Jean-Paul Oury : « Il est trop tôt pour enterrer le « grétatisme » ! »

GRETA THUNBERG

Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et essayiste. Il est auteur de La Querelle des OGM (PUF, 2006), >Manifeste des alter-libéraux (Michalon, 2007), OGM moi non plus (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein. La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Éditions, 2020). À l'occasion de sa dernière publication, Greta a ressuscité Einstein, deuxième tome d’une trilogie, il a accepté de répondre à nos questions.

Marc Baudriller : Greta Thunberg publie un livre, Le Grand Livre du climat, et revient sur la scène publique. Mais le contexte de la crise énergétique est passé par là. L’activiste se dit désormais favorable au maintien des centrales nucléaires allemandes. La nouvelle Greta se soumet-elle à la science ?

Jean-Paul Oury. Il est particulièrement complexe de s’y retrouver, dans les déclarations de cette nouvelle Pythie qui s’est fait connaître en appelant à une grève des cours (rejet de la civilisation du savoir), puis en plaidant pour la science, puis en appelant à fermer les centrales à charbon allemandes tout en disant qu’il ne fallait pas de nucléaire… Il y a trois mois, elle chargeait encore la Commission européenne parce que celle-ci avait mis le nucléaire dans sa taxonomie… Et il y a dix jours, elle soutenait le nucléaire allemand par défaut… J’ai écrit une tribune dans Le Figaro à ce sujet pour me réjouir de ce retour à la raison même si, comme je le précise, ce n’est pas une adhésion sans réserves à la technologie.

Il est donc trop tôt pour enterrer le « grétatisme », ce mouvement qui, selon nous, illustre un double changement de paradigme : tout d’abord, le sacrifice de la science prométhéenne sur l’autel de l’écologisme et la promotion du made in nature, cheval de Troie de la décroissance (voir, à ce sujet, Greta a tué Einstein).

Ensuite, cette idéologie (l’écologisme) s’étant diffusée pleinement dans la société, nous assistons à la récupération par la politique de la science pour l’utiliser comme un prétexte pour établir en son nom de nouvelles lois. En clair, on abandonne petit à petit la « science des ingénieurs » pour la « science des législateurs ». Il ne s’agit plus de repousser les normes que nous impose la nature et de libérer l’humanité mais de créer de nouvelles normes pour la contrôler. J’explique tout cela dans Greta a ressuscité Einstein.

M. B. : L’écologie française paraît particulièrement déconnectée des réalités scientifiques avec, notamment, la figure de Sandrine Rousseau. Est-ce une spécificité hexagonale ? Est-ce un effet Greta ? Est-ce durable ?

J.-P. O. Je ne sais pas si l’écologie française est plus déconnectée que ses consœurs des réalités scientifiques. Il ne faut pas oublier qu’on doit à l’écologie allemande l’Energiewende qui met l’Europe dans le pétrin au sujet de la politique énergétique (abandon du nucléaire, inutilité des ENR). Je pense qu’il y a une distinction plus générale à faire entre l’écologisme, qui relève de l’idéologie politique, et l’écologie, qui est une science. La confusion entre les deux a laissé prospérer toute une génération de carriéristes qui ont fait une OPA sémantique sur le concept de nature et s’arrogent le droit de parler en son nom. Ils sont arrivés à leurs fins en réussissant à imposer leur idéologie et à faire oublier que la science et la technologie sont les mieux qualifiées pour assurer la coexistence entre l’homme et la nature… Sandrine Rousseau illustre l’apogée de ce mouvement car elle ne se détourne pas seulement de la science prométhéenne, elle va un cran plus loin en cautionnant l’irrationalité et en affirmant préférer « des femmes qui jettent des sorts plutôt que des hommes qui construisent des EPR »… Quand on entend ça, on regrette l’époque de Marie Curie.

M. B. : Quels sont les mécanismes du catastrophisme écologique ? Quels effets ont-ils sur les jeunes qui y sont, selon les sondages, particulièrement sensibles ?

J.-P. O. Pour faire tomber la science prométhéenne de son piédestal, les activistes ont recours à deux méthodes essentielles : l’agit-prop, qui permet de faire passer un risque potentiel pour un danger imminent. C’est le cas sur le nucléaire, les biotechnologies vertes, les ondes ou encore la chimie de synthèse. À chaque fois, les militants montent en épingle des événements sur des sujets où l’opinion ne peut pas se faire une idée par elle-même pour vérifier la véracité des informations. C’est le cas, par exemple, de la querelle des OGM. Elle a commencé avec des militants de Greenpeace qui se sont enchaînés dans le port d’Anvers alors que personne, en Europe, n’avait entendu parler de cette technologie. Une autre stratégie consiste à jeter le doute en posant une question non scientifique aux scientifiques… autrement dit, en introduisant dans les controverses la notion de risque zéro qui, rappelons-le, n’existe pas. Vous mettez les scientifiques dans l’embarras en leur intimant de démontrer l’absence de risque.

Aussi, d’une manière générale le « grétatisme » est ce mouvement qui laisse croire que les progrès liés à la civilisation nous mènent à notre perte. Il y a de quoi s’inquiéter quand on voit ce sondage, réalisé dans les pays de l’OCDE, selon lequel 60 % des sondés croient que le changement climatique pourrait nous conduire à la fin du monde. Les jeunes sont sans doute plus sensibles, comme on le constate au travers de la montée du phénomène d’éco-anxiété ou encore chez ces jeunes diplômés des grandes écoles qui se sont fait connaître avant l’été en revendiquant le droit de bifurquer.

M. B. : Y a-t-il une tentation autoritaire, une envie de contraintes derrière cette forme d’écologie, et quels en sont les risques ?

