Immigration : qu’est-ce que Carole Delga n’a pas dit !

Carole Delga, ancienne secrétaire d’État sous François Hollande et, depuis 2016, présidente socialiste de la région Occitanie, était jusqu’alors connue pour sa condamnation définitive pour discrimination fondée sur des opinions politiques et entrave à l’exercice d’une activité économique. Le fond de cette condamnation ? Elle avait refusé de signer un contrat de ville avec la municipalité de Beaucaire, dans le Gard, dirigée par Julien Sanchez (FN puis RN). On prête désormais à Mme Delga des ambitions présidentielles, pour incarner cette fameuse social-démocratie qui refuse de se fondre dans le macronisme, avec, en toile de fond, cette question lancinante : le PS peut-il faire mieux en 2027 qu’Anne Hidalgo en 2022. 1,75 %, record à battre ! C’est sans doute pour cela que Carole Delga s’est rendue à La Réunion, au début du mois de mai, sous sa casquette, bien pratique, de présidente de l’Association des régions de France. Lors de cette visite, elle n’a d’ailleurs pas hésité à jouer la petite Cosette en évoquant ses « origines modestes » qui ne « l’autorisaient pas à rêver autrefois de se rendre un jour à La Réunion ». Important, les origines. Essentiel, même. On ne peut y échapper, d’une manière ou d’une autre.

Et l’on en arrive à notre sujet du jour qui vient de placer Mme Delga en tête de gondole des polémiques du moment. Une polémique où l’on voit la gauche – ou, plutôt, les gauches – s’entredéchirer. Invitée, mercredi 7 juin, sur France Info, la présidente de la région Occitanie est interpellée sur l’Arlésienne du gouvernement : le projet de loi Immigration qui va finir par entrer dans l’arène (on s’achemine vers la présentation d’un texte en juillet). Et là, c’est le « clash ». Enfin, pas tout de suite. Sur le thème bien connu « l’immigration est une chance pour la France », Carole Delga joue sa partition a capella. Il faut « arrêter de véhiculer cette image d’une immigration qui ne représente qu’une menace ». « L’immigration, c’est une richesse pour la France. Qui a fait fonctionner les hôpitaux, les maisons de retraite pendant le Covid ? Beaucoup d’immigrés. » C’est beau. Que du grand classique, entendu mille fois, comme une rengaine qu’on n’arrive pas à se sortir de la tête. Un peu convenu, mais c’est beau. Mais vient l’incident. « Qui sont les personnalités préférées des Français ? C’est Kylian Mbappé, c’est Yannick Noah, c’est Omar Sy. » L’a oublié Zidane, mais bon. Immédiatement, c’est le tollé. Sur le plateau, d’abord. La journaliste de France Info Salhia Brakhlia s'indigne. Le Huff évoque une « moue dubitative ». C’est ce qu’on doit appeler la neutralité du service public. Mais comment ? Kylian Mbappé, Yannick Noah et Omar Sy sont nés en France et pas ailleurs... Entre nous, les deux derniers sont peut-être nés en France, mais vivent plutôt ailleurs. Mais ça, c’est une autre histoire.

Alors Delga, pour échapper aux dégâts de la sortie de route du politiquement correct, donne immédiatement un coup de volant à gauche : « Ils sont d’origine d’autres pays. Ce sont les fruits de l’immigration. » Ce qui est incontestable. De même que les Le Floch, Le Gall, Le Guen et autres Le Pen sont en général originaires de Bretagne et non du Burkina Faso, les porteurs du patronyme Mbappé tirent en général leurs origines du côté du Cameroun plutôt que du Bas-Poitou. C’est comme ça. D'ailleurs, restons-en aux Bretons : les descendants de ceux qui débarquèrent, un beau matin de printemps à la gare Montparnasse, il y a cent ans, sont bien les fruits, non pas de l’immigration mais de ce qu’on pourrait appeler une migration intérieure : on a appelé ça l’exode rural. On a le droit de l’évoquer, d’en parler, non ? Et on ne pourrait pas le faire pour ceux qui viennent d’Afrique ou d’ailleurs et dont les parcours familiaux, au bout d’une, deux, trois générations, sont à citer en exemple ? Est-ce pour s'éviter d'évoquer, a contrario, les parcours plus chaotiques - on va dire ça comme ça -, au point qu'on a pu parler, ces dernières années d'un véritable phénomène de « désassimilation » en certaines contrées de notre pays ?

Mélenchon, à l'affût de tout, a tout de suite sorti la grosse artillerie : « Carole Delga affiche ses préjugés sur la nationalité de Français d'après leur couleur de peau. Consternante contamination par les clichés de l'extrême droite. Tous ces gens défont la France au lieu de construire chaque jour son unité. L'Occitanie mérite mieux. » J'ai mal lu ou elle a pas dit ça, Delga ? On a compris que Mélenchon n’a qu’une idée : conserver sa niche électorale et, au passage, dézinguer les socialistes qui refusent de lui baiser l'anneau.

Carole Delga affiche ses préjugés sur la nationalité de Français d'après leur couleur de peau. Consternante contamination par les clichés de l'extrême droite. Tous ces gens défont la France au lieu de construire chaque jour son unité. L'Occitanie mérite mieux.

— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) June 7, 2023

Face à la bronca, Carole Delga s’est empressée de faire part de ses « regrets ». Je « me suis mal exprimée », tout ça. Après le coup de volant, le rétropédalage. Hollande nous avait bien fait, en direct devant les caméras, une séance de serpillière lors de l’affaire Leonarda. On ne pouvait donc en attendre moins de la part d'une socialiste de stricte observance. Loin d'elle, bien évidemment, l'idée de faire de la discrimination. Enfin, pas sur ce terrain...

Imprimer, enregistrer en PDF cet article