Italie : face aux flux croissant de migrants, le bras de fer se durcit entre Meloni et les ONG
91.711 arrivées de clandestins en 2020 pour l’Espagne, l’Italie et la Grèce, 119.831 en 2021 et 123.476 en 2022 (au 30/10) dont 83.727 pour la seule Italie avec l’arrivée massive d’Egyptiens, de Tunisiens et de Bangladais. Tels sont les chiffres donnés par le Haut-Commissariat aux réfugiés et relevés dans une note du site Polemia. Toujours selon cette même source, « les franchissements illégaux des frontières extérieures de l’espace Schengen détectés par Frontex depuis le début de l’année 2022 ont atteint 228 240. Cela constitue une progression de 70 % par rapport à la même période en 2021. L’agence Frontex souligne que le nombre de franchissements illégaux détectés durant le dernier trimestre est le plus haut depuis 2016. » C’est dire si la question migratoire est d’une extrême urgence en Europe et plus particulièrement en Italie. A la crise économique et sociale s’ajoute donc une crise migratoire, sensiblement dans les mêmes proportions que celle de 2015-16.
Chez nos voisins transalpins, depuis l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni il y a une dizaine de jours, il semblerait que la pression des ONG spécialisées dans la récupération de migrants au large des côtes libyennes se soit renforcée. Hasard ou coïncidence ? Il s’agit évidemment de mettre au pas le plus rapidement possible un gouvernement de droite dont la fermeté du discours sur le plan migratoire n’a échappé à personne.
Les faits
« Le 4 novembre, après 13 jours d’attente d’un port sûr pour 179 personnes secourues à bord, le navire Humanity 1 a reçu un décret signé par le ministre de l’Intérieur Matteo Piantedosi, par le ministre de la Défense Guido Crosetto et le ministre des Infrastructures et de la Mobilité Matteo Salvini. Le décret interdit au navire de rester dans les eaux territoriales italiennes plus longtemps que "nécessaire pour les opérations de sauvetage et d’assistance aux personnes en situation d’urgence et en mauvaise santé" », rapporte le Corriere della sera. Effectivement, dans la nuit du 6 au 7 novembre, il est donc accordé au navire Humanity 1 battant pavillon allemand d’approcher du port de Catane. 144 migrants rejoignent la terre ferme (femmes, enfants, malades), 35 restent à bord. Le capitaine Joachim Ebeling refuse de partir tant que tous les clandestins n’ont pas débarqué pour effectuer, à terre, leur demande d’asile : il reviendra alors à l’Italie de les prendre entièrement en charge. Rappelons que le hotspot de Contrada Imbricola, qui dispose de 400 places, compte 1300 pensionnaires.
Dans le même temps, le bateau Geo Barents, battant pavillon norvégien et sur lequel opère Médecins sans frontières, a été autorisé à débarquer 357 personnes vulnérables tandis que 215 sont restées à bord. Dans le courant de l’après-midi du 7 novembre, trois personnes se sont jetées à la mer pour rejoindre le quai, elles ont été secourues par les autorités portuaires.
Face à l’afflux de clandestins, que fait le gouvernement italien ?
La stratégie de Matteo Piantedosi, Ministre de l’Intérieur, et de Matteo Salvini, actuel Ministre des Infrastructures et à ce titre en charge des installations portuaires, est donc celle d’un débarquement sélectif, notifié par ce décret envoyé aux capitaines des bateaux. Il s’agit de faire débarquer et de porter assistance aux personnes fragiles, c’est-à-dire les femmes, les enfants et les malades, et de refuser le débarquement des autres. L’idée est que le pays dont ils battent pavillon doit s’occuper des occupants des bateaux : une façon de renvoyer l’UE à ses responsabilités, de retourner l’argument moral contre ses plus fervents zélateurs, ceux-là mêmes qui intiment à l’Italie de faire preuve d’humanité.
