Jean-Luc Mélenchon : le piège du bouffon

Papacito

La tentation était grande, pour Jean-Luc Mélenchon. Après sa bourde et ses assertions complotistes, il lui fallait un coupable. Quelqu’un d’extrême droite qui lui permettrait de nous refaire le coup de « sa personne républicaine en danger » et, accessoirement, de rendre matérielle la menace du terrorisme d’extrême droite.

Histoire, aussi, de justifier la manif délirante de l’extrême gauche, ce week-end, qui va défiler contre la « violence d’extrême droite ». Une manif peu justifiée, tant on peine à trouver des victimes de ce terrorisme commode qui n’est pas issu de son électorat et qui, tel le grand méchant loup, n’effraie que les enfants et les simplets. Or donc, aubaine s’il en est, Mélenchon est tombé sur une vidéo du youtubeur Papacito arrosant de balles un mannequins grimé de vêtements gauchistes. Il n’en fallait pas plus pour exciter Jean-Luc qui, à la recherche de combustible pour son contre-feu, a convoqué une conférence de presse dans la foulée pour mettre en avant la vidéo de Papacito, expliquant avec l’allure et la raideur d’un pasteur baptiste américain du XIXe siècle qu’on le menaçait de mort.

Ce moment, que l’on peut qualifier sans prétention de plus gênant encore qu’une performance en acoustique de la chanteuse Yseult, a même forcé BFM TV de couper le direct en dénonçant un contre-feu grossier. Voilà Mélenchon dans la panade. Il devait éteindre une polémique et il en a allumé une deuxième. Certes, les journalistes et les élites médiatiques ont unanimement qualifié d’abjecte la vidéo de Papacito, mais ont surtout dénoncé la manœuvre grotesque du leader de La France insoumise déjà malmené par plusieurs mois de polémiques autour de l’islamo-gauchisme et du décolonialisme.

Jean-Luc Mélenchon a commis une erreur vieille comme le monde. S’en prendre frontalement sur le plan politique à un bouffon. Parce que c’est ce qu’est Papacito. Un bouffon et un polémiste. Ses vidéos divertissantes faites de « punchlines » sanglantes servent à merveille le personnage mi-gitanos mi-camionneur. Un délice pour ses centaines de milliers de fans qui vont prendre une cure de testostérone joyeuse avant de répondre à un mail écrit en inclusif.

Jean-Luc Mélenchon a donc élevé un bouffon au rang d’adversaire politique. Dans la France médiévale, le bouffon était le personnage dans une cour qui avait toute licence pour insulter courtisans et membres de la famille royale dans le but d’amuser la galerie. Il n’avait du poids qu’à la cour. Personne ne songeait un seul instant à donner un poids politique à ses bouffonneries. Malheur à l’aristocrate qui s’y risquait : on perd toujours à attaquer un plus petit que soit.

Parce qu’en voulant lui faire quitter le champ de la bouffonnerie pour celui de la politique, on ne parvient qu’à descendre soi-même de son piédestal politique pour devenir un bouffon. Et c’est ce que Mélenchon est devenu. Valls peut témoigner. Après avoir juré d’abattre Dieudonné, il lui a donné un retentissement et une envergure internationale. Si Dieudonné vit encore grâce à ses fans, Valls revient d’un exil catalan après avoir affronté dans sa circonscription les candidatures de Francis Lalanne et de… Dieudonné.

Récemment, son équipe a publié l'extrait d’une interview de Papacito chez Boulevard Voltaire en dénonçant des propos « glaçants ». Oubliant un peu vite les unes de Charlie Hebdo disant crânement que « le Coran, c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles ». L’esprit Canal, celui de Fluide glacial et de Charlie Hebdo crachant sur le bourgeois pour faire rire le prolétariat est décédé. Car aujourd’hui, le prolétariat écoute Papacito et les bourgeois votent Mélenchon. En bref, Mélenchon voulait se sauver en écrasant un humoriste. Il s’est abaissé en offrant au bouffon une tribune dont il vient de jouir pendant plusieurs dizaines de minutes en direct chez VA+.

On disait Mélenchon fin stratège, rusé, matois et charismatique. Il va sortir de cet épisode vieux, fatigué, has been et ridicule. Finalement, il est à l’image de la gauche. Éparpillée façon puzzle sous les rires gras. On ne peut pas dénoncer la violence d’un bouffon en défendant une politique qui la rend systémique.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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