migratoire européenne. Quant à Angela Merkel, elle est contrainte d'apaiser les exigences de son ministre de l'Intérieur qui voudrait refouler d'Allemagne tout demandeur d'asile déjà enregistré dans un autre pays. Elle envisagerait de semblables accords avec la Grèce et, peut-être même, l'Italie.

Ces mesures dissimulent, en fait, la faiblesse et la division de l'Europe face à l'immigration. Plusieurs pays de l'Union sont hostiles à une immigration incontrôlée, notamment d'anciens membres du bloc communiste, comme la Hongrie, la République tchèque, la Pologne ou la Slovaquie. S'y sont rajoutés, dernièrement, l'Autriche et l'Italie. Quant aux autres pays (France, Allemagne, Espagne...), leurs dirigeants, fussent-ils personnellement favorables à l'immigration, doivent tenir compte de leurs opinions publiques, qui y sont majoritairement hostiles ou tendent à le devenir.

Pour faire bonne figure, la chancelière allemande et le Premier ministre espagnol annoncent des mesures bilatérales et une coopération avec le Maroc. Ils donnent l'illusion de l'action, mais c'est appliquer un cautère sur une jambe de bois. Cela n'empêchera pas les migrants africains de chercher à traverser la Méditerranée grâce au trafic des passeurs, d'être recueillis par des navires d'ONG, de débarquer en Espagne s'ils ne peuvent plus le faire en Italie.

Angela Merkel, après avoir fait preuve d'une générosité débordante à l'égard des migrants, pratique maintenant une politique plus modérée pour ne pas fâcher son allié de la CSU et se maintenir au pouvoir. Pedro Sánchez, arrivé par hasard au gouvernement, veut se faire un nom sur la question migratoire, à condition que cela ne lui coûte pas trop cher. Ce n'est pas en l'utilisant au profit de ses ambitions personnelles ou par de petits arrangements qu'on la réglera. C'est en prenant le problème à bras-le-corps, sous tous ses aspects.

Les peuples européens pourraient bien le rappeler à leurs dirigeants, lors des prochaines élections européennes.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:49.
Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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