Investiture d’Emmanuel Macron : le sacre du printemps

Tout cela n'a finalement duré qu'une heure. Arrivée sobre du chef de l'État, sur un concerto de Haendel joué par l'orchestre de chambre de la garde républicaine. « Le roi ! », manque de crier l'aboyeur. On se découvrirait presque sur le passage faussement humble du vainqueur. Il y a des triomphateurs de la Haine comme il y eut jadis des héros de Rocroy. Proclamation des résultats par Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel : trop confiant en sa propre mémoire, le brillant normalien que fut jadis Fabius s'emmêle les pinceaux dans la récitation par cœur du nombre de suffrages. Ce n'est pas bien grave, c'est d'ailleurs le seul bémol d'une cérémonie par ailleurs parfaite. Le général Puga, grand chancelier de la Légion d'honneur, remet - à nouveau - le collier de grand maître de l'ordre à Emmanuel Macron.
Disons-le honnêtement : la chorégraphie est exceptionnellement réglée. Pas de fioritures, pas de misérabilisme non plus. Chacun est exactement dans son rôle : Fabius, solennel sans affectation, fait preuve de la nécessaire gravitas qui sied à sa fonction. Sapé comme un prince du sang, carré de soie diplomatique dans la poche de sa veste. Puga, aussi décoré que Salan autrefois, est un vieux héros qui a eu la patience (et probablement la grande intelligence) de servir la France sous plusieurs Présidents un peu médiocres (Sarkozy puis Hollande). Chacun incarne précisément ce que représente sa fonction.
Et puis, finalement, il prend la parole. 9 minutes 40, à peu près. Il y a un peu de tout, dans son discours, pour plaire au maximum, ce qui a toujours été son unique objectif. Emmanuel Macron rappelle que les Français ont fait « le choix d'un projet clair », ce qui, effectivement, méritait un rappel, parce que ce n'est pas exactement ce qu'il semblait. Marine Le Pen, Éric Zemmour, sans les citer ? « Sirènes d'idéologies dont nous pensions avoir quitté les rives » au XXe siècle. Quelques tartines de mots, dans une prose pleine d'esbroufe et d'emphase. « Qu'une boussole, servir » ; « léguer une planète plus vivable, et une France plus vivante et plus forte ». On est passé de Louis XVI au Front populaire, puis à de Gaulle, puis à Greta Thunberg. Chapeau, l'artiste !
Le véritable génie de cette journée, c'est le chef du protocole de l'Élysée. Honnêtement, c'est du beau boulot. Après le discours, il y avait une prise d'armes dans les jardins, avec des unités qui ont perdu des soldats au service de la France. Murmures pleins de compassion, à peine audibles (mais assez tout de même pour que les micros les captent), « Je m'incline devant vos drapeaux », etc. Poignées de main avec les chefs d'état-major, qui se disent prêts à servir (le contraire serait étonnant).
Emmanuel Macron n'a finalement rien dit, ou si peu, dans ce discours. Une seule part de vérité lui a comme échappé : « C'est un peuple nouveau [...] qui a élu un Président nouveau. » Un peuple nouveau, c'est en grande partie grâce à lui : l'immigration sous son quinquennat a continué, et ce n'est pas fini. Un Président nouveau, ce n'est pas tout à fait faux : les crises qui se sont accumulées l'ont peut-être fait évoluer à la marge, mais pas changer. Se frotter à des choses abrasives et en sortir renouvelé : cela s'appelle une mue. Mais sous la nouvelle peau, c'est toujours le même serpent. Les serpents ne transpirent pas. Macron non plus : c'est un écrivain qui, admiratif, le constata en 2017. Macron est atteint du paradoxe du coquet : il serait capable de descendre de vélo pour se regarder pédaler. Pas étonnant qu'il se regarde avec amour et se considère lui-même comme nouveau. Mais nous, sommes-nous si naïfs ?
Il s'agissait, en 2017, de penser printemps, vous vous souvenez ? Ce printemps a finalement eu son sacre en 2022, un sacre léger, rythmé par la musique du Grand Siècle, bref et brillant, où chaque chose est à sa place. Le dieu du printemps, chez les Romains, était Vertumne, celui qui séduisit la nymphe Pomone en changeant tout le temps d'aspect et en manipulant son opinion via une audacieuse campagne de communication. C'est exactement ce que nous avons eu. Il n'est pas certain que cela suffise.
