Jack Lang : de Mao à Smalto, 500.000 euros de costards bien taillés !

JACK LANG

Pardonnez-moi, lecteurs, je me plagie.

En mai dernier, alors que nous apprenions que le parquet avait ouvert (le 12 mars 2019) une enquête pour « abus de biens sociaux » contre le Commandeur de la culture, Jack Lang soi-même, je titrais sur « quarante ans de costards bien taillés ». En dix mois, l’affaire s’est étoffée. Prince de Galles et épaulettes, doublure de soie, toile de lin ou coton caviar pour assortir à celui qu’il mange à la louche, la garde-robe offerte au ministre à vie atteindrait, pour le seul couturier Smalto, la somme rondelette de 500.000 euros.

C’est que les enquêteurs de la brigade financière ont fouiné, mis le nez dans le carnet de mesures du couturier, celui où l’on note le tour de taille du client, le tour de biceps, le tour de cou, la longueur du mollet, celle de l’entrecuisse et le versant droite ou gauche de son intimité. Chez Smalto, Jack Lang porte le numéro 1163. Et comme le rapportent Le Canard et L’Obs, qui suivent l’affaire depuis le début – enfin, le début de cette dernière affaire, car du temps où Lang y était, aux affaires, c’est plutôt lui qu’ils suivaient –, « entre 2003 et 2018, l’ancien maire de Blois aurait obtenu au moins 500.000 euros de cadeaux de la part de la marque italienne ».

Comme disait autrefois son épouse Monique, elle aussi bien connue des couturiers et des joailliers, « si c’était pas pour ça, pourquoi aurait-on fait tout ça ? » (1) Je ne sais pas si la vérité sort de la bouche des enfants ; de celle des épouses, parfois oui…

Donc, Jack Lang s’est fait offrir au moins 47 costumes par la maison Smalto. En quinze ans. Les premiers lorsqu’il était député PS du Pas-de-Calais, mandat qu’il détint de 2002 à 2012. Ça fait un peu plus de trois costumes par an. Il faut croire qu’on sort beaucoup, dans le Pas-de-Calais, car on peut parier que Smalto n’est pas la seule maison à avoir habillé l’auguste fessier.

La ligne de défense de Me Merlet n’a pas varié : son client est une sorte d'« ambassadeur de la marque » ; mannequin vedette, en somme. En effet, comme le rappellent nos confrères, « visiblement, il s'agit en tout cas d'une habitude pour l'ancien ministre de la Culture et actuel président de l'Institut du monde arabe ». Et d’évoquer la fameuse veste à col Mao offerte par Thierry Mugler et qui avait fait scandale à l'Assemblée nationale en 1985, ou encore les couturiers Issey Miyake, Yohji Yamamoto ou Yves Saint Laurent qui « lui auraient aussi offert des vêtements ».

Secrets de polichinelle sur lesquels ces belles consciences de gauche fermaient les yeux quand Jack Lang – ministre de la Culture, de la Communication, du Bicentenaire, de l’Éducation et surtout du culte de soi poussé à son paroxysme – les entraînait dans son sillage coûteux et festif… Voyages au bout du monde pour fêter la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ou défilés haute couture à la Fête de l’Huma, ils en étaient tous, trimbalés et nourris-logés aux frais du contribuable tout ébaubi de voir la gauche morale se goberger sur leur dos.

Pour un Guy Hocquenghem qui cracha son mal au cœur avant que le SIDA ne l’emporte (2), combien sont-ils, aujourd’hui vertueux de circonstance, à avoir profité dans son sillage des fastes de la cour ?

Le plus fou est que Jack Lang est toujours là, sautant d’un fromage à l’autre. À 80 ans sonnés en septembre dernier, toujours pas question de retraite. « Serviteur de la République », dit-il. Il apparaît surtout qu’elle lui a bien servi…

(1) L’Acteur et le Roi, portrait en pied de Jack Lang, Jean-Pierre Colin, Éd. Georg, 1997
(2) Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary, Éd. Albin Michel, 1986

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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