Jean-Frédéric Poisson : « Je suis choqué quand on caricature Jésus-Christ ou le pape, c’est pas pour ça que j’irai égorger quelqu’un ! »
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Depuis l'attentat contre Samuel Paty, le débat sur les caricatures est relancé et provoque des réactions contradictoires, en France et à l'étranger.
Au micro de Boulevard Voltaire, Jean-Frédéric Poisson s'interroge sur la forme que doit prendre, dans notre société, le droit au blasphème et exprime son scepticisme sur le fait de montrer les caricatures aux collégiens.
Faut-il montrer les caricatures à tout le monde et spécifiquement aux musulmans ? Le débat peut-il se résumer entre les partisans des caricatures inscrites comme valeur absolue et les islamistes de l’autre. Y aurait-il une troisième option ?
Le débat semble se résumer à cela. Il faut distinguer la question des principes et la question de la pédagogie.
Sur le plan des principes, la France est un pays pour lequel on a le droit de caricaturer les autorités religieuses, les représentants et Dieu lui-même. C’est un principe acquis et personne n’a envie de revenir là-dessus. D’une certaine manière, je comprends la logique qui veut que, puisqu’on a le droit de caricaturer Dieu, ses Saints, ses représentations ou les dieux, on a le droit de caricaturer tout le monde. La liberté d’expression est donc signifiée au mieux, par le fait que l’on a le droit de caricaturer d’une certaine façon jusqu’à Dieu. Admettons…
Sur le plan pédagogique, y a-t-il d’autres moyens de parler de la liberté d’expression que de montrer une caricature ? Bien sûr que oui ! On peut montrer des journaux qui paraissaient pendant la guerre sous l’occupation à Paris ou ailleurs. On peut montrer des actes de résistance que sont par exemple le célèbre athlète noir, Tommie Smith qui, sur le podium des Jeux Olympiques de Mexico, lève le poing en baissant la tête en entendant l’hymne américain. Il y a des tas d’actes que l’on peut montrer et qui sont tout aussi résistants, tout aussi forts et tout aussi contestataires, mais qui ont l’avantage de n’injurier personne. Le problème, c’est ça. Le droit au blasphème est acquis dans notre société occidentale. Je ne trouve pas cela terrible, mais admettons.
Le problème du droit au blasphème c’est qu’il insulte et qu’il injurie un certain nombre de consciences. Il faut trouver une limite éducative et pédagogique. Je maintiens que ce droit existe. Il est une des formes les plus élevées de la liberté d’expression. Mais, il n’empêche que dans la mesure où il représente les dimensions d’injure pour un certain nombre de ceux à qui il s’adresse, je pense que l’on doit pouvoir trouver d’autres moyens de parler de la liberté d’expression. En le montrant à des collégiens, je pense qu’il y a des questions à se poser…
Cette affaire des caricatures est révélatrice. On sait tous que théoriquement, on n’a pas le droit de représenter Mahomet selon la religion musulmane. On s’aperçoit aussi que l’on vit avec des gens qui n’ont aucun recul et qui mettent le service de Dieu avant la loi des hommes. Ces deux sociétés cohabitent. L’une abuse du droit de blasphème et l’autre n’a pas cette capacité à avoir une distanciation.
Quoi qu’il en soit, en Occident personne ne doit mourir pour avoir exprimé un désaccord ou une idée. C’est une chose avec laquelle nous avons rompu depuis longtemps. L’assassinat du professeur Paty est une horreur doublée d’un scandale et une injustice profonde. Il n’y a pas de mots assez forts pour condamner cet acte-là.
Le président turc Erdogan donne la réponse à la question que vous posez. Attaquer le prophète serait s’attaquer au cœur même de la religion islamique. Nous avons à faire à des gens qui rejettent le monde occidental pour des tas de raisons, pour son matérialisme et pour la manière indigne dont ils traitent la dignité humaine dans beaucoup de circonstances.
Ce monde occidental n’est pas compris par le monde musulman parce qu’on met une telle énergie à écarter le fait religieux de la vie sociale, que les musulmans ne comprennent absolument pas que cela puisse encore être une société. Pour beaucoup d’entre eux, celui qui n’est pas croyant n’est pas un homme. Il est incompréhensible pour eux de ne pas avoir de croyance en Dieu du tout.
Quand en plus, ces sociétés-là se permettent de s’attaquer au prophète, il y a d’une certaine manière une double faute sinon une triple. C’est inacceptable.