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74 commentaires
Article vraiment savoureux ! Bravo, l’artiste !
MHV
Que macron ne dise rien, c’est ordinaire.
Les rares fois où il a parlé concrètement c’était pour mépriser les Français, ou bien dire aux non-vaccinés qu’il avait envie de les emmerder.
Phrase qui à mon avis ne s’adressait pas qu’aux non-vaccinés.
Ses autres sales coups, il les a fait en douce par ordonnance, mais toujours avec son AN caisse enregistreuse.
D’ailleurs, à peine réélu et il est déjà question du 49-3, ça promet.
Il était fier comme ARTABAN, son papa l’était tout autant mais c’est normal, c’est son rejeton. Par contre, le peuple n’a pas le même sentiment, bien au contraire. A son investiture, si nous avions pu lui arracher les plumes, on l’aurait fait car il avait tout du PAON qui se pavane, « regardez moi, je sais, je ne suis pas un cadeau mais c’est moi le plus beau et le meilleur des emmerdeurs etc…… ». En effet, ce n’est pas un cadeau car il va pouvoir achever son oeuvre et ça sera sans remède.
« une seule boussole : servir » Oui mais servir qui ?
Superbe chronique, cela étant dit, on l’a bien profond !
Curieux : un Président nouveau » qui en est resté à l’analyse convenue depuis la guerre de 40 : son extrême droite est toujours celle de Pétain ! A-t-il écouté Zemmour qui ne parle que de la France à sauver, sans idéologie « fasciste »? le fascisme, c’est plutôt le régime qu’il nous impose, décisions personnelles in-discutables. Le mot vient de « fasces », le faisceau de verges des licteurs chargés d’appliquer les volontés légales d’un magistrat romain, pas ses caprices.
Ce sourire et ce regard matois, qui disent : « je vous ai bien eu » sont insupportables.
Je ne peux plus le voir et encore moins l’entendre. Nous avons réussit l’exploit de réélire un Président bonimenteur. Il m’est impossible de croire ce triste sir arrogant.
Les « bobos » de la macronie étaient évidemment au rendez-vous d’une cérémonie que les français ont boudé (tv) à juste raison.
Ce président rassemble aujourd’hui tout ce que les français détestent.
Pendant 5 ans je vais ignorer Macron. Je ne le regarde plus. Dès qu’il apparait je zappe. je ne le supporte plus. Ce n’est pas mon Président.
Sirènes d’idéologies dont nous pensions avoir quitté les rives » au XXe siècle…
Belle inversion: de nombreux Français ont cru voter contre ke fascisme. C’est Macron qui le met en place: sacrifier des personnes au nom d’un intérêt collectif arbitrairement défini et instituer une inégalité en droit au nom de cet intérêt supérieur. Que ce soit au nom de la pureté raciale ou de l’hygiénisme sanitaire ne change rien.
En ce qui me concerne, comme ce n’est pas mon président, je le boycotte. Dès qu’il apparaît sur une chaîne de télé, je zappe. Et si, comme hier, il est sur toutes les chaînes généralistes et d’infos, j’éteins. Question d’écologie mentale.
Cela ne me serait pas venu à l’idée de regarder cette pantalonnade même aussi bien orchestrée, avec notre argent comme toujours ! Sauve qui peut je m’attends à de méchantes surprises dans les mois à venir. Bonne chance à tous, enfin surtout à ceux qui ont voté contre cet acteur qui fait la paire avec l’ukrainien corrompu tiens !
Merci Mr Florac de cette page d’humour grinçant. Ne voulant pas souffrir d’une éruption de boutons, je n’ai pas regardé ce triste spectacle; l’intronisation du destructeur de la France sous le regard ébahi de 450 idiots utiles
Idiots qui voient uniquement leur intérêt à servir le prince.
Une cérémonie parfaite et autosatisfaite, mais les réalités sont ailleurs. Il va maintenant falloir payer la note, et on n’a encore rien vu. Pour commencer, au moins 10% d’inflation, puis une augmentation inéluctable des taux d’intérêt. La France est bien mal repartie et l’automne sera mouvementée. Nous ne pourrons évidemment compter ni sur l’Europe, dominée par les Allemands, ni sur les Etats Unis. Le monde a bien changé, mais en pire.