Jeane Manson, l’Américaine qui aime la France, fait son grand retour sur CNews !

En janvier prochain, nous fêterons le demi-siècle d’une célèbre ritournelle, Avant de nous dire adieu, chantée par la belle Jeane Manson. Laquelle fêtait son retour en fanfare, ce 26 mars, sur le plateau de Face à l’info, devant une Christine Kelly encore plus enjouée qu’à l’accoutumée : ce n’est pas tous les jours qu’on a en face de soi la dame ayant peut-être accompagné en musique ses premiers émois amoureux. « Avant de nous dire adieu/Faisons l’amour puisque c’est fini nous deux/Faisons l’amour comme si c’était la première fois/Toi et moi, puisque l’amour s’en va. » Dans le registre des chansons d’amour, les paroles les plus simples sont souvent les plus belles.

Une Américaine à Paris

L’occasion de se rappeler aussi que dans les années 70 du siècle dernier, la chanson française savait aussi être de qualité. Il y a tout d’abord la beauté de la mélodie, celle de l’harmonie des accords et, surtout, la splendeur des arrangements, chœurs et violons, guitares et percussions : que d’imagination pour enjoliver ce que les cuistres nommaient alors la « variétoche ». On en connaît qui, aujourd’hui, seraient bien inspirés d’en prendre de la graine. Et on ne pense pas qu’à Aya Nakamura.

Au fait, qui est Jeane Manson ? Elle est américaine au même titre qu’une autre Jane, Birkin celle-là, est anglaise. De leurs origines, elles ont gardé ce joli accent chantant et, surtout, le même amour de la France, intellectuel chez Birkin et autrement plus charnel chez Manson. Laquelle affirme : « J’ai appris le français en chantant. » Tombée amoureuse de « la joie de vivre française », elle considère que c’est encore « le plus beau pays d’Europe ». Partie en France avec une valise et une guitare…

Pourtant, née à Cleveland dans l’Ohio (pas précisément l’État yankee le plus ouvert sur le vaste monde), la jeune Jean Ann Manson voit le jour dans une famille éminemment cultivée. Le père est écrivain, la mère, d’origine juive polonaise, est à la fois chanteuse et peintre. Elle grandit ensuite au Mexique, puis en Californie, avant de s’envoler, ses vingt printemps à peine révolus, vers Paris avec, pour seul bagage, une guitare et une valise emplie de livres.

Auparavant, elle a tourné dans trois films. Des apparitions modestes, il va sans dire, dans Dirty O’Neil, par exemple, en 1974, improbable série B coréalisée par Lewis Teague qui se fera connaître, quatre ans plus tard, en tournant L’Incroyable Alligator, chouette film au demeurant, mais ignoré de l’académie des Oscars™ pour les raisons qu’on peut imaginer.

Une fois arrivée dans la Ville Lumière, les choses s’enchaînent très vite, sachant qu’il ne lui faut que quelques mois pour signer son premier contrat chez les disques Barclay et accéder à la célébrité, avec l’Avant de nous dire adieu plus haut cité. Au fil des ans, il s’en vendra plusieurs millions d’exemplaires. D’autres tubes d’un semblable calibre suivent dans la foulée : Les Larmes aux yeux (1976), La Chapelle de Harlem (1977) ou Fly to New York City (1979).

Jeane Manson, une éternelle sous-estimée à réhabiliter…

Notons que le hasard n’a rien à voir avec tout cela : sa voix, d’une justesse frôlant l’absolu (comme Françoise Hardy), est également d’une remarquable tessiture, à la fois suave et tout en tension. Mieux : les compositions sont immanquablement à la hauteur ; les arrangements aussi, une fois encore. Bref, Jeane Manson, éternelle sous-estimée, mériterait d’être remise à sa place, haut sur le podium des vedettes d’alors.

La sortie de son dernier album, Encore une fois, devrait ainsi pousser certains critiques snobinards à revoir leurs positions. En effet, ce n’est pas donné à tout un chacun de se frotter aux grands classiques pour les réinterpréter à sa manière. Un exemple ? L’Hotel California des Eagles, chanson à laquelle il n’est pas aisé de se frotter. La relecture de Jeane Manson n’est pas loin d’égaler l’original.

Idem pour des hymnes passés dans la mémoire collective, tels que Blowin' in the Wind et Diamond and Rust, les deux hymnes du Bob Dylan qu’on sait. Pour périlleux qu’il soit, cet exercice de haute volée est ici et à nouveau admirablement réussi. Le second était pourtant immortalisé par la voix cristalline de Joan Baez et il fallait être bien présomptueuse pour s’y risquer. Mission accomplie dans les deux cas, ce qui est loin d’être donné à Madame Tout-le-Monde.

Et Dieu, dans tout ça ?

Idem pour l’Hallelujah du défunt Leonard Cohen, si souvent repris et si souvent massacré ; là, nouvelle fois encore, c’est parfait. De cette prière chantée à un Ave Maria que Jeane Manson présente dans ce disque, il n’y a qu’un pas. En effet, cette dame qui, depuis si longtemps, chante du gospel dans nos églises a la fibre religieuse visiblement bien ancrée. Sur le plateau de Face à l’info, elle ne s’en cache d’ailleurs pas, revendiquant sa foi haut et fort. Laquelle ? Certes, elle arbore un collier orné d’une étoile de David ; ce qui n’empêche visiblement pas une certaine forme de culte marial.

Voilà qui rappelle une scène poignante des Misérables (1995), de Claude Lelouch, où une petite fille juive, recueillie dans un couvent lors de l’Occupation, est tenue par la mère supérieure de réciter tous les soirs ses prières, les catholiques comme les juives. Elle demande : « Pourquoi existe-t-il tant de manières de prier Dieu ? » Et la religieuse de lui expliquer, avec un humour digne de Woody Allen : « J’imagine que Dieu aime à se faire prier ! »

Pour le reste, Jeane Manson, outre cette indéniable fibre spirituelle, en possède une autre, plus politique, celle-là, déplorant que cette France qu’elle aime tant, naguère donnée pour être le pays de la liberté, soit devenu celui dans lequel les Français sont de moins en moins libres, ravagé qu’il est par « la violence » et « l’individualisme ». Une façon comme une autre de dire discrètement ce qu’elle semble crier en son for intérieur. Décidément, cette dame est une grande dame.

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