« J’ai voulu montrer le désarroi d’un petit maire de commune rurale. L’État nous abandonne »
3 minutes de lecture
Jean-François Damien, maire d'un petit village de Meurthe-et-Moselle, a décidé de raccourcir d'un tiers le portrait d'Emmanuel Macron dans son cadre officiel… à proportion de la réduction de budget qu'on lui inflige.
Jean-François Damien, vous êtes le maire de Grand-Failly en Meurthe-et-Moselle.
En réduisant la photo du président Macron d'un tiers dans le cadre, on peut dire que vous l'avez, au sens propre, recadré. Expliquez-nous pourquoi.
C'est tout simple. Quand j'ai reçu la photo début septembre, le cadre était trop petit par rapport à la photo. J'ai été amené à plier la photo sur 5 cm. À ce moment-là, j'ai eu un flash. Au lieu de réduire la photo de 5 cm, j'ai mis un bandeau sur la photo de notre Président sur lequel j'ai écrit : "un tiers de finances en moins égal un tiers de la photo en moins". Lorsqu'un journaliste local est venu me rendre visite, il a trouvé cela très original et m'a proposé de faire un reportage. J'ai accepté pour permettre de faire bouger les choses. À mon niveau, si je ferme la mairie ou si je manifeste devant la porte d'une commune de 300 habitants, les répercussions seront minimes.
Je l'ai fait aussi pour montrer le désarroi d'un maire d'une petite commune rurale de 300 habitants.
Cela intervient dans le contexte d'une baisse par l'État des dotations communes ; vous dites d'un tiers. Cela menace-t-il des emplois dans votre commune ?
J'ai 40.000 euros de rentrée d'argent sur la taxe d'habitation. Avec un tiers de dotation de taxe d'habitation en moins, je perds 13.000 euros. Il ne me reste plus que 27.000 euros.
Cela fera moins d'entretien sur les bâtiments communaux, sur les cimetières et sur les églises et moins de spectacles culturels. Ces spectacles sont souvent prévus pour les scolaires, mais aussi pour la population. On ne le fera peut-être plus si cette somme nous est enlevée.
Il faut ajouter à cela les emplois aidés qu'il veut supprimer. Actuellement, dans la commune, j'ai quelqu'un qui me convient très bien. Je ne voudrais pas qu'il me supprime ce poste. Elle est embauchée jusqu'au 31 mars. Je l'ai déjà prévenue d'aller s'inscrire chez Pôle Emploi si son poste n'est pas reconduit au 1er avril. Cela fera un chômeur de plus sur les listes.
Pourriez-vous être poursuivi pour outrage au Président ?
Le jour où l'article est paru dans le journal, j'ai reçu un appel de Monsieur le Sous-Préfet. Il m'a dit que j'avais commis un outrage au Président, qu'il me mettait au tribunal et qu'il vérifierait ma comptabilité.
J'attendais autre chose de sa part, peut-être un soutien. Il aurait pu me dire : "Écoutez, Monsieur le Maire, vous êtes peut-être allé un peu loin. Je compatis. Pourrait-on s'entretenir pour en discuter et voir ce que l'on peut faire ?" Au lieu de cela, j'ai subi une agression pendant 15 minutes au téléphone. Il m'a parlé comme si j'étais un petit gamin qui sortait d'école et qu'on avait pris la main dans le pot de confiture.
En d'autres termes, vous avez l'impression que l'État vous abandonne ?
Quand on voit tout ce qui se passe en grande région, dans les communautés de communes et les communes, J'ai l'impression que l'État abandonne toutes les collectivités, pas seulement moi.
Si Monsieur Macron et son gouvernement nous disent qu'ils vont supprimer les communes en 2020, qu'ils nous le disent tout de suite. Comme cela, on n'en parle plus ! Si son but est de nous faire mourir à petit feu, cela ne sert pas à grand-chose. Autant le dire tout de suite et demain matin on met la clé sous la porte.
Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR
Un vert manteau de mosquées
BVoltaire.fr vous offre la possibilité de réagir à ses articles (excepté les brèves) sur une période de 5 jours. Toutefois, nous vous demandons de respecter certaines règles :