Jean Lassalle, tête de liste Alliance rurale : à la poursuite du lièvre anti-RN

Jean Lassalle, son accent rocailleux, son parfum de ruralité, cette image d’Épinal du terroir français, mènera donc la liste Alliance rurale concoctée par le patron des chasseurs Willy Schraen pour les européennes. L'ex-député-chanteur béarnais de 68 ans refait finalement un tour de piste pour « défendre la ruralité ». « Avec Willy Schraen, nous nous connaissons depuis un certain temps, explique Lassalle dans Ouest-France. Nous nous ressemblons. Il est très estimé dans le monde rural. Il aime la France, ses traditions, et souhaite qu’elle se perpétuent. C’est un combat que je partage. Voilà pourquoi nous avons décidé de convoler en juste élection. » Bête de scène, avide de lumière, Jean Lassalle, 68 ans, n’aura pas su résister aux sirènes qui lui auront chanté l’air du retour triomphal en politique.

Reste à savoir qui a donné sa bénédiction pour ce drôle de mariage. Pas de certitude ni d’aveu officiel, bien sûr. Mais tous les yeux se tournent vers… Emmanuel Macron. « Macron pose des mines, tend des pièges partout, crée la peur, fait la morale, énumère Philippe Olivier, le conseiller spécial de Marine Le Pen, joint par téléphone. Il crée des leurres en pensant nous prendre deux ou trois points. » Diviser pour régner, le principe est aussi vieux que la politique.

Un sérieux flirt macronien

Évidemment, si le lobbyiste Thierry Coste, qui se présente volontiers comme le conseiller ruralité de Macron, était resté dans l’aventure de l’Alliance rurale, l’opération récup' de la Macronie était signée. Mais voilà, par un hasard extraordinaire, le 23 janvier dernier, Thierry Coste a officiellement lâché la liste de son « ami » Willy Schraen et indiqué qu’il ne la soutenait plus pour les européennes. L’art de brouiller les pistes.

La simple question « à qui profite le crime » donne de précieuses indications : le tandem est supposé prendre quelques points au RN, en pole position dans les sondages devant la liste macroniste. Par ailleurs, Jean Lassalle a longtemps milité dans le parti de… François Bayrou, allié capricieux de la Macronie. Enfin, en décembre dernier, Nicolas Gauthier avait déjà rappelé les liens qui unissent non pas Jean Lassalle mais son colistier Willy Schraen avec Emanuel Macron. Il suffit de compulser le dernier livre du patron des chasseurs, Un chasseur en campagne, pour se délecter de la préface signée… Éric Dupond-Moretti. Assez lisible, Willy Schraen a officiellement soutenu Macron en 2017 et précisé, en 2022, qu’il voterait pour lui « dès le premier tour ». Personne d’autre que Macron ne trouvait grâce à ses yeux. Il écartait la gauche écologiste. « Quant à Éric Zemmour, il dit que la chasse est formidable. Seulement voilà : que fera-t-il au second tour ? Sans doute appellera-t-il à voter pour Marine Le Pen. Or, elle est l’animalisme incarné primaire », argumentait Schraen. Le Point citait, le 30 novembre dernier, un sénateur Renaissance : « Tout ce qui peut faire en sorte que l’extrême droite ne ramasse pas tout, c’est bien. De facto, si Le Pen baisse, ça nous arrange. »

Le RN et Reconquête sereins

L’enjeu ? Le vote d’un million de chasseurs et la mémoire encore frémissante des 6,8 % des suffrages aspirés par Jean Saint-Josse, le candidat des chasseurs en 1999, à égalité avec les communistes mais devant… le Front national de Jean-Marie Le Pen, qui n’avait obtenu que 5,70 %. Pour éviter d’éparpiller ses voix, le RN entend, au-delà du succès au Salon de l’agriculture, « occuper le terrain de la ruralité et de l’agriculture, dit Philippe Olivier. La dynamique jouera pour nous. » Pas d’inquiétude notable, non plus, chez Reconquête. « Le ticket Lassalle-Schraen trouve son origine à l’Élysée où l’on tente une manœuvre de diversion, exécute Guillaume Peltier, interrogé par BV. Bayrou, c’est 17.000 écoles supprimées en quelques décennies… et un potentiel de 0,5 % à 2 % des voix : faire croire qu’on défendra la ruralité avec si peu de voix et sans élus me parait dangereux. »

Cette liste « lièvre » a du moins le mérite de dessiner les préoccupations d'un pouvoir qui, au lieu de se pencher sur les vrais dossiers, préfère la chasse aux voix.

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