Jean-Luc Coronel de Boissezon : une décision politique du Conseil d’État ?

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Le 18 mars 2018, une cinquantaine d’étudiants envahissaient la faculté de droit de Montpellier, taguant et dégradant locaux et matériels : pour ces étudiants extérieurs à la faculté, il s’agissait de manifester contre la loi Orientation et réussite promulguée par le gouvernement. Une façon de fêter dignement le cinquantième anniversaire de Mai 68. À Montpellier comme partout en France, à Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse, Paris, les manifestants avaient ainsi bloqué et saccagé les locaux universitaires, au grand dam de ceux qui voulaient tout simplement étudier.

Curieusement, à Montpellier, les appels du doyen Pétel à la préfecture pour faire rétablir l’ordre sont restées lettre morte, laissant la situation se pourrir davantage. Las ! Un groupe d’une quinzaine d’individus cagoulés fait irruption dans un amphi pour y déloger les squatteurs et rétablir l’ordre public, l’État faisant défaut, comme trop souvent dès qu’il s’agit d’aller chatouiller du gauchiste. Le professeur d’histoire du droit Jean-Luc Coronel de Boissezon assiste à la scène, prend quelques coups et se défend.

Il ne sait pas encore que sa carrière universitaire vient de prendre fin. Lâchés par le président de l’université, Jean-Luc Coronel et le doyen Philippe Pétel terminent en garde à vue : première étape d’un processus qui consacre l’inversion des valeurs en matière de maintien de l’ordre (sur ordre des autorités). Ce sont les deux universitaires qui sont poursuivis, désignés tout autant à la vindicte populaire qu’à l’opprobre de l’université. Il leur est reproché de ne pas avoir laissé les fauteurs de troubles agir en toute impunité. Leur faute : avoir réagi. Le péché capital de Jean-Luc Coronel de Boissezon : avoir des idées non conformes, c’est-à-dire être conservateur. Et pourtant, jamais ses compétences sur le plan universitaire ne sont remises en cause. On l’accuse plutôt d’avoir participé au « commando de la fac de droit ».

Le 7 février 2019, Jean-Luc Coronel est sanctionné par l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche : il est révoqué de l’enseignement supérieur et interdit d’exercer dans tout établissement public. À l'époque, il avait réagi au micro de Boulevard Voltaire.

Saisi en appel, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) modifie cette sanction, la révocation se transforme en suspension de quatre années, sans traitement évidemment. Cependant, fin décembre 2022, le Conseil d’État annule cette sanction à la demande du ministre de l’Enseignement supérieur qui s’est pourvu en cassation : « Article 1er : la décision du 23 mars 2022 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est annulée. Article 2 : l'affaire est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire. »

Le Conseil d’État estime en effet que « la sanction infligée par le CNESER, qui correspond au 5e niveau de sanction possible, est trop faible par rapport à la gravité des fautes de Jean-Luc Coronel de Boissezon. C’est pourquoi le Conseil d’État renvoie l’affaire devant le CNESER qui devra revoir la sanction à prononcer, les deux autres niveaux de sanctions possibles étant la mise à la retraite d'office ou la révocation. »

Sur le plan judiciaire, Jean-Luc Coronel de Boissezon a été condamné par le tribunal correctionnel de Montpellier à une peine de quatorze mois de prison dont huit avec sursis, donc six mois de prison ferme sous la forme d’arrêt domiciliaire avec port de bracelet électronique, peine assortie d’une interdiction de toute fonction ou emploi public pendant un an. L’appel de cette décision sera jugé en février 2023.

Le Conseil d’État, échelon suprême de la juridiction administrative, pratique ici une belle inversion de l’État de droit. Le fauteur de troubles est celui qui a voulu rétablir l’ordre. Dans une tribune parue dans Le Figaro, Anne-Marie Le Pourhiet, constitutionnaliste et professeur de droit public, et François-Xavier Lucas, professeur de droit privé, évoquent « le malaise [qui] vient aussi de l'ignorance délibérée du contexte par le juge administratif. […] Aucune mention n'est faite des carences manifestes du président de l'université et du préfet à l'origine de la détérioration de la situation, alors que dans d'autres facultés, les forces de l'ordre étaient requises pour protéger les locaux et garantir les cours. Faut-il comprendre qu'un rétablissement de l'ordre musclé tendant à rendre un amphithéâtre à sa vocation naturelle est une faute disciplinaire capitale méritant, même en l'absence de dommages corporels, l'éviction définitive de l'université française ? » Ils rappellent également qu’« aucune action n'a d'ailleurs, bien entendu, été engagée contre les étudiants auteurs de voies de fait, que ce soit au plan civil, pénal ou disciplinaire. Jean-Luc Coronel de Boissezon ne faisant de surcroît pas mystère d'idées politiques conservatrices, il était le coupable idéal, le "briseur de grève" à offrir en sacrifice. »

Les casseurs, Black Blocs, zadistes en tout genre ou « syndicats étudiants » peuvent dormir tranquilles : alliés objectifs du pouvoir macroniste dans l’entreprise de destruction de la société française - ici, l’université -, ils ne seront jamais inquiétés. Quant à ceux qui résistent, leur destin est scellé : c’est la mort sociale. De quoi alimenter la défiance et le ressentiment des Français vis-à-vis de leurs institutions.

