Jean-Paul Gourévitch réagit au rapport de la Cour des comptes : « Plus personne n’ose dire, maintenant, que l’immigration, ça rapporte ! »
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Jean-Paul Gourévitch analyse le rapport de la Cour des comptes qui évalue le coût de l'immigration à 6,6 milliards d'euros. Il pointe en particulier plusieurs coûts nettement sous-estimés : ceux de l'immigration étudiante et des mineurs non accompagnés.
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La Cour des comptes a publié un rapport qui détaille le coût de l’immigration en France. Celui-ci s’élèverait à 6,6 milliards d’euros. Ce rapport prend-il en compte toute l’immigration ?
Le rapport a été publié hier. J’ai noté qu’il comporte trois éléments clés : une critique de la politique française en matière d’immigration et d’intégration, une étude sur les coûts, et des préconisations.
Aujourd’hui, tous les économistes, de gauche comme de droite, sont d’accord sur le fait que l’immigration est un coût pour la France et non un bénéfice. Il y a simplement une différence de coût. Pour les économistes de gauche, le déficit se situe entre 4 et 10 milliards. Et pour les économistes de droite et d’extrême droite, il se situe entre 70 et 85 milliards.
L’analyse de la Cour des comptes est inscrite plutôt dans le cadre des économistes de gauche. Avec ses 6,7 milliards d’euros, il y a une petite différence avec mes propres chiffres qui étaient de 8,5 pour l’immigration légale et 3,7 pour l’immigration illégale. J’ai regardé où étaient les différences.
Pour l’immigration légale, je pense qu’il y a une sous-estimation de l’immigration étudiante. Pour la première fois, le nombre de titres de séjour donné pour l’immigration étudiante est supérieur au nombre de titres de séjour donnés pour l’immigration familiale. Nous avons donc aujourd’hui 300 000 étudiants étrangers non communautaires en France. Comme le coût annuel est d’environ 15 000 euros, le coût réel s’établit aux alentours de 4,5 milliards d’euros. Et il est très loin d’être couvert par les recettes.
Pour l’immigration illégale, je suis tout à fait d’accord avec les chiffres de l’aide médicale d’État et des étrangers malades. Je pense qu’il y a une sous-estimation des coûts sécuritaires et des coûts sociétaux, puisque le travail illégal, la fraude, la contrefaçon, le piratage et la prostitution ont des coûts qui ne sont, à première vue, pas véritablement dans le rapport de la Cour des comptes. Il y a aussi l’oubli complet des coûts des mineurs non accompagnés. Nous accueillons 40 000 mineurs non accompagnés sont sur le territoire français.
Enfin, je trouve que cette étude des coûts est statique et ne tient pas du tout compte de la rentabilité des investissements qui sont faits par l’État. On peut citer les 2,7 milliards environ utilisés pour essayer de freiner l’immigration. Dans ce cas, la rentabilité est évidemment nulle puisque les immigrations illégale et légale sont en augmentation. Et puis, il y a les investissements intérieurs qui concernent l’alphabétisation, l’information, l’éducation, la qualité de vie, le logement des immigrés et des enfants d’immigrés. Dans ce dernier cas, il y a une rentabilité, mais une rentabilité différée que l’on connaîtra uniquement lorsque ces enfants rentreront sur le marché du travail.
Je trouve que l’analyse de la Cour des comptes est ponctuelle et statique. Elle ne s’inscrit pas dans le long terme.
Pourquoi les statisticiens plutôt marqués à gauche sous-estiment-ils les coûts ? Pourquoi les chiffres de l’immigration sont-ils plus élevés lorsqu’on va davantage sur la droite de l’échiquier politique ? Y a-t-il un biais idéologique systématique derrière ces études ?
Parmi les économistes, beaucoup sont gouvernés par des idéologies. Ils ne font pas un travail d’analyse scientifique comme celui que j’essaie de faire, même si je ne suis pas le seul. Ce travail vise à étudier chacun des éléments de coût et surtout à faire la comparaison avec les années précédentes. On ne peut pas faire du bon travail si celui-ci n’est pas fait sur l’évolution des coûts. Les coûts comprennent à la fois les recettes, les dépenses, les investissements et la rentabilité des investissements.
Il y a déjà un progrès par rapport à ce qui se passait il y a cinq ou six ans. À cette époque, les économistes de gauche disaient que l’immigration rapportait. Aujourd’hui, plus personne n’ose dire cela. La différence est très nette. Je me situe plutôt du côté de la gauche que du côté de la droite et de l’extrême droite. Même si on ajoute les coûts de l’immigration légale, illégale et les investissements, on est en dessous de 20 milliards d’euros. Une partie de ces 20 milliards d’euros seront un jour rentables.
Le rapport d’André Posokhow parlait d’un coût de 84 milliards. Qu’est-ce qui explique cette différence ?
Je ne vais pas critiquer mes collègues ; chacun a le droit d’avoir ses propres schémas. André Posokhow fait le coût des entrées, mais pas des sorties. Dans l’immigration, vous avez à la fois des gens qui viennent et d’autres qui repartent.
D’autre part, sur un certain nombre de coûts, on a des divergences vraiment importantes.
Après avoir lu ce rapport, qu’est-ce qui a changé selon vous dans notre immigration ?
Sur les 276 000 titres de séjour délivrés, des évolutions sont significatives. Pour la première fois, les titres pour l’immigration étudiante dépassent les titres pour l’immigration familiale. Depuis cinq, six ans, cette augmentation de l’immigration étudiante est continue. 91 000 étudiants ont eu des titres de séjour sur 276 000 titres de séjour.
On note par ailleurs une augmentation d’environ 15 % des titres économiques.
Enfin, il y a une augmentation de 24 % des titres donnés pour motif humanitaire. C’est-à-dire, les demandeurs d’asile, les étrangers malades, la protection sanitaire. Cela explique pourquoi la Cour des comptes considère que le système de reconduite ou du retour volontaire ne fonctionne pas bien. Même si on ajoute les retours volontaires, les reconduites et les régularisations, 150 000 personnes demandent l’asile. Finalement, 40 000 au total vont rester sans statut et vont augmenter le nombre d’immigrants irréguliers.
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