Pour l’instant, l’UE refuse que soient traitées les demandes d’asile sur les bateaux ce qui reviendrait à les traiter comme s’ils étaient en Norvège ou en Allemagne. Ces deux pays, pourtant parangons de la social-démocratie, refusent de prendre en charge ces migrants. L’Allemagne, qui n’a jamais caché vis-à-vis de l’Italie un certain antagonisme, adopte même une attitude surplombante et moralisatrice. Le site Infomigrants le dit clairement : « Le ministère norvégien des Affaires étrangères a déclaré quant à lui, jeudi, qu'il n'assumait "aucune responsabilité" pour les personnes secourues par des navires privés battant pavillon norvégien en Méditerranée. L'Allemagne, de son côté, a insisté, dans une "note" diplomatique adressée à l'Italie, sur le fait que les organisations caritatives "apportaient une contribution importante au sauvetage de vies humaines" et a demandé à Rome "de les aider dès que possible"».
Les avocats du capitaine d’Humanity 1 ont déposé un recours devant le tribunal administratif du Latium pour statuer sur la légalité de ce décret pris par le ministère de l’Intérieur italien et celui des infrastructures, et un autre au tribunal civil de Catane pour que les migrants puissent compléter leur demande d’asile à terre. Certains refusent désormais de se nourrir. Ils viennent pour la plupart du Pakistan et du Bangladesh.
La gauche italienne s’est avidement emparée de la scène médiatique, transportée en toute hâte sur le port de Catane. Le député nouvellement élu Aboubakar Soumahoro, d’origine ivoirienne, est même monté à bord et a déclaré sur Twitter: « Si les naufragés restants sont rejetés, nous contesterons cette décision devant toutes les instances appropriées. »
Matteo Salvini, quant à lui, voit la question de ces sauvetages au large de la Libye sous un angle bien différent : « Ceux qui sont à bord de ces navires paient environ 3000 dollars, qui deviennent des armes et de la drogue pour les trafiquants. Ce sont des voyages organisés de plus en plus dangereux. Il faut mettre un terme au trafic non seulement d’êtres humains, qui est déjà énorme, mais d’armes et de drogues liées au trafic d’êtres humains (…) ". (ANSA)
D’autres navires, l’Ocean Viking et le Rise above se trouvent au large des côtes siciliennes avec à leurs bords respectivement 234 et 89 migrants qui attendent de pouvoir débarquer. Et on signale un autre navire, affrété par une autre ONG, avec à son bord plus de 500 migrants…
Outre que cette affaire, une fois de plus, met en lumière l’infâme complaisance de l’UE vis-à-vis des passeurs de migrants, via une politique migratoire ultra-laxiste, c’est-à-dire inexistante, cet affrontement inévitable autour de la question migratoire entre la gauche italienne et l’Union Européenne d’une part, et le gouvernement de Giorgia Meloni d’autre part est bel et bien l’épreuve du feu pour la toute nouvelle Présidente du Conseil italien. Une semaine après avoir, selon les médias, fort bien réussi sa tournée bruxelloise, et alors qu’elle avait répété sa volonté de défendre les frontières externes de l’UE, Giorgia Meloni risque de voir le piège migratoire se refermer sur elle.
Les prochaines heures seront décisives, pour l’Italie comme pour le reste de l’Europe. Si ce gouvernement accepte de se laisser dicter sa politique migratoire, sujet éminemment régalien, par les ONG et ne peut s’opposer à cet afflux continu de clandestins alors qu’il a toutes les cartes en main pour cela, qui pourra le faire ?
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44 commentaires
Je souhaite beaucoup de courage à Mme Georgia Melloni; le combat avec les hypocrites de Bruxelles sera difficile.
Avec les moyens actuels de détection très précis (aériens, satellites, etc.), on a la possibilité de repérer et suivre dès l’embarquement les bateaux d’émigrants. Alors, pourquoi ne fait-on rien ? La « traçabilité » cela existe dans tous les domaines. Les militaires et les civils savent bien tout contrôler ; mais les politiques décident… de ne rien faire.