Jean-Michel Blanquer veut promouvoir les langues anciennes : du lard ou du cochon ?
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On croit rêver ! Jean-Michel Blanquer, à la tête d'une croisade pour la défense des langues anciennes ? Non qu'il n'en comprenne pas l'intérêt culturel et pédagogique, mais cette passion nouvelle pour le latin et le grec, à cinq mois de la présidentielle, fleure la supercherie : elle ne s'accorde guère avec la politique d'un Président qui n'a cure de notre héritage gréco-romain. Quoi qu'il en soit, fût-il sans arrière-pensées, son initiative vient trop tard et se heurterait au manque de moyens.
Dans l'hebdomadaire Le Point, Jean-Michel Blanquer indique vouloir renforcer l'apprentissage des langues anciennes. Avec les ministres italien, chypriote et grec en charge de l’Éducation, il vient de signer une déclaration « visant à renforcer la coopération européenne autour du latin et du grec ancien ». Certes, ces pays doivent beaucoup à la culture gréco-latine, mais il est douteux qu'ils puissent entraîner sur ce chemin le reste de l'Europe, même si, selon un communiqué du ministère, ils veulent pompeusement « donner un nouvel élan à la construction de l’espace européen de l’éducation ».
Ce qui fédère d'abord l'Europe, ce sont « les langues antiques », déclare Jean-Michel Blanquer. Il souligne que « ce fonds linguistique commun » fait rayonner des « valeurs communes » comme « l'humanisme » ou « le culte du vrai et du beau, l'exigence du logos, qui se révèle si nécessaire à notre époque où la déraison fait feu de tout bois ». On croirait entendre du Zemmour ou quelque penseur avisé qui a compris que notre héritage gréco-romain n'est pas de pacotille et qu'on a bien tort de le négliger.
Il dit aussi lutter contre l'idéologie woke, qui nous vient des États-Unis. L'université de Princeton n'a-t-elle pas décidé, récemment, sous son influence, que le grec et le latin ne seraient plus obligatoires en lettres classiques ? La culture gréco-romaine serait, en effet, coupable d’avoir été « complice, sous diverses formes, d’exclusion, y compris d’esclavage, de ségrégation, de suprématie blanche, et de génocide culturel ». Pauvre Homère, accusé d'être raciste et misogyne : il faut le mettre à l'index ! Jean-Michel Blanquer juge, non sans raison, de telles interprétations « absolument sidérantes ».
Il annonce donc vouloir élargir l’enseignement des langues anciennes, notamment dans les filières technologiques, et développer l'option de « français et culture antique » en 6e. Tous les amoureux des langues anciennes, témoins de la richesse de l'Antiquité, ne peuvent que s'en réjouir et se fieraient volontiers à ses bonnes intentions. Mais sa proximité avec Emmanuel Macron, qui se complaît à déconstruire l'Histoire et à endosser les idéologies à la mode pour paraître moderne, a quelque chose de louche et laisse planer des doutes sur la mise en œuvre d'un tel programme.
Jean-Michel Blanquer participe-t-il ainsi à la campagne électorale d'un candidat prêt à tout pour gagner des bulletins de vote ? On ne ferait pas la fine bouche si l'enseignement des langues anciennes progressait effectivement. Mais, voulût-il vraiment le réhabiliter, il aurait bien du mal à le mettre en pratique. C'est le serpent qui se mord la queue : pénurie de professeurs de lettres classiques ; postes non pourvus aux concours de recrutement, faute d'un nombre suffisant de candidats, rareté des élèves et des étudiants dans cette discipline...
Le latin et le grec sont moribonds, les moyens pour les enseigner insuffisants, la volonté politique inexistante. Dans ces conditions, Jean-Michel Blanquer risque fort de rester au stade des incantations. Il peut séduire encore quelques nostalgiques mais, soyons lucides, il faudra beaucoup de temps pour renverser la vapeur.
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