Jane Birkin, artiste consensuelle anti-Le Pen, contrairement à Gainsbourg…

©Nicolas Genin Wikimedia-Flickr as 66ème Festival de Venise (Mostra)
©Nicolas Genin Wikimedia-Flickr as 66ème Festival de Venise (Mostra)

Avec sa voix cristalline dont la justesse égalait presque celle de l’insurpassable Françoise Hardy, Jane Birkin demeurera emblématique des grandes heures de la variété française du siècle dernier. Les médias auraient pu en rester là. Mais, sans surprise, Libération se fait un plaisir de rappeler : « Jane Birkin, des réfugiés aux LGBT : une artiste engagée contre l’extrême droite ou l’homophobie, en soutien des réfugiés, des populations civiles opprimées, des victimes du SIDA ou de la précarité… »

Ainsi était-elle contre la peine de mort et pour l’avortement. Et pas le contraire. Pour les immigrés clandestins et contre Le Pen, père et fille. Et non point l’inverse. Et tout plein d’autres causes confortables et ne nécessitant pas une prise de risque médiatique maximale. Robert Ménard, du temps où il dirigeait l’association Reporters sans frontières, a souvent côtoyé la défunte. Il confie à BV : « Bien sûr que je ne mets pas en doute la sincérité de ses engagements. Elle était à l’image de toute cette gauche-là. S’engager pour les droits de l’homme, ça n’engage finalement pas à grand-chose. »

Comme toujours avec les acteurs, il est délicat de démêler le vrai du faux, le côté jardin du côté écran, tant se mettre en scène fait aussi partie intégrante de leur métier. Qu’on en juge, à propos d’immigration : « J’ai été privilégiée par l’accueil que j’ai eu en France et c’est pour cela que j’aimerais bien convaincre des personnes que tout est dans l’accueil. J’ai été accueillie peut-être parce que j’étais jolie et anglaise, et c’est infiniment plus facile que si je venais d’Afrique du Nord. »

À croire qu’elle n’a jamais entendu parler d’une certaine Isabelle Adjani, fille de Mohamed Cherif Adjani, Français originaire d’Algérie, qui elle aussi était assez « jolie » et dont le moins qu’on puisse prétendre est que sa carrière cinématographique n’a pas été constituée que de silhouettes et de seconds rôles.

Toujours dans le registre approximatif, il était normal que la veuve perpétuelle de Serge Gainsbourg enrôle son mentor, même post mortem, dans ses croisades révolutionnaires. Son sérieux n’est pas sans évoquer Marie-Antoinette jouant aux bergères au Petit Trianon dans Le Huffington Post : « Serge et moi sommes issus de familles d’immigrés. Je sais à quel point il est difficile de s’intégrer dans un pays, surtout quand on est stigmatisé par ses dirigeants politiques. » Ah bon ?

D’ailleurs, à propos de politique… Après le 21 avril 2002, qui voit l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, Jane Birkin avoue : « J’en ai fait des cauchemars toute la nuit ! » S’il avait encore été de ce monde, il est probable que Serge Gainsbourg aurait sûrement dormi du sommeil du juste, peut-être même encore plus anisé que d’habitude.

Serge et le FN

En effet, le Front national, l’homme à tête de chou était contre ; enfin, tout contre. Et c’est là l'un des grands tabous des innombrables biographies qui lui ont été consacrées, sauf celle de Gilles Verlant, Gainsbourg (Albin Michel), qui a osé lever le voile. Le 7 juin 1985, l’artiste est l’invité-vedette du « Jeu de la vérité », émission animée par Patrick Sabatier sur TF1. Il fait ensuite la tournée des grands ducs : « Je sors dans les boîtes, raconte Gainsbourg à son biographe. Arrive une jeune fille assez jolie qui se met à ma table et se colle à moi en m’accablant de compliments. Elle me raconte que son père a adoré l’émission, en particulier l’histoire du petit immigré que j’ai racontée à la première personne. » Gainsbourg raconte à nouveau la fameuse histoire drôle : « Je vais voir Mitterrand et je lui demande : combien vous me donnez pour que je me casse ? Il me répond dix briques. Je vais voir Raymond Barre, même question, il me propose cinquante briques. Puis je vais voir Le Pen, même question : combien vous m’donnez pour que je m’tire ? Cinq minutes ! La fille me dit “Mon père était plié en deux”, poursuit le musicien. Je finis par lui demander : Mais qui c’est, votre père ? Eh bien, c’était la fille de Le Pen… Je l’ai sortie toute la nuit, jusqu’aux aurores… »

Cette jeune fille, c’était Yann Le Pen, la puînée du Menhir. Il y eut d’autres sorties, toujours en tout bien et tout honneur. Cela causa même quelques remous, au bureau politique du parti, tant la rumeur n’en finissait plus de courir tout Paris. Serge Gainsbourg n’hésitait pas, parfois, à arborer la flamme tricolore du Front national au revers de son veston. Par provocation. Mais aussi parce que cet homme dont la famille avait fui sa Russie natale après la révolution bolchevique tenait le communisme en horreur.