Même si le rappel à l’ordre est extrêmement désordonné et tout à fait brutal, le fait qu’une partie des musulmans manifeste que leur conscience est atteinte lorsqu’on fait des caricatures de Mahomet est quelque chose que nous devons entendre.
Les musulmans sont choqués par les caricatures de Mahomet de la même manière que moi, je suis choqué lorsque l’on caricature la Sainte-Vierge, Jésus-Christ ou le Pape d’une manière ou d’une autre. Ceux qui ne sont pas croyants doivent entendre cette blessure et ce ressentiment.
Ce n’est pas pour cela que demain je vais égorger quelqu’un dans la rue. Cette dimension d’injure et de blessure des consciences existe dans le blasphème et ceux qui l’utilisent feraient bien de l’entendre à leur tour.
Ce que je dis n’excuse aucun acte et certainement pas les plus horribles. Je dis simplement que si l’on veut s’interroger sur la manière de vivre les uns avec les autres en paix, il faut faire de la liberté d’expression un usage plein et entier en faisant très attention quand on peut attaquer ou blesser les consciences. C’est quelque chose qui relève d’une forme de politesse et de vie en commun qui doit aussi intéresser et faire l’objet d’une éducation aussi stricte et aussi exigeante que l’ensemble des libertés.
L’ambassadeur de France en Suède a déclaré dans une émission suédoise que la France était un pays musulman en parlant de cette affaire de caricature. Peut-on dire aujourd’hui que la France est devenue un pays musulman ?
Si on est le président Via- La voie du peuple, ce qui est mon cas, on dit que la France est un pays dont les racines sont judéo-chrétiennes. Si on est ambassadeur de la République française, on dit que la France est un État laïque. Personne ne peut dire sérieusement que la France est un pays musulman. D’autant plus que l’ambassadeur ajoute quelques secondes après que la religion musulmane est la deuxième religion de France. C’est donc bien la preuve que la France n’est pas un pays musulman. C’est contradictoire, cela n’a aucun sens, ce n’est pas prudent et c’est maladroit. Je ne sais pas comment qualifier cette déclaration qui est indigne d’un ambassadeur de France. J’ai demandé par voie de pétition que cet homme soit relevé de ses fonctions et écarté du corps diplomatique. La pétition est disponible sur le site Via et du salon beige.
Il faut que les Français manifestent massivement leur désaccord en disant que nous ne pouvons pas être représentés dans un pays étranger par de tels personnages. Ce n’est pas possible.
La décision d’Emmanuel Macron de ne pas renoncer à ces caricatures a entraîné un appel au boycott assez inédit dans l’histoire récente. Emmanuel Macron a presque fédéré les pays arabes. Que révèle le fait que la France soit le pays expressément visé dès qu’il s’agit de liberté d’expression face à l’islam ?
Les musulmans sont d’avantages convaincus que les Français du fait que la France est essentiellement un pays chrétien. Les musulmans sont parfaitement convaincus, les Français ne le savent plus. Il faut redire aux Français que leur héritage est notre héritage civilisationnel qui nous vaut ce « privilège ».
Il y a de la part du président turc, avec les pays qui ont lancé cette vague de boycott contre la France dont beaucoup sont pilotés par les Frères musulmans ou leurs amis, une volonté de prendre une forme d’hégémonie sur le monde arabo-musulman. J’observe qu’un certain nombre d’États sont en dehors de ce mouvement de boycott. Je pense en particulier à l’Arabie Saoudite qui se tient à l’écart. Cette dernière a elle même engagé un boycott contre les produits turcs. La lutte entre les deux est maintenant sévère en termes d’influence. Nous faisons les frais, à la fois de notre héritage civilisationnel très clair et la volonté du président turc de prendre le leadership du monde arabe et rétablir le califat comme il l’a dit bien des fois.
La réaction de notre ambassadeur en Suède et la manière avec laquelle le gouvernement français nous indique que les Turcs tapent là où ça fait mal. Le président Erdogan est un prédateur. Il attaque dans un troupeau, les bêtes les plus faibles. Il attaque donc l’Europe et en particulier la France, parce qu’il sait bien que nous avons un mal de chien à nous défendre contre ce genre d’attaques. Cela révèle à la fois notre héritage, la force de notre civilisation en même temps que notre faiblesse politique et notre incapacité à réagir correctement de manière assez ferme aux attaques incessantes de l’Islam conquérante contre notre pays.
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