Jean Sévillia : « Le massacre d’Oran du 5 juillet 1962 a longtemps été occulté… Il faut rétablir la vérité »
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France 3 vient de diffuser un reportage sur le massacre du 5 juillet 1962 à Oran : en quelques heures, 800 pieds-noirs avaient été torturés et tués, sans réaction de la part de l'armée française.
Pour Boulevard Voltaire, Jean Sévillia revient sur ce tragique épisode de la guerre d'Algérie.
Un document sur le massacre d’Oran en 1962 a été diffusé sur France 3. On a peu entendu parler du massacre d’Oran, alors que c’est un épisode important de la guerre d’Algérie. En quoi consistait ce massacre ?
Alger a accédé à l’indépendance le 3 juillet 1962. À partir de ce moment-là, le maintien de l’ordre sur le territoire de ce pays relevait des autorités du nouvel État algérien. Il n’était d’ailleurs pas encore établi. Il était dans un état d’anarchie intérieur.
Le 5 juillet à Oran, il y a eu un massacre d’Européens et de musulmans. Toute la question est de savoir par qui il a été déclenché, sur les ordres de qui et dans quelles circonstances.
La seule certitude est que 600 Européens ont été massacrés et sans doute une centaine de musulmans dans des situations confuses. L’armée française, qui était encore sur place, n’a pas bougé. Le Général qui commandait les forces françaises à Oran avait ordre de demander à ses hommes de ne pas bouger. Il y a donc eu des massacres de Français d’Algérie sous les yeux de l’armée française. À part quelques unités, sur l’initiative de leurs officiers courageux, l’armée n’a pas bougé.
Ce massacre post-indépendance a été occulté. Il témoigne de la violence dans laquelle l’Algérie a accédé à l’indépendance et de la violence à l’encontre des Français d’Algérie, qui n’ont pas été défendus par l’armée française.
La sortie de ce documentaire est une première. Pour des raisons de politiquement correct, ce massacre a été très peu évoqué par les historiens et par la pensée dominante.
Jean Monneret, Guy Pervillé et Guillaume Zeller ont écrit de bons livres sur la question, mais c’est un événement dramatique qui a été pertinemment occulté. Il ternissait l’image d’une Algérie accédant à l’indépendance dans le bonheur de tous. Je n’ai pas encore eu l’occasion de voir ce document. D’après les informations que j’ai pu avoir, il serait bien orienté. C’est une très bonne chose que la télévision publique diffuse un document de cette nature. Ce document contribue à rétablir la vérité sur une page dramatique de la fin de l’Algérie française.
L’année dernière, vous avez publié Les Vérités cachées de la guerre d’Algérie. Ce livre a eu un certain succès, mais a peu suscité l’intérêt des médias mainstream. Pensez-vous que la France ait encore un blocage sur cet épisode de son Histoire ?
On voudrait toujours avoir une lecture manichéenne de la présence française - des 132 ans de présence en Algérie - et de la guerre d’Algérie, que les Algériens appellent la guerre d’indépendance. J’ai voulu faire un travail équilibré qui raconte le positif et le négatif de cette affaire. Cela reste un sujet tabou. Il y a très peu de temps, L’Obs a titré : « quand la France occupait l’Algérie ». C’est une vision de l’Histoire totalement déformée pour des raisons idéologiques. Il faut travailler au rétablissement de la vérité. C’est ce que j’essaie de faire à ma place.
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