JO 2024 : les bouquinistes des quais sont prêts au bras-de-fer juridique

bouquiniste

Vendredi 17 novembre au soir, quai de la Tournelle (Ve arr.), a eu lieu le démontage de quatre boîtes vertes, emblématiques du métier des bouquinistes des bords de Seine, puis leur remontage. Un test en vue de s’assurer de la possibilité d’enlever 450 à 600 boîtes avant les Jeux olympiques, l’été prochain.

Rappel des faits. Fin juillet 2023, la préfecture de police prévient les bouquinistes que leurs boîtes seront démontées afin de sécuriser le parcours fluvial de la cérémonie d’ouverture, le 26 juillet 2024. Leur incompréhension est grande : pourquoi priver Paris d’un des petits métiers qui ont façonné son image aux yeux des touristes, au moment où le spectacle sera diffusé mondialement ? Côté pratique, comment assurer le démontage de ces boîtes ? Que deviendront les bouquinistes privés de gagne-pain ? Début octobre, le Conseil de Paris vote en faveur du déplacement des boîtes.

Pour les bouquinistes, un test sans signification

L’enlèvement semble inéluctable et, aucune boîte n’ayant été cassée vendredi soir, réalisable. Mais Jérôme Callais, président de l’Association culturelle des bouquinistes de Paris, explique à BV pourquoi il faut relativiser le succès du test :

« Quand vous déployez vingt personnes avec cinq ou six camions, dont un 24 tonnes doté d’une grue, à quoi vous ajoutez onze déménageurs pour emballer les livres et quinze policiers pour régler la circulation, forcément, ça se passe bien. » Cela n’est pas représentatif, d’autant que le démontage sera confié par la mairie à un prestataire et que ce seront des centaines de boîtes qu’il s’agira de démonter.

Mais pour le président des bouquinistes, « 400, 500, 600 boîtes, on s’en fout. Nous ne voulons pas qu’on touche à nos boîtes, point ! Nous étions d’accord avec le projet initial de la mairie : déminage, scellage et emballage des boîtes. Depuis qu’est exigé leur enlèvement, nous n’avons plus aucune confiance. » Détail révélateur de l’opacité du système : les bouquinistes ne savent pas où seront entreposées les boîtes et les livres, une fois le démontage fait, et de toute façon, ils n'auront plus la main dessus. Une raison de plus de se défier…

Le demi-soutien de l’Académie française

Et d’ailleurs, « pourquoi vouloir nous effacer coûte que coûte d’un événement planétaire ? s'interroge Jérôme Calais. Nos boîtes dérangent sur 15 % du périmètre concerné… Or, la mairie a vendu la candidature de Paris au Comité des JO avec des arguments culturels, son Histoire, ses monuments mais aussi ses bouquinistes - nous sommes la plus grande librairie du monde, la plus ancienne, la plus démocratique et la plus populaire -, comment ne peut-elle pas défendre notre présence sur les parapets ? »

En passant sur les quais, il y a quelques semaines, nous confie Jérôme Callais, Emmanuel Macron a assuré quelques bouquinistes que leurs boîtes ne seraient pas enlevées. Quel valeur a ce soutien ? La même que celui de l’Académie française ? « L’Académie, la grande, n’est pas opposée à l’enlèvement des boîtes, elle ne fait que réclamer un dédommagement pour les bouquinistes. Ça n’est pas nous soutenir ! Par contre, nous soutiennent de façon extraordinaire les quatre autres académies : des beaux-arts, des sciences, des sciences morales et politiques, des inscriptions et des belles-lettres. Nous avons également le soutien de toutes les académies régionales. L’Académie française n’a pas su rejoindre ce mouvement : c’est triste. »

Pour l’heure, les bouquinistes, épuisés et excédés par trois mois et demi de combats face à une administration municipale sourde, étudient maintenant avec leurs avocats les arguments juridiques qu’ils pourront opposer à la mairie de Paris. Quant à la célébration du métier lors de la cérémonie d’ouverture, Jérôme Callais ne s’y laisse pas prendre : « Pas question de nous prêter à cela si nous sommes effacés physiquement du paysage. Non, non et non ! » La ligne est claire : « Nous ne voulons pas qu’on touche à nos boîtes. » Les bouquinistes des quais ont survécu aux guerres, à l’Occupation, à la crue de 1910… survivront-ils à Anne Hidalgo ?

