Je pleure comme un gamin qui voit brûler la maison de son père

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Ce soir, je pleure ; je pleure comme un gamin que je ne suis plus, je pleure comme un gamin, impuissant, qui voit brûler la maison de son père.

Ce soir, je prie ; je prie comme on prie quand on sait que tout est perdu, sauf l'espérance.

La nuit sera longue.

Sitôt qu'il se confirme que les Saintes Espèces et la couronne d'épines ont été sauvées, je coupe l'information.

Je suis envahi de sentiments contraires : la honte d'abord :
- honte d'entendre le maire de Paris avoir pour premier commentaire « C'est un terrible incendie » ;
- honte d'entendre le chef de l'État déclarer « Nous la reconstruirons » là où l'on attendait de l'État - c'est-à-dire de lui et de ses prédécesseurs - qu'il la protège et l'entretienne pour éviter le drame ;
- honte de voir éclater en pleine lumière que ma génération, qui s'est épanouie sans vergogne sur les réussites matérielles de la civilisation chrétienne, en a renié les fondements avec l'ingratitude d'un enfant qui, après avoir récupéré l'héritage paternel, laisse piétiner sa tombe ;
- honte de voir que dans les ministères, les épiciers en chef chargés de la sauvegarde de ce patrimoine étaient incapables de mettre dans la balance, même de façon toute profane, les millions d'euros d'apport commercial des treize millions de visiteurs annuels ;
- honte d'apprendre que Mgr Chauvet, recteur de la cathédrale, s'était senti obligé de se rendre récemment aux États-Unis quémander l'argent que l'État lui refusait pour entretenir Notre-Dame.

Mais à la honte se mêle très vite la colère :
- colère de voir la ville de Paris laisser ses propres églises à l'abandon mais dépenser des fortunes pour des causes qu'avec pudeur je qualifierai de discutables ;
- colère, encore, d'entendre Mme Hidalgo trouver 50 millions d'euros pour rebâtir Notre-Dame quand pas un n'était disponible avant le drame pour l'entretien du patrimoine religieux ;
- colère de voir l'état de délabrement et d'abandon d'édifices majeurs comme Saint-Maximin, la Sainte-Beaume, Sénanque, pour ne citer que ceux où je suis récemment passé ;
- colère d'apprendre que Mme Pécresse et la région Île-de-France ont débloqué 10 millions d'euros après le drame mais avaient trouvé plus porteur, avant, de soutenir financièrement la restauration de la casbah d'Alger ;
- colère de découvrir que certains se réjouissent quand nous pleurons ;
- colère, enfin, de constater que l'ensemble des journalistes, obéissant au doigt et à l’œil aux communicants officiels, se ruaient sur l'annonce de la souscription de reconstruction pour éviter d'avoir à poser des questions dérangeantes, voire à mettre en cause des responsabilités - et les leurs en premier. Car on est en droit de se poser la question du caractère accidentel ou criminel de l'événement sans être taxé de complotisme, a fortiori quand on prend conscience du nombre de profanations et de départs de feu recensés dans les églises de France depuis quelques mois. Alors, crime, accident ou crime déguisé en accident ? Laissons les enquêteurs travailler.

Un peu comme le « Je suis Charlie », devenu leitmotiv, avait de nouveau permis de jeter un voile pudique sur les corps meurtris du Bataclan, le matraquage sur la souscription n'aurait-il pas pour objectif inavoué d'étouffer dans l’œuf toute réflexion sur la place du catholicisme aujourd'hui en France ?

Ce soir, reprenant l'apostrophe célèbre de saint Jean-Paul II, les pierres de Notre-Dame crient dans le rougeoiement des flammes : « France, fille aînée de l'Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »

Lucien Paillet
Lucien Paillet
Cadre administratif

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