Jeunes donneurs de leçons : génération tête à claques, prophète de la chute ?

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C'est sûr qu'aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années. À onze ans, Mozart avait fait le tour de l'Europe avec son père pour donner des concerts ; à seize ans, Pascal avait rédigé un traité de mathématiques sur les sections coniques ; Don Juan d'Autriche avait 24 ans à la bataille de Lépante et Alexandre mourut à 33 ans après avoir conquis la moitié du monde. C'est sûr. La question de l'âge n'est pas en cause, et certains enfants sont plus intelligents que certains adultes. Ce n'est pas nouveau. En revanche, l'intelligence ne remplace pas l'expérience - l'ancienneté étant, selon une formule bien connue, le privilège des cons. Enfin, il y a, parmi les vertus intemporelles, le respect de ses aînés, difficile à faire entendre dans un pays qui songe à débrancher des vieux, et dont les viols de nonagénaires sont devenus monnaie courante, mais dont la fin met tout le monde au même niveau, dans un terrible lit de Procuste. Désormais, tout vaut tout, Jul et Mozart, Gims et Pascal, Zelensky et Don Juan d'Autriche. C'est comme ça.
Parmi les figures de la jeunesse géniale qui émerge, on peut citer à nouveau Manès Nadel, syndicaliste de 15 ans, engagé dans la lutte contre la réforme des retraites. Ses éléments de langage, dont il a déjà été question ici, sont ceux d'un routier de la politique. Comme le « roi d'un pays pluvieux » de Baudelaire, Manès Nadel est « jeune et pourtant très vieux ». D'ailleurs, à un éditorialiste de Sud Radio qui se moquait de lui en lui demandant de passer son bac d'abord, l'adolescent avait répondu que cet avis, relevant d'un « éditorialiste médiocre », relevait « du PMU ». Mépris intellectuel et mépris de classe : Manès Nadel n'est pas seulement un vieux, c'est aussi un vieux bourgeois. Un vieux bourgeois de quinze ans. Dans la France loin de Manès Nadel, la France périphérique, les lycéens se moquent bien de la réforme des retraites. Drogués au pétard, aux jeux vidéo, aux films porno et aux formats courts de TikTok, ils attendent surtout une bonne raison d'espérer. Pour leurs parents, qui, contrairement à ceux de Manès Nadel, ne sont pas de hauts fonctionnaires vivant dans le Quartier latin, le PMU est parfois l'un des derniers lieux de sociabilité et, oui, ils y sont parfois un peu aigres, comme le sont souvent ceux qui en rajoutent parce qu'on ne les écoute pas.

Pour que la parité soit respectée, et pour que Manès Nadel ne soit pas seul sous les feux de la rampe, une étudiante en sociologie, actrice de théâtre amateur, s'est adressée, sans le moindre respect formel, à Élisabeth Borne pendant les « Rencontres jeunesse à Matignon ». Sociologie, théâtre amateur, rencontres jeunesse : on peut presque écrire le texte du monologue de cette jeune fille, qui a dû vouloir produire une version discount des indignations convenues lors des remises de César. « Malaisante », comme on dit, cette séquence parle d'elle-même. Sans doute cette jeune fille était-elle très fière de son insolence. Nous avons tous été fiers, jadis ou naguère, d'envoyer promener des adultes. Mais, encore une fois, après ces études qui mènent tout droit au chômage, qui va payer la retraite de cette demoiselle ? Ses propres enfants ? Ce serait la seule façon objective de maintenir la retraite à 62 ans par répartition : une démographie à la hausse. La sociologie n'est-elle pas la science de ce genre de statistiques ? Passons.

Cette génération tête à claques n'invente évidemment rien. Les boutonneux de 68 se trouvaient géniaux. Ce sont désormais des bourgeois louis-philippards, à ceci près qu'ils n'ont d'autres valeurs que financières et portent des baskets. C'est peut-être le destin de ces contestataires en peau de lapin. Il n'y a guère de courage à défier Élisabeth Borne : c'est seulement un manque de respect pour les grandeurs d'établissement, comme disait - encore lui - Pascal (c'est-à-dire la fonction et non la personne). On ignore ce qu'aurait dit Manès Nadel en Chine, ce qu'aurait fait cette étudiante en Russie. Sans doute absolument rien.
Terminons sur le curieux prénom de ce lycéen, Manès. Nomen omen (« le nom est un présage »), disaient les Romains. « Manès » pourrait être une transcription de Mani, prophète du manichéisme. Ce ne serait pas inapproprié, ce serait même drôle. Ce pourrait aussi être le nom d'un roi légendaire, cité par Hérodote et - selon la légende - fils de Zeus et Gaïa, c'est-à-dire du Ciel et de la Terre. Une analyse sommaire du personnage ne se prête pas à cette hypothèse. Le plus probable, et le plus symbolique, serait que Manès Nadel s'appelle Manès en référence au Livre de Daniel.
Au chapitre 5 de ce livre, le roi Balthazar de Babylone, pendant une orgie, fait apporter les coupes d'or sacrées des Juifs, pillées dans le temple de Salomon. Pour blasphémer, il invoque les dieux des métaux précieux. Alors, une main mystérieuse écrit en hébreu, sur le mur du palais, les mots « Mane, mane, tecel, farsin ». Ces mots, expliqués par le Juif Daniel au roi sacrilège, désignent des unités de comptage, de pesée et de mesure. L'usage les traduit par « Compté, pesé, divisé ». En clair : les jours de Balthazar sont comptés (il mourra le lendemain), il a été pesé pour le Jugement (et ne fait pas le poids), son royaume sera divisé. Amusant, non ? La jeune fille qui a apostrophé Élisabeth Borne s'appelle peut-être Tecel. Ce serait troublant.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Détestable société que celle où l’on n’inculque pas aux jeunes le respect des anciens !…
    Gageons que ces jeunes experts en insolence auront dans les 30 ou 40 ans qui suivent , un comportement tout à fait opposé, et paraitront ‘ringards’ aux yeux de la génération. qui leur succèdera.

  2. Je n’approuve pas votre article en tout cas en ce qui concerne la jeune fille ; ce sont les rencontres jeunesse Matignon si le gouvernement ne veut pas entendre un franc-parler et une jeunesse s’exprimer qu’il n’organise pas de rencontre de jeunesse à Matignon il n’y a aucune insulte ni gros mots dans ce qu’a dit la jeune fille, contrairement à ce qu’on a pu entendre à l’Assemblée nationale et autres ! Un franc parler dont devraient user beaucoup plus de nos citoyens.

  3. Trés élogieuse la gamine, mais des propos creux , vides de sens , toute cette jeunesse veut nous donner des leçons , mais à leur âge nous étions nettement plus matures , le travail était notre horizon , dans ce domaine les anciens dans l’entreprise étaient respectés , leur expérience était le modèle à suivre . Or à ce jour que veut cette jeunesse, du temps libre à foison, des salaires décents sans trop travailler , bref !!! le farniente avant les responsabilités. Bien sûr tous ne sont pas à mettre dans le même panier, mais quand j’entends sur certains plateaux avancer que notre jeunesse est en souffrance, j’ en souris « jaune » car partout où je passe , que je vois des jeunes aux terrasses des bistrots , et ce de plus en plus jeunes , je me dis que oui nous n’avons pas eu les mêmes valeurs.

  4. Que voulez-vous ? c’est la jeunesse de l’Élysée ! Et après vous vous offusquez? Moi a 21 ans je travaillais et il ne fallait pas se plaindre ou pleurer c etait marche ou crève ! Les gamins bobos ont été mis sur un piédestal et voilà le résultat ! Je ne comprends pas pourquoi elle a eu le prix de l’éloquence car elle ne représente rien du tout !

  5. Manès Nadel, Greta Thunberg et cette jeune fille.
    L’impudence de ces trois là montrent à quel point la réplique d’Audiart, selon laquelle « Les c*ons ça ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnait », est juste.
    Et les puissants et les médias qui se contraignent à faire des révérences devant ces jeunes crétins.
    Le métier de politique a des obligations consternantes.

  6. Elle a proposé quoi cette jeune femme ? En tous cas elle sait s’écouter parler… ses parents ont dû lui donner un peu trop d’importance, adultes taisez-vous, la petite parle ! Problème d’éducation à mon humble avis…

  7. On ne sait pas…mais peut-être certaines « têtes à claques » insolentes conduiront-elles leur barque à « très » bon port…eu égard au monde tel qu’il est, en particulier médiatique. Qui se souvient aujourd’hui que Michel Field – l’une de mes connaissances d’alors car à l’époque voisin de palier de certains de mes cousins proches – avait traité, en 1973, alors qu’il était, lui aussi, lycéen, le ministre Joseph Fontanet de « rigolo » ? Entre soi…tout est possible !

  8. Aux cerveaux bien lavés la bêtise n’attend pas le nombre des années. Encore une fois merci la gauche.

  9. Cette jeune fille ne s’inscrit-elle pas dans l’air du temps ? Tout le monde a son mot à dire sur tout. C’est normal jusque là. Mais lorsque certains se mettent à élucubrer sans vergogne, (Gims) , sans opposition marquée d’une autorité, les jeunes se disent « suivons le mouvement » . C’est ainsi que se développe l’écriture inclusive, le wokisme, le lobby LGBTOQ aidé du planning familial qui vont jusqu’à enseigner dans les écoles les pratiques sexuelles des adultes à des enfants de 10 ans, et pour couronner le tout, une gauche obsessionnelle qui qualifie de fasciste tout ce qui est vers son bras droit . Ces hurluberlus qui détournent les dogmes fondamentaux, aux prétentions sans limites et sans oppositions significatives, doivent s’aimer au point de creuser une empreinte de leur visage dans le miroir de leur salle de bain. Prenons certains plateaux télé dialoguant autour de la réforme des retraites. Il est bien question des conditions de vie après le travail ! Non ? Avez-vous vu et entendu des retraités s’exprimer sur le sujet ? Pour ma part, aucun. Ils sont pourtant les mieux placés pour évoquer leur situation après une longue carrière dans des conditions de travail bien inférieures à ce qu’elles sont aujourd’hui. Les jeunes ne font que reproduire par mimétisme le comportement de certains adultes porteurs de la voix du maître .

    • Bravo. Votre Réflexion devrait être publiée au Journal Officiel de la République afin que, exceptionnellement, tout Citoyen un peu curieux puisse en prendre lecture !
      Je vous rejoins en tous points sur ce qui est écrit. Décidément cette Jeunesse dépravée a un besoin urgent de recadrage.

      • Oui, mais qui pourrait opérer ce recadrage? Les anciens sont majoritairement macroniens, les parents dans le moule…Seuls d’autres jeunes pourraient agir. Ils existent, miraculeux rescapés du grand formatage, et constituent notre seul espoir.

  10. N’importe quelle minorité qui se réclame « opprimée » peut dire n’importe quelles âneries ; il ne faut surtout pas la remettre à sa place. Alors Pap , Borne et les autres sourient niaisement à leur dénigrement par peur de passer pour un … blanc de 50 ans. Mais mon Dieu que tous ces rebelles de salon sont pathétiques. Et le sont tout autant, ceux (et ils sont nombreux) qui y voient de la rébellion ou de la résistance. A ce jeu là le RN n’a rien à envier aux autres quand j’entends MLP parler des français en « souffrance » au titre des retraite. Elle et les autres ne savent faire qu’une chose ; passer la brosse à reluire et cajoler le peuple comme quand on s’adresse à des enfants.Malheureusement, il semble que c’est ce qui marche pour gagner des élections.

  11. Franchement quand on voit ça, on a l’impression de voir la quasi majorité de nos politiques ! On brasse du vent, en veux tu en voilà ! On se demande pourquoi on doit encore construire des éoliennes, non recyclables ! Tout ce brassage de vent ne suffit il donc pas à alimenter notre pays en énergies ? Mais peut-être que nos génis n’ont pas encore pensé à recycler cette énergie …. car trop occupés à brasser du vent ?

  12. il y a longtemps, nous sommes aussi passés par là, « on va vous refaire le monde et vous allez voir ! Je me suis calmé le jour où ou un monsieur d’une soixantaine d’années m’a dit « toi, tu es du genre à vouloir apprendre à tes parents comment on fait des enfants » ! je devais avoir 16/17 ans; si je n’ai pas compris sa remarque sur le moment, avec l’expérience, il avait, c’est sûr, fait mouche au point que je m’en suis aussi servi tout au long de ma vie si l’occasion s’en faisait sentir. Aussi, je trouve plus grave et nettement condamnable l’attitude du ou des journalistes qui se servent de ce pubère surtout mental pour étayer je ne sais quelle valeur de la parole attribuée à un môme qui ne peut rien connaître de la réalité des débats en cause ! Il pourra toujours demander à voir les images d’archives de Jojo Marchais ou Krakrazucki, surtout quand il essaya en vain de prononcer un nombre à 6 chiffres même assisté par un collabo-rateur lui aussi ! Quant à l’apostropheuse de Borne, gauchette de pacotille, c’est son pendant 50 plus tard qui apparaît, inspirée par ses ouvreuses de routes en cul -de-sac en perpétuel renouvellement des mêmes aberrations mentales; on a l’habitude. Je conclurai par un message au futur président d’un syndicat à créer, avec un conditionnel, on met un subjonctif imparfait:  » il faudrait que les lycéens se tussent … » . Voilà p’tit bonhomme, tu remets ta tototte, tu prends un livre de conjugaison, si tu ignores ce que c’est demande à mélenchemachin il saura pas t’expliquer, tu apprends ta langue; ça ne te rendra pas plus intelligent, trop tard, mais au moins t’auras l’air moins cave ! Capito chiquito !

  13. Ils amuseront un temps les kakous, comme Greta Thunberg, que l’on sait par ailleurs savamment téléguidée.

  14. Je n’ai pas pu regarder la vidéo plus de 10 secondes. Élisabeth Borne a des nerfs d’acier et me devient très sympathique.

    • A mon sens, Elisabeth Borne démontre une fois de plus qu’elle n’est pas à la hauteur de sa fonction. Se laisser ainsi insulter sans réagir par une gamine prétentieuse et mal élevée est une lâcheté de plus de la part du chef de gouvernement. Une nouvelle démonstration de la soumission à l’irrespect, La jeunesse n’est pas une vertu, l’invective n’est pas un droit, l’insulte n’est pas un argument, le mépris n’est pas le courage.

      • Vous n’avez pas du lire votre texte. . Il n’est qu’invective, insulte, mépris et sans courage.
         » une gamine prétentieuse et mal élevée ». vous enlevez un E et vous avez la définition d’un Président.

      • Je suis d’accord. En ne réagissant pas E Borne se rabaisse et de fait, donne raison à la jeune femme. C’est aussi une image de dialogue aujourd’hui en France. Surréaliste.

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