Jean-Paul Brighelli, sur la réussite record du bac 2020 : « Tout le système ment, ensuite, dans le supérieur, les élèves se prennent un mur ! »
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Avec un taux de réussite record de 91,5 % avant le rattrapage, le bac 2020 enregistre le plus haut score. Pour Jean-Paul Brighelli, ce bac 2020 est « un cauchemar » et les résultats sont « caricaturaux ».
Que retenez-vous de cette année scolaire pas comme les autres ?
Les résultats du BAC sont à peine plus caricaturaux que les résultats du BAC des dix dernières années. Le taux de réussite est de 92 % avant les oraux de rattrapage. À l’issue de ces derniers, il sera donc de 95 % ou 96 %. On devrait le donner à tout le monde. Cela fait des années que je propose de donner un certificat de fin d’études, et de laisser l’enseignement supérieur trier comme il l’entend.
Le brevet, lui, a été donné à tellement d’élèves que certains qui visaient un lycée professionnel se retrouvent dans une voie générale. Par conséquent, cela crée des embouteillages dans certaines académies notamment à Paris. C’est désordonné, mais ce n’est pas monstrueux.
En revanche, ce qui est monstrueux c’est d’avoir donné le BAC à des élèves qui depuis quatre mois, ne fichent plus rien et s’en vantent. Depuis 24 heures, nous avons constaté une épidémie de tweets du style « j’ai eu raison d’être flemmard toute l’année, j’ai quand même eu mon BAC». L’année prochaine, soit l’enseignement supérieur baisse son taux d’exigence et à ce moment-là c’est une génération entière qui sera pénalisée. Aucun employeur n’emploiera des gens qui ont un retard conséquent à l’allumage. Soit l’enseignement supérieur maintient ses exigences et ces malheureux gosses vont s’écraser contre le mur en fin de première année. On les tirera d’une façon ou d'une autre, parce que tout le système ment depuis le CP. Tout le système est abonné au mensonge et les notes sont modifiées depuis des années. En général, cela est valable jusqu’à la fin de la licence.
Au moment où vous passez en M1, il n’y a plus personne. Or, avec une licence, vous n’avez plus rien. Autrefois, le minimum était le BAC. Avec ce dernier, vous pouviez être fonctionnaire de police. Actuellement, vous pouvez toujours rêver. Aujourd’hui, le minimum est la licence qui n’a quasiment plus de valeur marchande.
Cette génération a été bousillée par ce confinement très exagéré et précipité. Cette génération sera comme dit la Fontaine « fort dépourvue quand la bise sera venue ».
Les élèves qui vont rentrer en prépa scientifique et qui n’auront plus fait de mathématiques depuis la mi-mars, alors que les programmes des prépas scientifiques restent inchangés, ne rattraperont jamais l’écart monstrueux qui existe habituellement, sauf peut-être les meilleurs. Ces derniers ne sont pas le problème. Le problème c’est cette masse intermédiaire qui par le biais de politique particulièrement absurde va être précipitée par le bas et écrasée littéralement.
J’ai écrit quelques articles sur le sujet. 700 000 élèves passent le BAC. Une génération entière se retrouvera dans une impasse. Le BAC 68 n’a pas été donné contrairement à ce que l’on croit. Les résultats sont montés à 65 %. Cela fait rêver. Depuis des années, nous sommes à plus de 90 %. Nous n’avons pas attendu d’avoir le Covid pour atteindre ce taux de réussite. Pendant un certain temps, le BAC 68 a été une fable. Le BAC 2020 ne sera une fable, mais plutôt un cauchemar. On aurait très bien pu le réorganiser différemment, déclarer une année blanche. Il y avait des tas de solutions. On aurait pu aussi revenir en classe fin avril.
Vous décrivez un système qui existe depuis de nombreuses années. L’épidémie de Covid l’a peut-être un peu aggravé, mais a surtout révélé des lacunes qui existent depuis trente ans.
C’est exactement cela. Cela fait des années que nous sommes quelques uns à expliquer que le BAC n’a aucune valeur. Les moyennes, les admissions et les mentions sont trafiquées. Les établissements vertueux, plus précisément les gens qui notent un peu sec, se retrouvent avec un taux de mentions inférieures. Par exemple, l’école des Chartreux à Lyon est une excellente école à tout point de vue et pourtant, elle se retrouve avec un taux de mentions très bien inférieures aux années précédentes parce qu’ils mettent des notes réelles. Un 12 chez eux vaut un 18 ailleurs. Certains lycées de merde ont surnoté abusivement et leurs élèves se retrouvent avec des mentions très bien. Certaines régions attribuent des primes de 400 euros aux élèves ayant eu une mention très bien, alors qu’ils ne méritaient pas vraiment. Quelques-uns le méritent et auraient eu dans tous les cas leur mention très bien. Les autres, c’est un cadeau au pied du sapin.
C’est très injuste pour les bons élèves. Cela fait des années que nous avons renoncé à la méritocratie républicaine. Le Covid a manifesté le fait que l’élitisme républicain est bien mort.
ParcourSup a été une sorte de roulette russe pour beaucoup d’élèves...
Les sept IEP de province sont normalement régies par un concours. J’enseigne moi-même dans une classe où les élèves sont véritablement préparés à ces concours. Cette année, le concours n’a pas eu lieu. C’est un algorithme fabriqué par le ministère de l’Enseignement supérieur qui a déterminé que tel ou tel élève irait dans les IEP et tel autre particulièrement méritant, mais qui n’avait pas eu au BAC les notes en question se sont retrouvés complètement marginalisés, voire balancés, alors même qu’ils avaient toutes les chances de réussir le concours. De façon générale, il y a des flottements terribles sur ParcourSup. Il est temps d’en finir avec cette plaisanterie. Il est temps que le BAC soit un certificat de fin d’études. Et il est temps qu’on laisse la totalité de l’enseignement supérieur choisir véritablement les candidats qu’ils veulent avoir et auxquels ils veulent enseigner.
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