Jeanne d’Arc, une « travestie » selon Thomas Jolly !

© Paris Musées CC0
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Il est d’une naïveté touchante. Un peu à la manière d’un Delogu - dont il partage d’ailleurs les idées - Thomas Jolly est sans filtre. Le metteur en scène parle cash aux médias. Il faut dire que ces derniers ne le mettent guère en difficulté. Pas plus tard que lundi dernier, Télérama chantait encore ses louanges, s’émerveillant devant ses cérémonies olympiques durant lesquelles l’homme aurait « étonné, enchanté, rassemblé tous les publics ».

C’est tout le contraire en réalité. Jamais une soirée d’ouverture des JO n’aura été si militante, si clivante, si excluante. Thomas Jolly ne s’en cache pas. « Bien sûr que c’était politique », avouait-il enfin, jeudi 12 septembre, au cours d’une autre interview accordée au Monde. « Dans tous les tableaux apparaissaient des corps différents, de la diversité, des femmes et des hommes maquillés ou costumés. Le théâtre était partout, la question des genres également. » Pour rappel, tous ceux qui osaient noter une dimension idéologique dans certains tableaux de la cérémonie du 26 juillet dernier étaient jusqu’alors traités de rabat-joie, voire de complotistes… À ce sujet, BV n'a obtenu aucune réponse à ses questions adressées à Paris 2024 (entre autres: comment Thomas Jolly a-t-il été choisi? Combien a-t-il été payé?).

Lors de cet entretien aux allures de passe-plat, Thomas Jolly a eu l’occasion de revenir sur la polémique liée à la séquence qui revisitait la Cène à grand renfort de femmes à barbe, drag-queens et autres créatures indéfinissables. L’artiste n’a alors pas hésité à rappeler que « les rois français se poudraient et portaient des talons » et prétendre que « Jeanne d’Arc (était) une des plus grandes travesties de notre histoire »… Tiens donc. Nous y revoilà. Cette relecture woke de l’histoire de France n’a rien d’original. D’autres, bien avant M. Jolly, se sont ridiculisés en affirmant que la Pucelle était en réalité une « sainte trans », un individu « gender fluid », une « icône de la transidentité ». On connaît tout ça par cœur.

Mais quel besoin ont-ils de plaquer leurs obsessions sexuelles sur une adolescente du XVe siècle ? C’est malsain, pour le dire pudiquement. Pourquoi diable voir en Jeanne autre chose qu’une simple jeune fille, banalement « hétéro cis » comme ils disent ? C’est presque misogyne. Elle n’était en rien une « travestie ». Elle ne souffrait d’aucun trouble du genre, ni ne rejetait sa féminité. Comme tout bon chef de guerre, elle portait une armure sur le champ de bataille afin de ne pas trépasser au premier coup d’épée. Voilà tout.

L’histoire passée à la moulinette woke

Mais la tentation de faire de notre héroïne nationale une égérie LGBTQIA+ éclipse hélas toute velléité de rectitude historique. En dépit des faits, Jeanne doit absolument être présentée comme une « travestie ». « N’a-t-elle pas été condamnée parce qu’elle était vêtue en homme ? », poursuit Thomas Jolly, sûr de lui.

Eh bien non, pas exactement. Le travestissement de la Française n’était, de loin, pas le premier grief que lui faisaient ses ennemis anglais et bourguignons. Ces derniers lui reprochaient avant tout de combattre au nom de Charles VII, le « gentil dauphin » qu’elle avait accompagné à Reims afin qu’il y soit sacré roi de France le 17 juillet 1429, et de ne pas reconnaître la légitimité d’Henri VI qui, en vertu du traité de Troyes de 1420, prétendait être roi d’Angleterre et roi de France.

Par ailleurs, les hommes d’armes anglais, les « Godons », qu’elle avait défaits, imaginaient qu’elle usait pour les vaincre de maléfices, qu’elle était créature du diable, sorcière. Elle osait se dire fille de Dieu, envoyée de Dieu, alors qu’elle était, croyaient-ils, inspirée par les démons.

Enfin, ses ennemis ne lui pardonnaient pas d’avoir menacé les Parisiens de les mettre à mort sans merci et commis le péché mortel de donner l’assaut à la ville le jour de la nativité de la Très Sainte Vierge, le 8 septembre 1429.

Voilà pourquoi Jeanne est morte sur le bûcher. Comme souvent, la réalité est plus complexe que le roman woke qu’on tente de nous imposer.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

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Un commentaire

  1. Jeanne n’a pas voulu reprendre un habit féminin pendant son procès pour ne pas courir le risque d’être violée dans son cachot. La « pucelle » tenait religieusement à le rester. L’habit d’homme la protégeait. Pour le reste, effectivement, on ne mène pas une guerre en cotillon.

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