J.-P. O. C’est tout le sujet de Greta a ressuscité Einstein, notre ouvrage à paraître. Comment la science récupérée par les politiques peut être un levier pour imposer une idéologie et planifier l’avènement de celle-ci. Nous avons identifié et passé en revue cinq régimes fictifs : la climatocratie, la covidocratie, la biodiversitocratie, la collapsocratie et l’algorithmocratie. Nous montrons comment, en ayant recours à cinq typologies de sophismes, la politique s’approprie la science. Pour ne citer qu’un exemple, prenons le sophisme qui consiste à revendiquer l’existence d’un consensus pour faire taire les contradicteurs afin d'asseoir l’existence d’une vérité absolue… Ceci relève de la politique et non de la science.

Les politiques ont compris que la formule « la science a dit » était la meilleure façon de faire taire les opposants. Or, le problème est que certains veulent en abuser pour créer de nouvelles lois et nous contraindre… Il ne s’agit pas de nier ces problèmes qui sont bien réels, mais le fait est que, en confiant tout au politique, on abandonne la science des ingénieurs (celle qui nous faisait faire des plans Mesmer et des révolutions vertes à la Norman Borlaug) pour la science des législateurs (celle qui nous fait préparer des green deal et des F2F dont le principal objectif est de nous imposer des mesures sacrificielles et décroissantes).

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Ce 25 octobre sur RTL, Eric PIOLLE :
    – la pollution tue 40 000 personnes par an
    – il faut faire comme en Alleùagne où les gens font 20 à 30 km en vélo chaque jour
    – pour l’accès aux centre-villes, il faut faire des RER partout
    SANS COMMENTAIRE

  2. Peut-être, après tout, que Grata Thunberg est plus intelligente qu’ele ne paraissait jusqu’ici !

    • Son étroite observation sur You Tube me permet d’affirmer que Greta ne prend aucune décision. Elle est entièrement sous la dépendance de son père, qui ne la quitte jamais.

    • Elle n’est pas intelligente. C’est une marionnette qui, telle un perroquet, répète ce qu’on lui a dit de dire.

  3. L’incompétent préfère toujours se ranger derrière ce qui est indémontrable pour affirmer qu’il détient la vérité et imposer ainsi sa politique. Le dramatique réside en fait dans l’acceptation des peuples à suivre de telles divagations. L’abêtissement délivré par l’enseignement public est la principale cause de cette absence de réaction. L’enseignement délivré au début du XX° siècle faisait que même avec un certificat d’études primaire, les électeurs auraient vite réussi à démontrer la supercherie de ces idéologues.

    • Parfaitement exact, la dégénérescence de l’enseignement nous vaut des générations incultes bien plus faciles à manoeuvrer en les abusant autant que faire se peut. Même les iplômés sont devenus des cibles faciles tant ils ont été baignés dans des idéologies destructrices. Ils ont perdu la capacité de raisonner par eux-même. Il n’est que de voir les écoles de journalisme où 90 à 100% des journalistes en devenir sont d’une gauche imbécile et sectaire. C’est très édifiant !

  4. Quand va-t-on finir par admettre une évidence , c’est que ce réchauffement climatique n’est absolument pas du aux activités de l’homme mais au soleil et uniquement aux explosions de ce dernier qui ont lieu plusieurs fois par mois .

    • Le réchauffement climatique anthropique n’est pas une vérité scientifique, mais une religion. Comme toute religion, elle s’appuie sur de considérables ressources financières (les éoliennes, mais pas que). Comme toute religion, elle est inaccessible à toute argumentation logique et encore moins scientifique.

  5. Pour ceux qui douteraient encore que l’écologisme est une énorme manipulation des esprits, je conseille un test. Si vous avez une fille, ou une petite fille, d’une quinzaine d’années, amenez là au siège de l’ONU, un jour de séance plénière, et demandez à ce qu’elle y prenne la parole pour une communication très importante, concernant l’avenir de la planète, comme Greta l’avait fait, de manière très impromptue évidemment…

  6. L’explosion de Tchernobyl , centrale gérée « à l’ukrainienne », a contaminé le sol et tué par l’incurie des dirigeants de Kiev , alors que l’accident de Fukushima , certes malvenu, fût bien moins performant, le tsunami étant responsable des morts et disparus. Ces tragédies n’ont pas dissuadé les habitants de ces pays d’avoir recours à cette technologie performante pour assurer l’énergie qui leur est indispensable. La gamine deviendrait-elle adulte ?

    • Tchernobyl n’a pas été géré à l’Ukrainienne, mais à la Soviétique, en imposant la violation de toutes les consignes de sécurité concernant le graphite et ses variations allotropiques (effet Wigner). Ces injonctions sont venues du pouvoir politique et pas des scientifiques et ingénieurs gérant la Centrale. De plus, ces politiques ignoraient les particularités (non linéarité) des barres de bore fonctionnant à basse température. D’où la catastrophe sur une centrale qui était particulièrement sûre.

      • « une centrale qui était particulièrement sûre ». Ça se discute, pour le moins. En dehors de tout facteur humain et soviétique, elle souffrait de graves défauts de conception :
        – Un seul circuit hydraulique commun, sans possibilité d’isoler un accident survenant dans son cœur.
        – Un coefficient positif de température : risque d’emballement à basse température.
        – Un système d’arrêt d’urgence peu fiable avec une insertion trop lente des barres d’absorption dont la mauvaise conception provoquait une augmentation de la réaction nucléaire en début d’insertion, au lieu de l’atténuer.
        – Insuffisance de capacité du système de confinement, conçu pour limiter les effets d’un incident, non d’un accident

  7. Là on comprend très bien la manipulation et la façon perverse de faire douter de la science .
    Très bon interview ..Le livre doit être passionnant .

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