Influenceurs algériens : la haine de la France en roue libre sur TikTok

© Capture écran TikTok
© Capture écran TikTok

« On est les soldats de l’extérieur, on est les soldats dormants. » Ce 6 janvier, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes et du Rhône annonce avoir signalé aux autorités de nouveaux « influenceurs qui appellent à la haine et à la violence dans des vidéos publiées sur TikTok ». Trois influenceurs, résidant présumément dans la région lyonnaise, sont visés par cette démarche. Il s’agit de Sofia Benlemmane, suivie par plusieurs centaines de milliers d’abonnés, soupçonnée d’avoir proféré des insultes au cours d’un « live » en septembre ; d’Abdesslam, dit Bazooka, qui a, quant à lui, menacé d’égorger les opposants au régime algérien ; et enfin de Laksas06, qui a repris une bande-son dans l’une de ses vidéos dans laquelle il se présente comme un « soldat de l’extérieur » prêt au sacrifice pour l’Algérie. Cette dernière vidéo a été visionnée plus d’un million de fois en trois semaines. Bien que signalés par la préfecture et sur la plate-forme Pharos, ces comptes et leur contenu étaient encore accessibles, ce 6 janvier. Cette démarche de signalement d’influenceurs algériens s’inscrit dans un mouvement national. Ces 3 et 5 janvier, trois autres influenceurs algériens, qui lançaient des appels à la violence en France, ont ainsi été signalés, interpellés et placés en garde à vue. Bruno Retailleau annonce ne « rien [vouloir] laisser passer ».

« Ils ne s'intégreront jamais »

L’un d'eux, connu sous le pseudonyme « ImadTintin », qui appelait notamment à « brûler vif, tuer et violer sur le sol français », dans une vidéo exhumée par le lanceur d’alerte Chawki Benzehra, a été interpellé ce 3 janvier et présenté à un juge deux jours plus tard. Il comparaissait, ce lundi, pour « provocation directe à un acte de terrorisme ». Visé par une OQTF, il sera face au juge, mais son procès a été reporté au 5 mars. Comme lui, Youcef A., dit « Zazou Youcef », lançait des appels au meurtre sur TikTok. Dans l’une de ses vidéos, cet influenceur aux plus de 400.000 abonnés déclarait : « On va vous faire comme dans les années 1990. On va tirer sur vous […] Vous voulez sortir le 1er janvier ? Tirez sur eux [en parlant des opposants au régime algérien]. » Interpellé à Brest le 3 janvier, il a été placé en détention provisoire et sera jugé pour apologie du terrorisme, le 24 février prochain. Également visé par une OQTF, il encourt une peine de sept ans de prison et 100.000 euros d’amende. Reste Doualemn, interpellé ce 5 janvier en fin de journée pour avoir lancé des appels à la violence à l’encontre d’un opposant au régime algérien. Pour l’essayiste Driss Ghali, interrogé par BV, ces influenceurs algériens n’ont en réalité « jamais quitté leur pays d'origine, mentalement. Leurs cœurs et leurs esprits sont restés au sud de la Méditerranée, et ils y accèdent 24h/24 via WhatsApp et les réseaux sociaux. » Pour l'auteur de De la diversité au séparatisme, « ils ne s'intégreront jamais ».

Ces influenceurs sont loin d’être isolés. Ces derniers jours, à la suite de leurs interpellations respectives, ils ont bénéficié sur les réseaux sociaux d’une importante vague de soutien, signe que leur propos d’une rare violence rencontrent un certain écho, notamment en France. Un mot-dièse #Youcefestpasunterroriste a, ainsi, été créé en soutien à Zazou Youcef. Une page de supporters de football algérien lui a apporté publiquement son appui. Des comptes, plus ou moins suivis, arborent également le visage de l’influenceur sur leur profil. À cela s’ajoutent les nombreuses menaces envoyées à Chawki Benzehra, réfugié algérien en France et lanceur d’alerte dans cette affaire. Sur X, l’homme confie ainsi être victime d’un « torrent de menaces de mort ». Selon Driss Ghali, ces influenceurs et leurs abonnés ont été biberonnés par un discours victimaire. « C'est un syndrome de persécution injecté aux stéroïdes, car il trouve dans les réseaux sociaux des milliers de clients avides », explique-t-il.

Des « doutes » sur la relation avec Alger

L’affaire des influenceurs algériens s’inscrit dans un contexte plus large de tensions franco-algériennes. Ce 5 janvier, devant le Grand Jury de RTL, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a en effet émis des... « doutes » quant à la volonté d’Alger de respecter les différents accords. « Nous observons des postures, des décisions de la part des autorités algériennes qui nous permettent de douter de l'intention des Algériens de se tenir à cette feuille de route », a-t-il déclaré. Depuis le virage diplomatique de la France et la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, l’Algérie durcit le ton. Refus de délivrer des laissez-passer consulaires pour permettre l’expulsion de ses ressortissants, arrestation de Boualem Sansal, discours accusateur contre la France, rappel de l’ambassadeur : autant d’exemples qui illustrent ce refroidissement diplomatique.

