Incendies meurtriers : un ministre limogé. En France ? Non, en Grèce

Hôtel_de_Beauvau,_bureau_du_ministre

Un incendie à l’est d’Athènes a causé la mort d’au moins 88 personnes. Sous la pression de l’opposition et de l’opinion publique, le Premier ministre grec Aléxis Tsípras a limogé, vendredi, le ministre-adjoint chargé de l’Ordre public et de la Protection des citoyens. "La perte de tant de vies humaines à Mati a dépassé [le] désir de continuer", a déclaré Nikólaos Tóskas, le ministre démissionnaire-démissionné. L’opposition estime que ces incendies étaient prévisibles et qu’aucune campagne de prévention n’avait été décidée. Une catastrophe devient donc une crise politique. Quelque chose d’assez insolite pour nous Français.

En effet, on ne voit pas un ministre de l’Intérieur démissionner après un attentat islamiste qui fait des dizaines de morts dans Paris, alors, pour un incendie… En France, on ne limoge pas un ministre pour un tel motif : il y a les préfets, pour ça ! On se souvient, à l'automne 2017, du limogeage du préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes après l’assassinat de deux jeunes filles, à la gare de Marseille, par un Tunisien qui avait été relâché d’une détention administrative. "Un ensemble de dysfonctionnements" à la préfecture du Rhône, s'était empressé d'affirmer Gérard Collomb. "Politiquement, il faut un responsable", avait déclaré publiquement le préfet limogé. On notera qu’il n’avait pas dit « Il faut un responsable politique ». Nuance ! Cela dit, quelques mois après, le 12 mars 2018, ce préfet débarqué était nommé directeur général adjoint du groupe ADP (anciennement Aéroports de Paris). Mais on était passé à autre chose…

En France, on limoge un ministre en cas de désaccord politique selon la règle que Jean-Pierre Chevènement a immortalisée à l’époque de la première guerre du Golfe : "Un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule." Il avait eu un prédécesseur, le navigateur Alain Bombard, qui n’était resté qu’un mois secrétaire d’État à l’Environnement en 1981 parce qu’il disait trop ce qu’il pensait, selon lui. En 1988, le professeur Schwartzenberg, ministre délégué à la Santé du gouvernement Rocard, avait été invité gentiment à démissionner après… neuf jours au gouvernement à cause de ses prises de position sur la consommation de drogue. On pourrait aussi évoquer la démission de Delphine Batho, débarquée en juillet 2014 du ministère de l’Écologie pour avoir critiqué les coupes budgétaires.

En France, on limoge un ministre pour cause d’ennuis judiciaires. La liste est longue comme un jour sans pain…

Mais, en France, on ne limoge pas un ministre parce qu’il y a eu des "dysfonctionnements" dans son ministère. L’affaire Benalla vient encore de nous en donner un parfait exemple. Il y a un an, on nous bassinait avec la moralisation de la vie politique en votant, dans la précipitation d’un nouveau mandat, une loi "pour la confiance dans la vie politique". Pour retrouver la confiance des citoyens, il n’est pas nécessaire de voter des lois tatillonnes où l’on en est à demander aux députés de présenter leurs facturettes. On ne légifère pas sur la confiance. Les Français retrouveront peut-être un peu confiance dans la politique le jour où, comme en Grèce, un ministre reconnaîtra sa responsabilité politique et démissionnera après, par exemple, un attentat, prévisible comme les feux de forêt.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois