Jean Dujardin : Y a-t-il plus inélégant que lâcher ceux qui vous ont soutenu ?

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Y a-t-il plus inélégant que lâcher en rase campagne ceux qui vous ont soutenu, défendu, entouré de leur affection quand les autres vous conspuaient, fussent ces supporters peu fréquentables ? Y a-t-il plus mesquin que les repousser sans ménagement, leur faire le coup du mépris, par peur d’être vu et confondu avec ces gueux ?

C’est exactement ce qu’a fait, pourtant, l’acteur Jean Dujardin en dénonçant Valeurs actuelles sur Instagram, story immédiatement repartagée par le joueur de rugby Antoine Dupont : « La France rugby oui, vos valeurs non. Pas de récupération, merci. » Et le coq chanta pour la troisième fois. Cette « petite France » enracinée à laquelle Valeurs actuelles consacre ces pages méritait pourtant l'hommage.

Si l’empressement fébrile à se démarquer n’étonne guère de la part d’Antoine Dupont - avant le second tour des présidentielles, il avait signé (quelle originalité) une tribune collective dans Le Parisien appelant à voter Emmanuel Macron pour faire barrage à Marine Le Pen -, il est un peu plus surprenant venant de Jean Dujardin, que l’on imaginait suffisamment indépendant pour ne pas se soumettre aux génuflexions imposées.

Espérer qu’il se taise

On s’était trompé. « On le croyait du marbre dont ont fait les statues, il était en réalité de la faïence dont on fait les bidets », disait Marie-France Garaud de Chirac. En fait de statue et en dépit de sa stature, l’acteur est somme toute moins colosse marmoréen que nain Dujardin. Cette France qui le défendait n’attendait aucun remerciement, il y a bien longtemps qu’elle donne sans retour, mais elle pouvait espérer néanmoins qu’il se taise. Il n’est pourtant question, dans ces pages, que d’Ovalie et de terroir. Une ambiance très « café gourmand ». Sauf à considérer Patrick Sébastien comme la réincarnation de Wagner et le paquito comme une variante du pas de l’oie, difficile de comprendre quelles sortes de « valeurs » inquiétantes véhiculées dans ce numéro sont assez étrangères à la « France Rugby » dans l’esprit de Jean Dujardin et d’Antoine Dupont pour qu’ils se désolidarisent de cette façon.

On comprend mieux pourquoi Jean Dujardin est si brillant acteur. Du Retour du héros à OSS 117, en passant par Un gars, une fille ou encore Brice de Nice, Jean Dujardin ne se contente pas de jouer le faux héros hâbleur, bellâtre rouleur de mécanique, beau parleur et roublard, goujat et séducteur, plaisantin faisant le malin, grand diseur et petit faiseur : il le vit. Il ne rentre pas dans le rôle. Il est le rôle.

« Nous vous aimions avant »

Tugdual Denis, nouveau rédacteur en chef de Valeurs actuelles, a répondu sans agressivité ni ressentiment, éconduit mais constant : « Nous vous aimions avant, nous vous aimerons après. » Tugdual Denis aura montré que le magazine n'a pas perdu son mordant après le départ de Geoffroy Lejeune. À en croire les réactions sur les réseaux sociaux en tout cas, tous les lecteurs ne sont pas aussi magnanimes.

Nul ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens, disait le cardinal de Retz. La stratégie de Jean Dujardin sera-t-elle payante ? Repousser ceux qui l’aiment suffira-t-il à lui attirer les bonnes grâces de ceux qui ne l’aiment pas ? Ou n’obtiendra-t-il, in fine, pour seul résultat que se mettre tout le monde à dos ? Pour faire bonne mesure, il a aussi taclé, sur Instagram, Clémentine Autain qui le félicitait d’avoir, en humiliant Valeurs Aatuelles, « affirmé [son] refus de l’extrême droite ». « Ça vaut aussi pour la récupération de la récupération », a répondu l’acteur du tac au tac. Un point partout, la balle au centre. Au risque d’offrir le visage d’un gentil Juppé raisonnable.

« Fidèle mais pas dupe »

Il faut le comprendre. Antoine de Caunes aimerait le voir lui succéder à la présentation des César. Et celui qui a déjà été oscarisé pour The Artist pourrait être choisi - le CNC vient de révéler (le 14 septembre) la liste des présélections - pour représenter la France avec le film Les Chemins noirs dans lequel il tient le rôle principal. S’il doit sortir du bois, ce sera un autre jour, une autre année, un autre siècle. Quand il aura 100 ans, qu’il sucrera les fraises, qu’il n’aura plus rien à perdre. Et que ces propos n’auront d’ailleurs plus aucune portée.

« Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu », disait Hélie de Saint Marc, un vrai héros, celui-ci. Allez, la France qui l’a défendu lors de sa prestation controversée à la Coupe du monde de Rugby continuera sans doute, bonne fille, d’aller voir ses films, « fidèle mais pas dupe », selon la formule de feu l’académicien Michel Mohrt, et d’applaudir l’acteur. À défaut d’admirer l’homme.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

86 commentaires

  1. En fait, tout ceci était bien prévisible et seule la rédaction de VA, bien naïve, n’a rien vu venir. Le sujet aurait pu être traité sans pour autant mettre cet acteur en une, et au final se faire humilier. « Tendre l’autre joue », on continue ?….

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