Italie : six ans requis pour Salvini dans l’affaire du bateau de migrants

@Kasa Fue/Wikimedia commons
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« Défendre les frontières contre les migrants illégaux n’est pas un crime », déclarait Matteo Salvini, ce 14 septembre, à la suite de l’annonce de son jugement pour privation de liberté et abus de pouvoir présumés. Le vice-Premier ministre du gouvernement de Giorgia Meloni et chef de file de la Lega encourt une peine de six ans de prison, en raison de son refus d’accorder en 2019 l’accostage, à Lampedusa, d’un navire espagnol transportant à son bord 147 migrants clandestins. Le verdict de ce procès devrait être rendu le mois prochain.

C’était il y a cinq ans : à l’époque, Matteo Salvini était ministre de l’Intérieur au sein du gouvernement de Guiseppe Conte. Il conduisait avec fermeté la politique dite des « ports fermés », visant à lutter contre l’immigration illégale, véritable fléau qui touche tout particulièrement l’Italie. Le navire, exploité par l’ONG espagnole Open Arms, avait cependant fini par accoster sur l’île italienne après 19 jours passés en mer, à la suite d’une décision de la Justice italienne, prise contre l’avis du gouvernement Conte. « Il aurait suffi de 72 heures pour que le bateau rejoigne la côte espagnole », réfute Matteo Salvini, dans une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux. Le vice-Premier ministre de la botte italienne indique que le capitaine de bord refusa « à deux reprises le débarquement des passagers clandestins dans deux ports mis à leur disposition par l’Espagne, et refusa [également] le sauvetage d’un navire militaire envoyé par le gouvernement espagnol ». Le bateau, lui, avait reçu l’interdiction d’entrer dans les eaux territoriales italiennes, précise Salvini : « Nous ne pouvions plus être le camps de réfugiés de toute l’Europe. » Grâce à son action gouvernementale et à son intransigeance, les débarquements de passagers clandestins avaient drastiquement diminué, tout comme les morts et les disparus en mer Méditerranée. « Au cours de l’année précédant mon arrivée, les débarquements clandestins avait été au nombre de 42.700. Pendant mon mandat au ministère de l’Intérieur, les débarquements ont été réduits jusqu’à 8.691 », expose-t-il. « Après moi, les débarquements sont malheureusement repartis à la hausse. »

Face à l’Union européenne

Pour sa défense, Matteo Salvani invoque l’article 52 de la Constitution italienne, qui consacre « la défense de la patrie » comme « un devoir sacré du citoyen ». « Je me déclare coupable d’avoir défendu l’Italie et les Italiens. Je me déclare coupable d’avoir tenu la parole donnée », conclut Matteo Salvini, narquois, retournant à son compte le chef d’accusation instruit à son encontre par les juges de Palerme.

Du côté de l’accusation, Salvini est mis en cause par les procureurs de la capitale sicilienne pour « séquestration » et non-respect des droits de l’homme. Sont déplorés « l’état physique et mental des migrants » et des « conditions sanitaires [qui], à bord, étaient devenues désastreuses, notamment en raison d’une épidémie de gale ». Pour le procureur adjoint italien Geri Ferrara, du tribunal de Palerme, « entre les droits de l’homme et la protection de la souveraineté de l’État, les droits de l’homme doivent prévaloir ». Il s'agit d'« un principe-clé […] [de] notre système heureusement démocratique », maintien ce dernier. « Nous avons toujours secouru et fait débarquer les malades, les femmes enceintes et les mineurs à bord », défend pour sa part Matteo Salvini.

Le triumvirat européen Orban-Salvini-Le Pen au beau fixe

Les partenaires européens de Salvini n’ont pas manqué de protester contre ce qu’ils considèrent comme une hérésie utopiste. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán salue « le patriote le plus courageux d’Europe, puni pour avoir arrêté l’immigration ». « Ceux qui défendent l’Europe sont constamment pénalisés. Que se passe-t-il ? Matteo Salvini est notre héros ! », lance-t-il, sur X. Salvini a également reçu le secours symbolique de Marine Le Pen, avec laquelle il a noué une alliance « des plus durables ». Pour l’ancienne présidente du RN, ce procès est « d’une extrême gravité, alors que la submersion migratoire s’accentue partout en Europe ». Elle dénonce un « véritable harcèlement judiciaire visant à le faire taire », avant de conclure : « Nous sommes solidaires et plus que jamais à tes côtés, Matteo. » L'électron libre et engagé, l'Américain Elon Musk, lui, a crédité Salvini d’un grand « bravo ! » et inversé la charge de la faute : « C’est ce procureur fou qui devrait aller en prison pour six ans. C’est de la folie », lance-t-il, sur X.

Giorgia Meloni ne ménage pas, non plus, son soutien : elle estime que « transformer en délit l'obligation de protéger les frontières italiennes contre l'immigration clandestine constitue un précédent très grave ». Des messages fortement appréciés par Matteo Salvini, qui réplique, droit dans ses bottes : « Les procès et les menaces n’arrêteront pas le vent de changement et de liberté qui souffle sur l’Europe ! »

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/09/2024 à 22:13.
Anna Morel
Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

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