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

42 commentaires

    • Le seul endroit où les étudiants sans le sou largués dans Paris pouvaient s’offrir le dimanche quelques bouquins persos, en dehors des bouquins de bibli intouchables et à rendre trop vite; les libraires et éditeurs étant bien trop chers ( je parle d’une époque avant l’invention d’Amazon et Priceminister..)

  1. Quand Macron promet une chose, il se passe toujours le contraire. C’est dramatique pour les bouquinistes, d’autant que les J.O. n’auront finalement pas lieu puisque les émeutiers et les grévistes se sont bien juré de les empêcher par tous les moyens.

  2. Aucune illusion à se faire, les boîtes seront enlevées. Depuis quand tiendrait-on compte de l’avis des intéressés en Macronie? D’autant plus qu’une bonne partie de la population s’en fout, hélas, comme d’habitude…

  3. Oser prétendre que le démontage des boites des bouquinistes s’inscrivent dans un souci de sécurité révèle qu’il n’y avait donc pas de danger justifiant la mise en place du plan vigipirate et le remplacement des poubelles par des sacs. Et quel crédit accorder à Macron quand il affirme aux bouquinistes que leurs boîtes ne seraient pas enlevées. Soutien total aux bouquinistes. Non à l’enlèvement des boites.

  4. Les bouquinistes n’ayant plus de revenus pendant la durée des J.O. il faut faire de même avec Mme Hidalgo on verra ce qu’elle fera !

  5. Y-a-t-il une nouvelle pétition en ligne à signer pour soutenir les bouquinistes? Ils sont certainement soutenus par énormément de gens comme vous et moi, mais cela ne se sait pas assez.

  6. l’événement qui amènera beaucoup de touristes, ne verra pas nos bouquinistes qui sont dans le paysage parisien, quand on connait le système Hidalgo, « tout pour moi, rien pour les autres » on se demande dans quel état ils retrouveront leurs fonds de commerce et où seront passés les « bouquins », encore une fois la mairie se signale pour supprimer une part culturelle de Paris.

  7. Et ont-ils songés à enlever les peintre à la butte Montmartre… il y a de quoi cacher des armes longues !
    En fait tout cela est ridicule car aucun lieu n’est sécuritaire à 100 % et tous ces pieds nickelés le savent bien.
    Mieux vaut s’évertuer à enquiquiner les braves gens pour flatter l’ego de certains quand tous les (vrais) spécialistes disent et répètent que cette manifestation sur la Seine est une hérésie !

  8. Quand je passe par Paris, je ne manque jamais de flâner le long des quais en consultant les bouquinistes. On y trouve des trésors et j’en repars toujours avec 1 ou 2 d’entre eux. Je ne vais jamais aux Champzé.

  9. Question sécurité, qu’ils disent ? Non, c’est seulement que ces boîtes, même fermées bouchent la vue sur la Seine et empêcheraient des spectateurs payants de voir la cérémonie d’ouverture ! Maintenant quel est le ratio coût (de démontage, stockage, indemnités, remontage) versus la perte de quelques entrées payantes sur les quais ce jour-là ?
    Mais comment faut-il vous dire que c’est une question de sécurité ? Non mais…

    • Ce ne sont pas les mêmes caisses.
      À charge de la Ville de Paris les démontage, remontage et éventuellement les indemnités et au CIO les billets d´entrée.

  10. J’apporte mon soutien indéfectible pour le maintien des boites des bouquinistes, de quelques manières que ce soit.
    D’ailleurs BV pourrait s’enorgueillir en lançant sa propre pétition, qu’évidemment je signerai.

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