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

37 commentaires

  1. Ce Professeur ne pourra plus définitivement exercer alors qu’il y a eu absence de réponse du Président d’Université et du Préfet lors de l’invasion violente de l’Amphi de Droit par des hordes de personnes n’ayant rien à voir avec cette Faculté donc Président d’Université et Préfet sont responsables de non assistance à personnes en danger. Ce Professeur a eu du courage de défendre les étudiants présents, les enseignants et de protéger les lieux des dégradations la Faculté de Droit étant un lieu chargé d’Histoire depuis le XII ème siècle et récemment restaurée. Comment le Ministère et le Conseil d’Etat peuvent-ils prendre une telle décision ? Il est indispensable qu’ils l’annulent.

  2. La défiance et le ressentiment des Français paraissent bien faibles face à une telle réalité! La grande lessive n’est pas prête d’avoir lieu.

  3. J’ai quitté la France en octobre 1969,écoeuré par mai 68. Mes enfants ont fait leurs études en Suisse et aux USA.

  4. Mon souhait : Revenir intégralement à la Constitution de 1958 . Le Conseil d’État , le Conseil Constitutionnel ne possédant qu’un pouvoir d’arbitrage ! comme leur nom l’indique : seul rôle : conseiller . Le pouvoir seul décide : C’est à dire le Parlement .

  5. d’où le déclin des universités françaises, quand on voit ces pseudo-étudiants, bon à rien, qui rendent des copies vierges et qui ne font qu’une brève apparition aux différents cours auxquels ils se sont inscrits, mais obtiennent tous les avantages de la condition d’étudiant, verront nous un jour le « ménage » dans les universités françaises, pour donner un accès à ceux qui veulent étudier et non se pavaner.

  6. Selon que vous serez de gauche ou de droite, la justice vous déclarera coupable ou innocent…….merci Jean de La Fontaine

  7. Comme le dit COSTES un peu plus loin, c’est le parfait exemple du « deux poids, deux mesures ». Certains de GAUCHE et L’ULTRA GAUCHE peuvent casser, tout démolir, sans jamais être sanctionnés. La droite et l’extrême droite ne peut bouger le petit doigt, sinon une justice impitoyable s’abat.

  8. Lu dans l’Humanité ce CR des faits, présenté assez différemment :
    Nous sommes le 22 mars 2018. Une soixantaine d’étudiants occupent un des amphithéâtres de la faculté de droit de Montpellier (Hérault) pour protester contre la réforme Parcoursup. Dans la soirée, les occupants voient débouler entre les rangées au moins sept hommes cagoulés, armés de planches en bois et de pistolets électriques, qui viennent débloquer l’amphithéâtre pour le compte du doyen de l’université, Philippe Petel, qui leur a ouvert les portes des lieux. Plusieurs élèves sont molestés et blessés.

  9. Il y a belle lurette qu’aussi bien le Conseil d’Etat que le Conseil Constitutionnel ne sont plus les juridictions de haut niveau et sont devenus des instruments du pouvoir.

  10. Eh oui, nous vivons dans le monde enchanté d’Emmanuel et Brigitte, un monde dans lequel ce qui est noir n’est pas totalement noir, mais plutôt blanc, quand on y réfléchit bien, et vice versa (surtout vice d’ailleurs) … Ce Conseil d’Etat est complètement pourri par des nominations de copains qui ne seront jamais au chomage, eux, et n’auront pas à traverser la rue pour trouver du boulot. Aucun libre arbitre à attendre de ces gens-là, juste une servilité envers l’exécutif … J’en arriverais à souhaiter que ce million de personnes dans la rue mette le feu au Palais-Royal, ce qui ferait d’une pierre deux coups avec le Conseil Constitutionnel, qui semble être atteint par les mêmes dérives. Cette mascarade n’a que trop duré, il serait temps de se facher !

  11.  » ils » n ont pas osé ( mais ça viendra ) ; mettre tous les opposants à la « ligne du Parti » dans les camps de re – éducation est une méthode qui a fait ses preuves.

  12. Bien que j’ai u1 dent, que dis je 32 dents, contre la Révolution française pour des raisons personnelles, j’avoue qu’il me vient à notre époque, des envies de révolution : envies de voir tous les agriculteurs avec leurs tracteurs, leurs moissonneuses batteuses, les éleveurs poussant leurs troupeaux de porcs, les ouvriers du bâtiments avec leurs outils, les salariés des travaux publics avec leurs marteaux piqueurs, leurs pelles, les soignants avec leurs scalpels, aiguilles et autres, les femmes avec leurs tisonniers, leurs rouleaux à pâtisserie, marcher, comme en 1789, vers les lieux où les dictateurs mettent en place leurs lois abjectes….aidés par les casseurs, black-blocs, zadistes en tout genre ou syndicats payés pour cela.

    Comme quoi, on peut changer d’avis selon les événements que l’on vit, même si on sait que l’on ne doit pas « amalgamer » (mot à la mode qui est pourtant là, exact) les pourritures politiques et autres, avec ceux qui tentent de sauver notre pays, notre nation et le peuple français.

  13. Dans un avenir que j’espère proche, Jean-Luc Coronel sera nommé doyen de l’université de Montpellier. Car comme l’a écrit Louis de Bonald, « Celui qui prophétise le retour à l’ordre ne peut se tromper que de date ».

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