Voilà pourquoi, en 1974, il fut l’un des rares artistes à publiquement soutenir Valéry Giscard d’Estaing contre François Mitterrand, en compagnie des chanteuses Dani et Marie Laforêt et de Louis de Funès. Gainsbourg ne manifesta jamais la moindre hostilité publique à Jean-Marie Le Pen, à rebours de l’écrasante majorité de ses confrères. Une indépendance d’esprit qui mérite d’être saluée, que Jane Birkin connaissait et dont elle ne s’est jamais vantée.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

38 commentaires

  1. Savoureuse anecdote que vous nous avez contée !
    J’ai beaucoup aimé la jeune Birkin, si fraîche.
    Je déteste la militante qu’elle était devenue.
    Marre de ce cinoche.

  2. Surprenant ! pas si mal que ça finalement , Gainsbourg : au moins une certaine ouverture d ‘esprit pas donnée à tout le monde !

  3. Gainsbourg était infiniment plus rebel que Jane . Le seul moment où elle l’a été c’est sous la coupe de son pygmalion de mari dans « je t’aime moi non plus  » et plus encore , »la décadance ». Il était provocateur et se mettait parfois en danger tel lorsqu’il s’est mis dans l’idée de chanter la « Marseillaise  » en reggae devant les paras . Mais aucune hostilité contre la France ou volonté chez lui de dénigrer l’hymne national , juste ce coté joeur . Jane Birkin qui fait partie de mes interprêtes préférées au même titre que Régine , Juliette Greco , ou encore Françoise Hardy et jeanne Moreau entre autres ,ce qui ne m’empêche pas de dire que côté politique , elle ait adopté à partir des années 80 la posture obligée d’une gauche devenue riche et s’achetant une conscience humanitaire pour faire bonne mesure . Tout cela ne mangeait pas de pain.

  4. Ni parce qu’elle était jolie, ni surtout pas parce qu’elle était anglaise ; elle s’est intégrée parce qu’elle respectait les lois françaises.

  5. Venir d’une riche famille anglaise pour s’installer à Paris et parler d’une intégration difficile !!!! je ne pense pas que beaucoup d’immigrés se reconnaissent dans ce parcours . Mais hurler avec les loups est toujours plus « banquable »

  6. Etre artiste, c’est très bien et très utile et ça peut donner beaucoup de plaisir à la société. Mais ça ne devrait donner aucun droit particulier. Se servir de sa notoriété d’artiste (et de son pognon et plus souvent encore du pognon des autres) pour faire de la politique ou plus exactement du lobbying est un abus et une supercherie. Il est tellement facile de se ranger dans le « camp du bien », c’est tellement confortable, et pour certain donneurs de leçons cela donne l’illusion de l’importance en reléguant « les autres » dans le cercle des beaufs, des gens de rien, des derniers de corvée.

    • Absolument ! et … »artiste » : bof ! mannequin, au départ, non ? ( ou je confonds avec  » Twiggy » )

  7. Cette soit disant artiste « icone des Français » n’était rien pour moi. Mais morte, comme tous les morts elle a toutes les qualités. Elle a surtout la chance d’être décédée en une période où les médias n’ont rien à dire. Sa nécrologie était préparée depuis longtemps et il faut bien vendre du papier même en été.

    • Entière d’accord avec vous…une drôle de coïncidence pendant les Franco-Folies de La Rochelle , revente MASSIVE des succès de Gainsbourg-Birkin..La Famille assure sa retraite !!!

    • Tellement peu « dogmatique » qu’il s’est retrouvé prématurément au cimetière. Un très grand talent musical, à l’évidence. Mais faut il pour autant approuver un mode de vie qui, il faut bien le dire, l’a conduit à une certaine déchéance.

  8. Sans que ce soit mon idole, j’aimais bien Jeanne, quand à ses positions politiques ou sociétales, peut-être était-elle sincère, peut-être pas, enfin elle avait pris la position la plus facile à défendre et à mon avis la plus inconséquente.
    Donc qu’on vienne faire étalage de ces choix ne me parait pas bien venu, dans le cas présent.

  9. Gainsbourg était également un ami et défenseurs des policiers. Et rien que ça, ca le rend plus sympathique au moins … à mes yeux. Il y en a tellement qui les détestent ! Du moins c’est ce que l’on dit dans les médias bien intentionnés.

  10. Merci d’avoir dit que Birkin n’était rien d’autre qu’une de ces artistes bobo et gauchiste dont on se fout de l’avis.

    Merci aussi pour le rappel des prises de positions de l’homme à la tête de chou.

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