Importation illégale de viande de brousse en France : la douane dépassée

Pangolin

Cette semaine, l’AFP a évoqué de nouveau ce que l’on peut appeler « le scandale de l’importation illégale de la viande de brousse ». De nombreux douaniers s’insurgent contre l’inertie des gouvernants. Ils doivent, chaque semaine, faire face à l’afflux de centaines de kilogrammes de viande de brousse venue d’Afrique ou d’Asie. Selon le comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), plus de 36 tonnes de denrées périssables illégales ont été saisies en un an au seul terminal T2 de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, dont plus de dix tonnes de ces viandes.

Parmi elles, de nombreuses espèces protégées comme certains grands primates... Les douaniers découvrent également des morceaux de python, des vers séchés, des pattes de varan ou encore les fameux pangolins. Le risque sanitaire est considéré comme particulièrement élevé en raison des zoonoses, ces maladies qui se transmettent de l’animal à l’homme, bien connues depuis le Covid. Les agents des douanes se plaignent d'odeurs infectes, de blessures causées parfois par des arêtes, bref, de leurs conditions de travail assez peu acceptables. Ils défendent également le fait que l’arsenal juridique et judiciaire ne soit pas suffisant pour empêcher la prolifération de ces importations en constante augmentation.

Pourtant, le 20 septembre dernier, le député des Bouches-du-Rhône avait interpellé, sur le sujet, le ministre de la Santé par le biais d’une question écrite.

La réponse fut formulée le 22 décembre 2022 par le ministère de l’Économie et n’est pas autre chose que le constat d’une impuissance et, donc, d’un échec dans le domaine. Après avoir expliqué qu’aujourd’hui sont mis en place des groupes de travail qui travaillent (on s’en doutait) sur des axes de travail [...] qui sont eux-mêmes à l’étude pour identifier les moyens opérationnels les plus efficaces pour lutter contre ce phénomène, l’idée principale serait d’impliquer d’avantage les compagnies aériennes. On ne sait pas trop comment, mais ça serait l’idée.

De surcroît, la réponse se termine ainsi : « Il est toutefois probable que ces seules mesures ne permettront pas d’enrayer entièrement ces pratiques si des dispositifs volontaristes de l’ensemble des parties prenantes à ces problématiques ne sont pas mis en œuvre concomitamment et à titre principal dans les pays de départ. » Bref, on ne peut pas faire grand-chose si les pays d’Afrique et d’Asie concernés ne prennent pas leur part. Autrement dit, ce n’est pas vraiment de notre faute si on est impuissant.

Il est donc nécessaire de rappeler que la réglementation sur l’importation de ces espèces émane d’un règlement européen. Le Code de l’environnement contient un dispositif pénal qui pourrait permettre d’agir contre celui qui, par exemple, porterait atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques.

Néanmoins, et comme souvent, les douaniers estiment tout cela insuffisant, ainsi, d’ailleurs, que les moyens mis à leur disposition. Ils rapportent que, souvent, les personnes importatrices s’en sortent avec une simple amende. Selon eux, il faudrait mettre en place une véritable responsabilité légale du transporteur et une disposition pour limiter le poids des valises. Actuellement, il est possible de voyager avec deux valises de 23 kilos chacune.

Enfin, il est remarquable de constater que les véritables questions ne sont jamais posées. Pourquoi constate-t-on une demande de plus en plus élevée de viande de brousse en France et, plus généralement, en Europe ?

Il faudra un jour discuter des effets néfastes de la mondialisation et du multiculturalisme. Car la cuisine est bien l’identité d’un pays et un élément de son patrimoine culturel immatériel.

Me Alain Belot
Me Alain Belot
Avocat au barreau de Paris, chroniqueur à BV

Vos commentaires

27 commentaires

  1. Bin oui mais les amateurs sont aussi exotiques que les produits en cause, donc on ne touche pas, ce serait du racisme…

  2. « Pourquoi constate-t-on une demande de plus en plus élevée de viande de brousse ? » Alors ça, vraiment, on se le demande…

  3. Et qui contrôle ce que les restaurants Thaï, Chinois et autres, reçoivent en produits… congelés?…Et que l’on vous sert comme du « frais fait maison? » Ils détruisent les emballages pour que personne ne voit ni la provenance ni le contenu. Bon appétit.

  4. Après avoir été accusé du pire désastre sanitaire dans le monde, voici le pangolin dans nos assiettes. Vous en reprendrez bien un petit morceau avec quelques grillons grillés et une sauce de vers séchés. Que du bio, garanti!

  5. Pauvre pays !! Pas un domaine où nous ne sommes pas débordés et impuissants !! Si le code pénal se réduisait à une dizaine de pages , l’application des lois serait vite faite et les avocats n’auraient plus à aller chercher des décrets datant de plusieurs siècles !! Un grand ménage serait salutaire pour être efficace !

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