Investiture présidentielle : un usage plus qu’un symbole
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Contrairement à d’autres pays, la passation de pouvoir entre le président de la République sortant et le Président élu ne fait, en France, l’objet d’aucune loi, d’aucune prestation de serment, d’aucune codification particulière. L’investiture n’est qu’un simple usage qui s’est affiné en cérémonial au fil du temps. Déjà sous la IIIe et la IVe République, le Président élu (par les deux Chambres) entrait en fonction le jour même après une courte cérémonie dans le salon Marengo du château de Versailles, car c’est le lieu où se tenait le Congrès. Depuis le 8 janvier 1959, c’est traditionnellement dans la salle des fêtes du palais de l’Élysée qu’a lieu cette passation de pouvoir et le cérémoniel de l’investiture. Ce jour-ci, le Président René Coty avait adressé au général de Gaulle sa célèbre phrase : "Le premier des Français est aujourd’hui le premier en France." Depuis, plus aucun ancien Président sortant ne s’exprime devant le Président élu. C’est depuis cette première passation de pouvoir, donnant le « ton » pour les investitures futures, que le rituel s’est affiné.
En fait, depuis l’élection du président de la République au suffrage universel direct, c’est la sixième passation que l’Élysée va connaître, entre deux Présidents « en exercice ». Il aurait dû y en avoir deux de plus : en 1969 et en 1974. Mais en 1969, de Gaulle ayant démissionné, c’est Alain Poher, président du Sénat, qui devient, aux termes de la Constitution, président de la République par intérim. De plus, Poher est battu au second tour de la présidentielle par Pompidou. La situation est cocasse dans la mesure où le second transmet le pouvoir au premier ! En 1974, c’est encore Poher, toujours Président par intérim après le décès de Georges Pompidou, qui « transmet » le pouvoir au nouveau chef de l’État : Valéry Giscard d’Estaing, qui tord le cou au rituel du collier de grand maître de la Légion d’honneur. Il préfère ne pas le revêtir, contrairement à ce qu’avaient fait ses prédécesseurs. Valéry Giscard d’Estaing demande simplement à le recevoir des mains du grand chancelier, l’amiral Georges Cabanier (1906-1976).
Son successeur, le général Alain de Boissieu-Déan de Luigné (1914-2006), démissionne quelques jours avant l’investiture de François Mitterrand, en mai 1981, pour ne pas avoir à lui remettre le grand collier de la Légion d’honneur. Car d’honneur, il en a et ne tient pas à décorer l’opposant farouche, hargneux et systématique de son beau-père, le général de Gaulle. Mitterrand n’avait-il pas traité de Gaulle de « dictateur » ? Cette même journée, Valéry Giscard d’Estaing quitte l’Élysée à pied, sous les quolibets, les insultes et aussi quelques crachats.
Depuis lors, toutes les passations de pouvoir se sont passées de manière républicaine, entre amis ou frères ennemis. François Hollande, qui aurait boudé la cérémonie si Marine Le Pen avait été élu, l’a dit et redit : "Pas question de jouer les mentors" envers Emmanuel Macron. Ce 14 mai, la transmission de témoin se fait sans heurts majeurs. Rite et usage, cette cérémonie reste quand même moins symbolique que le portrait officiel du chef de l’État qui va orner tous les bâtiments publics pendant cinq ans. C’est ici que l’on sent vraiment la rupture… ou pas. On attend avec impatience celle du nouveau et jeune chef d’État.
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