Dans ce contexte, Driss Ghali appelle d’abord à punir les auteurs de ces délits afin de « faire comprendre à l’Algérie que la France n’est pas un pays conquis » et de mettre un terme au laxisme. Ensuite, sur le terrain diplomatique, il ajoute qu'il est nécessaire de montrer à Alger, via une médiation, que Paris « ne veut plus d’une relation spéciale » mais d’une « relation normale basée sur le respect mutuel ». Enfin, l’essayiste appelle à un sursaut et à une guerre de la communication : « Il faut placer dix influenceurs pro-France face à chaque influenceur algérien ou anti-français. »

Picture of Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Moi, Français, quand je fais un séjour à l’étranger, je n’ai pas besoin de laissez-passer consulaire pour revenir en France. Ces gens là sont Algériens, en séjour en France, qu’ils rentrent donc chez eux en Algérie. Point final. Qu’est-ce encore que cette histoire débile de laissez-passer consulaires ? Une invention débile pour nous ligoter les pieds ?

  2. Monsieur Ghali a raison, il faudrait dans un monde idéal, rentrer dans une guerre de communication avec des influenceurs pro-français. La difficulté est que ce sont ces influenceurs à qui on supprime les comptes pour les empêcher de s’exprimer, voire même à les condamner pour appel à la haine.

  3. Comment des journalistes dits « libres et indépendants » peuvent-ils qualifier d’influenceurs des individus, étrangers pour la plupart, qui appellent ouvertement à la haine et à la violence ? La réalité est pourtant bien là et trop visible pour être ignorée de nos dirigeants. Mais nous faisons tout le contraire de ce qu’il faudrait faire : nous les glorifions sur les plateaux TV en leur faisant généreusement une publicité qui ne peut qu’inciter d’autres « influenceurs » à leur emboîter le pas. Je rappelle que s’il s’agit d’étrangers, cette qualité leur permet d’être immédiatement expulsés au motif de sécurité du territoire. Et si cela n’est pas fait c’est qu’on empêche nos ministres de faire leur job ! Alors, allons-nous enfin désigner ce « on »…

  4. Il n’y a pas qu’eux, c’est le monde ex-colonisé qui s’en prend à l’Occident , une revanche du temps passé, beaucoup du fait de la Chine suivie par mimétisme par des pays qui n’auraient pas imaginé s’inscrire dans ce mouvement. Si la France est principalement visée , cela vient un peu de sa gouvernance , son président immature avec ses mépris lors de ses estocades verbales qu’il est incapable de maîtriser et aussi avec sa diplomatie erratique et colérique.

  5. Ces personnes la, ne sont que l’émanation de la haine qu’ont les dirigeants FLN de cette magnifique Algérie que leur ont laissé les « pieds noirs » que je salue et que soldat, j’avais essayé de protéger. Magnifique Algérie qu’ils ont ruiné pour des intérêts personnels, au détriment de leur population. Qui plus est ils font une propagande éhontée contre la France qui serait à l’origine de tous leurs malheurs et qui malheureusement porte auprès des jeunes français d’origine Algérienne, qui n’ont aucune connaissance historique et qui se victimisent pour se donner bonne conscience, face à l’échec de l’Algérie et de leur intégration dans la société Française.

  6. Ils ont tous l’air de débarquer ;comme si on pouvait ignorer que l’Algérie avait sur notre sol des soldats  » dormants » prêts à en découdre. Ces soit-disants influenceurs ne relèvent pas des tribunaux ordinaires, mais de là justice d’Etat… commandée par le président de la République ;mais pour cela encore faudrait il qu’il y en eu un.

  7. Oui ces gens ne risquent que 7 ans de prison ! Je suis curieuse de savoir s’ils seront condamnés à 7 ans, si les peines seront appliquées, qui paiera leurs avocats, etc. Tous les frais inhérents à ces ressortissants algériens ne devraient-ils pas être pris en charge par l’Algérie ? Cette Algérie où l’argent français coule à flots avec la complicité de notre président.

  8. Ce matin l’invité de Mme Sonia Mabrouk était l’ancien ambassadeur de France en Algérie, M. Xavier Driencourt, et son discours est tout à fait éloquent de vérité ; en substance il dit que les dirigeants algériens ont pris l’ascendant sur notre pays par faiblesse de nos gouvernants, et par ricochet nous voyons se répandre ce genre d’agitateurs néfastes qui n’ont plus aucune limite dans leurs propos. Je doute fortement que ces trois individus mis en cause ne soient exonérés de toute peine à l’issue de leur comparution (je rappelle que çà a été le cas de cet agitateur Imzalène) .

  9. Si l’Algérie ne veut pas de ses ressortissants déposons les sur des barques a la limite de leurs eaux territoriales et basta. Je sais que c’est dur et que les droits de l’hommisme vont hurler au loup. Les entend t’on lorsque des français se font arrêter et maltraiter dans ces pays comme Boualem Sansal. Indignation à sens unique.

  10. Cela s’appelle tout simplement une 5ème colonne. L’infiltration est arrivée à son terme : partis politiques, administrations, ministères, défense, police (on se souviendra le l’attentat à la Préfecture de Police de Paris par un converti), éducation, syndicats, entreprises, milieu pénitentiaire (aussi bien côté prisonnier que côté personnel pénitentiaire), justice, criminalité, … On peut soupçonner des pays étrangers comme l’algérie ou la turquie, d’envoyer des barbouzes ou autres agitateurs pour semer le désordre et inciter, en recrutant dans leurs communautés respectives les individus les plus véhéments, au passage à l’acte. On a vu dans l’affaire Samuel Patty que quelques propos diffusés sur les réseaux sociaux suffisaient à déclencher une catastrophe.

Laisser un commentaire

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois