Jeunesse fragile : pas de « content warning » à Verdun ou au Mali

Bataille_de_Verdun_1916

Attention fragile. Manipuler avec précaution. Le meilleur des mondes promu à longueur de propagande sera inclusif et se démarquera des précédents par une caractéristique inédite dans l'histoire de l'humanité : sa souffreteuse fragilité. Hélas, ce qu'on refuse de voir, ou de nous montrer, est que ce monde promis sera également, et surtout, violent, très violent ; et il est bien dommage qu'on s'interdise encore de se l'avouer, afin de s'en prémunir ou de s'y préparer. Faute non avouée sera-t-elle pardonnée ?

La boucherie humaine qui se déroula entre août 1914 et novembre 1918 fit plus d'un million trois cent soixante mille tués dans l'armée française. À l'issue de la Grande Guerre, la génération des 20 ans ne comptait plus que 48 % de survivants. Et, pour beaucoup de survivants, parfois pire que la mort, les terribles séquelles physiques et psychologiques, celles des « gueules cassées », des « trembleurs », des internés à vie, victimes de ce qu'on dénomme, de nos jours, le syndrome de stress post-traumatique.

Aujourd'hui, avant même le premier coup de canon, notre société inclusive fait face à un autre type de trouble psychologique induit, qu'on pourrait qualifier de syndrome de stress progressiste, affectant un large pan d'une génération d'âmes sciemment sensibilisées. Sur les paquets de tabac, on nous prévient : le tabac tue. Dorénavant, avant d'ouvrir un livre, allumer sa télé, des mentions similaires seront de plus en plus d'actualité. Attention : le progressisme, la pédagogie inclusive rendent malade, fragile.

Nous venant encore des États-Unis, toujours et pour un certain temps, les « content warning », qu'on peut traduire en « avertissement sur le contenu », en préambule de certains livres. Ceux-ci s'inscrivent, à l'instar des safe space de la communauté LGBT et des mouvements féministes des années 60 et 70, dans une démarche d'autonomisation (empowerment) qui permet de ne pas avoir à être confronté aux réactions négatives généralement dominantes sur certains sujets. Un content warning est une liste destinée à signaler certains contenus sensibles, des propos oppressifs ou discriminatoires formulés ou pensés par les personnages, et prévenir des passages jugés particulièrement difficiles traitant, par exemple, de l’homophobie, la biphobie, le racisme, le validisme, la psychophobie…

Exemples concrets : chapitre 8, transphobie (tentative d’agression physique), chapitre 10, agressions verbales lesbophobe et grossophobe, au 18 cissexisme, au chapitre 20 validisme (souvenirs) et au 23, transphobie et homophobie familiale, etc. Attention, âmes fragiles s'abstenir, donc. Le lecteur est prévenu, psychologiquement préparé ; bien fermer les yeux en lisant pour se désengager du mot stigmatisant, de la phrase anxiogène, du paragraphe susceptible de provoquer des symptômes psychologiques intenses.

Hélas, point de safe space à Verdun, point de content warning au Mali, et le meilleur des mondes sera bien schizophrène, conflictuel ; d'une part, une génération de tendres fragiles et, d'autre part, le réel. Ce terrible réel où les gueules cassées ont fait place à des cerveaux traumatisés par excès de bienveillance factice et, en face, une idéologie dite de tolérance qui compte les asservir. Une tyrannie de la faiblesse, l'éclipse du guerrier telle que décrite dans le livre de Paul-François Paoli, face à une tyrannie tout court, et ses propres guerriers. Viendra nécessairement un jour ou ces deux catégories entreront en conflit. À ce stade, et toutes choses étant égales, on ne peut qu'en appréhender l'issue.

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