Jean-Michel Blanquer veut renforcer le devoir de réserve : une réponse au #pasdevagues ?

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Pourrai-je encore, dans les années qui viennent, donner mon avis sur telle ou telle réforme, dénoncer certaines pressions ou certaines aberrations qui existent à l'Éducation nationale ?

On peut avoir quelques craintes quand on apprend que le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, veut, via son projet de loi « pour une école de la confiance », insérer un nouvel article dans le Code de l'éducation : "Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l'établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'Éducation […]."

Pas de quoi voir rouge ni mettre un gilet jaune. Mais le diable se loge dans les détails : l'étude d'impact du projet de loi précise : "Les dispositions de la présente mesure pourront être invoquées […] dans le cadre d'affaires disciplinaires concernant des personnels de l'Éducation nationale s'étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public."

Le texte donne des exemples. Mais le droit est, déjà, suffisamment clair pour permettre à l'institution d'agir. Alors, pourquoi cette insertion ? "Il en ira ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l'institution scolaire." Là encore, la diffamation n'est-elle pas, déjà, sévèrement punie dans notre droit ?

Mais on voit bien où veut en venir cet ajout : ces « infox », qui font déjà l'objet d'une loi très contestée. Est-ce, aussi, une réponse à la parole de ces enseignants victimes et de la violence de certains élèves et de l'indifférence de leur administration qui s'est libérée lors du mouvement #pasdevagues ?

Aussitôt connue, cette disposition a soulevé de nombreuses interrogations chez les deux premiers syndicats du secondaire, le SNES et le SNALC.

Pour Jean-Rémi Girard, président du Snalc, "si ce texte passe et est utilisé non plus par rapport à des faits jugés, mais de façon très large, ça pose problème. Évidemment, si un collègue formule des critiques de façon non diffamatoire, on prendra sa défense."

Le ministère se défend d'innover, arguant que le devoir de réserve existe déjà. Ce nouveau texte ne donnerait donc aucun pouvoir de plus. Cela devient, décidément, une constante dans ce gouvernement : on signe des textes, on écrit des lois, mais cela ne change rien. Voir le pacte de Marrakech... Qui serait assez naïf pour le croire ? Et que penser d'un gouvernement dont le souci majeur semble devenir le contrôle de l'information et la criminalisation des opinions adverses ?

Certes, il est légitime qu'en tant que fonctionnaires, nous soyons tenus à une certaine réserve vis-à-vis de l'institution à laquelle nous appartenons. Mais cela ne saurait signifier un suivisme aveugle et une autocensure disciplinée. La liberté pédagogique des enseignants est un principe reconnu par la loi, leur liberté d'expression devrait l'être tout autant. Comme le redisait récemment, sur France Culture, l'avocat Emmanuel Pierrat, spécialiste de ces questions, l'arsenal juridique français est amplement suffisant.

Si M. Blanquer occupe, aujourd'hui, le poste qui est le sien, c'est, entre autres, parce que beaucoup d'enseignants ont osé dénoncer les excès et les aberrations des réformes des précédents ministres – réformes des rythmes de M. Peillon, réforme du collège de Mme Vallaud-Belkacem. Déjà, certains étaient regardés d'un mauvais œil par leur hiérarchie. Il serait regrettable que M. Blanquer accole aujourd'hui son nom à une restriction de la liberté d'expression des enseignants.

En effet, s'il y a bien une leçon à tirer du mouvement des gilets jaunes, c'est qu'à trop vouloir mépriser, étouffer, censurer certaines opinions, elles finissent toujours par trouver leur expression, qui ressemble alors à une explosion. Est-ce vraiment l'intérêt d'une démocratie ?

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